« Sur la polémique récente, à propos du b.a.-ba, aucun des candidats à la candidature du PS ne s’est exprimé ; au point que de nombreux militants se sont demandés s’il n’y avait pas eu un accord secret entre eux pour éviter le débat. Impressionné par les sondages qui font la part belle à la nostalgie et à l’irrationnel, on risque d’écarter la question d’un revers de main, considérant qu’il ne s’agit que de vulgaires problèmes de méthodes, que toutes se valent, etc. On ferait ainsi complètement l’impasse sur le fait qu’en privilégiant la mécanique comme préalable, au détriment du sens, en accréditant l’idée que les méthodes anciennes auraient fait leurs preuves, on se mentirait à soi-même, on sacrifierait la place de l’intelligence et de son développement dans l’apprentissage de la lecture, comme dans tous les apprentissages, l’importance de la fonction émancipatrice de l’école ». Pierre Frackowiak est inspecteur, on le sait, militant syndical, et bête noire de Robien. C’est aussi le responsable éducation du PS du Nord Pas-de-Calais. Et du courage il en a pour attaquer ainsi de front l’immobilisme de son parti dans une tribune de Libération.
« D’autres questions de fond ne sont pas non plus vraiment traitées à gauche : le problème du collège qui souffre toujours de l’erreur historique d’en avoir fait le «petit lycée» plutôt qu’une partie de l’école fondamentale de 3 à 16 ans ; le problème des pratiques pédagogiques toujours occulté par le développement du cercle macabre «évaluationremédiation», qui ne remet jamais en cause ce qui se passe réellement dans la classe en amont ; le problème des contenus et du sens des programmes scolaires toujours massivement orientés par la sédimentation de connaissances sans se préoccuper du développement de l’intelligence, de l’esprit d’initiative, de la stratégie, de l’apprentissage de la responsabilité et du vivre ensemble ; le problème des missions des profs, avant celle de leurs horaires, de la continuité et de la transversalité des enseignements… L’idée que, compte tenu des sondages, la gauche ne reviendrait pas sur les décisions de Gilles de Robien si elle retrouvait le pouvoir est angoissante. Elle serait l’expression d’une sorte de renoncement, à l’opposé du progrès et de l’espoir. Dans le même temps, on constate un incroyable décalage entre les positions actuelles du PS et les réflexions et propositions des syndicats progressistes, des mouvements d’éducation populaire, des mouvements pédagogiques, des parents d’élèves de la FCPE, des chercheurs en sciences de l’éducation, autant de gens dont une partie des voix a été perdue par la gauche en 2002… Nombreux sont les militants politiques, les syndicalistes, les acteurs des mouvements progressistes, les promoteurs d’une école à la hauteur des enjeux d’une société démocratique, moderne, généreuse, qui attendent l’expression d’un réel courage politique de gauche ».
Article de Libération