A-t-on à faire à l’habituelle opposition de syndicats incapables d’évoluer ou le texte de l’arrêté fixant le cahier des charges de la formation des maîtres est-il vraiment inacceptable ? La question se pose d’autant plus que les organisations siégeant au Conseil supérieur de l’éducation sont divisées et que la fracture passe par exemple entre parents (favorables) et enseignants (globalement défavorables mais partagés).
Des recommandations prometteuses.Cette situation est d’autant plus surprenante que les recommandations du Haut Conseil de l’éducation étaient prometteuses. D’emblée le HCE affirmait : « Si l’on veut « améliorer les possibilités d’enseignement et d’apprentissage », la formation des maîtres gagne à s’appuyer sur les résultats de la recherche, qu’il s’agisse de la recherche disciplinaire comme de ce qu’on appelle la « recherche en éducation », c’est-à-dire la recherche dans les sciences et disciplines qui concourent à l’efficacité des pratiques didactiques et pédagogiques et à la réussite des élèves ». Des phrases que l’on n’espérait plus entendre rue de Grenelle depuis que la chasse aux pédagogues y a été ouverte. Pour le HCE,la formation des enseignants devait trouver un équilibre entre une formation théorique poussée et des stages pratiques. Ce qui nécessite son allongement en amont, où les étudiants connaissent avant le concours une première rencontre avec le métier et surtout en aval où les jeunes professeurs doivent être suivis durant deux ans par leurs formateurs.
Le texte du HCE sortait la formation des maîtres de son cadre traditionnel strictement attaché à une discipline pour définir sa formation en 10 compétences, une d’entre elles étant la maîtrise des savoirs disciplinaires, les autres englobant la totalité des missions de l’enseignant : gérer sa classe, évaluer, travailler en équipe etc. Une conception assez ordinaire à l’étranger mais réellement révolutionnaire en France.
Mais le texte du HCE avait aussi sa part d’ombre comme par exemple le maintien d’un concours strictement disciplinaire et la suppression du mémoire professionnel.
Des grands principes à l’application. La personnalité du ministre, le combat qu’il mène obstinément pour le retour à l’école traditionnelle pouvaient laisser craindre un rejet ouvert des recommandations du HCE. Gilles de Robien a accepté la formulation en compétences de la formation des maîtres et l’étalement de celle-ci en amont et en aval mais il a lardé le texte de l’arrêté d’éléments qui altèrent la portée du projet initial.
Ainsi, si le texte évoque à nouveau un maître s’appuyant sur des connaissances disciplinaires et sur des compétences pédagogiques (« Un enseignant doit bien maîtriser des connaissances correspondant aux disciplines qu’il aura à enseigner. Cela suppose une formation disciplinaire solide qu’il reçoit pour l’essentiel à l’université. Il doit aussi se familiariser progressivement avec la façon dont ces connaissances peuvent être transmises aux élèves dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences et des programmes d’enseignement : quels en sont les points essentiels ? Comment les articuler entre eux ? Il doit s’initier à la pratique de son futur métier : comment organiser sa classe ? comment adapter sa pédagogie à la diversité des élèves ? Comment évaluer le travail de chacun des élèves ? etc. » page 5), la formation perd quelques lignes plus loin tout repère avec la recherche en sciences de l’éducation et est redéfinie comme une pratique relevant du compagnonnage. » Des savoirs théoriques déconnectés de la pratique sont inefficaces dans une formation professionnelle et, symétriquement, les situations rencontrées sur le terrain par les professeurs stagiaires ne sont pleinement formatrices que si elles sont analysées à l’aide d’outils conceptuels et des apports de la recherche universitaire ».
Ce qui renforce cet aspect c’est aussi la définition du formateur. » Un formateur d’enseignants est un professeur reconnu par les corps d’inspection. Il est également nécessaire qu’il connaisse les bases de la formation d’adultes » définition qui n’est pas exagérément ambitieuse.
Deux points méritent d’être encore relevés. Le ministre rétablit subrepticement, au détour d’une phrase, la bivalence au collège ! (page 11). Il prévoit une formation par alternance, avec des stages longs dont on voit bien qu’ils sont allongés essentiellement pour dégager des moyens.
Une formation critiquée aussi sur ses principes. Dans un article publié par le Café pédagogique, Jean-Louis Auduc, directeur adjoint d’UFM, a souligné « l’ambivalence des propositions » du projet de cahier des charges. Pour lui, « si les stages sont au coeur du processus de professionnalisation des enseignants, ils ne peuvent à eux seuls être l’essentiel de la formation. Le compagnonnage, l’établissement- formateur peuvent avoir leurs intérêts, mais ils peuvent aussi être des producteurs de profondes inégalités compte tenu de la diversité des situations et des publics. Une formation axée quasi-exclusivement sur l’établissement peut être un danger ». Il demande une meilleure articulation entre les deux pôles de formation.
Pierre Frackowiak remet en question le modèle même du stage. « Si l’on veut réellement changer la formation des enseignants, il faut avoir le courage d’affirmer que le modèle dit applicationniste (déroulement de séquences à reproduire, observations centrées sur le maître) a bien vécu et qu’il a vécu. Il faut aussi reconnaître que la pédagogie n’est pas sans importance… L’une des voix à privilégier est sans doute l’exploitation de la pédagogie de résolutions de problèmes ».
Un accueil partagé pour un projet qui interroge. Le vote partagé du CSE traduit le mélange d’avancées et de recul qui définit ce texte. Ainsi pour le Sgen Cfdt, avec ce texte, » on assiste au retour des vieux fantasmes du compagnonnage et de la formation sur le tas ».
Le texte des arrêtés
Le dossier du Café