« En définissant la formation des enseignants comme un ensemble de compétences professionnelles, le HCE redéfinit en fait l’exercice même du métier. Il inclut dans le métier des savoirs d’ingénierie éducative. Il fait des maîtres des agents communicants. Il les installe à l’intérieur d’équipes éducatives » écrivions-nous le 6 novembre suite à la publication du rapport du HCE sur la formation des maîtres. Alors que le ministre vient de rendre public un projet de cahier des charges sur la formation des enseignants qui reprend les recommandations du HCE, cette remarque devient interrogation. Comment le (futur ?) ministre reconnaîtra-t-il les nouvelles dimensions du métier induites officiellement par la réforme de la formation ?
Mais laissons de côté cette question pour le gouvernement d’après avril 2007. Soulignons ici une affirmation et trois questions.
Il faut le dire : le projet Robien apporte un enrichissement réel à la formation des enseignants. On aurait pu craindre une conception très traditionaliste du métier. Le ministre a en fait suivi l’avis du HCE. Certes il y a des scories, des traits qui peuvent prêter à la critique (les nouveaux profs n’auront pas de master, le stage en entreprise risque d’être un gadget, le mémoire professionnel est supprimé) et même des petitesses économiques qui portent la trace ministérielle (ainsi les stages filés seront rallongés pour « payer » les remplacements des professeurs en formation continuée). Mais la réforme impose une vision de l’enseignant qui va bien au-delà de la transmission disciplinaire.
Restent trois questions. La première concerne le pilotage même du dispositif. Pour vérifier la formation des enseignants, le ministre crée une Commission d’évaluation de la formation des enseignants qui aura pour tâche de valider les dispositifs conçus par les universités. Elle aura un rôle d’autant plus important que la forme de la formation est ouverte (par exemple plus de mémoire professionnel pour attester d’une réflexion didactique). Sa composition pèsera sur la qualité des formations.
Ce paramètre sera d’autant plus important qu’il ne suffira pas de changer la formation initiale pour faire s’évanouir la conception traditionnelle du métier. Celle-ci est puissamment ancrée dans l’histoire de notre Ecole. Elle correspond à une conception des parents et de l’élève. Elle s’appuie sur une économie de l’Ecole (horaires, classes etc.) qui restent inchangée et qui a été renforcée par Fillon et Robien. On voit mal comment les compétences mises en avant dans le projet (ouverture de l’école, rapports avec les parents etc.) peuvent coexister avec l’école traditionnelle. Or rien n’est prévu ni symboliquement ni matériellement pour changer les choses.
Cela amène la troisième interrogation. Récemment, l’OCDE écrivait : « On admet en général qu’une excellente formation initiale est nécessaire mais ne suffit pas pour assurer l’efficacité permanente des enseignants. Étant donné la très grande rapidité avec laquelle évoluent les exigences auxquelles les établissements scolaires sont soumis et progresse la connaissance, il est essentiel que tous les enseignants bénéficient d’un perfectionnement professionnel permanent. Dans le passé, la politique de l’éducation privilégiait en général la formation initiale plutôt que la formation en cours d’emploi, mais à présent cette situation s’inverse. La carrière enseignante est de plus en plus considérée dans une optique de » formation tout au long de la vie ». Or on comprend bien que les modifications apportées à la formation initiale, les tensions qu’elles devraient générer dans les établissements vont imposer une montée en puissance de la formation continue. Aujourd’hui la France se distingue parmi les pays de l’OCDE par la faiblesse de son dispositif. Elle est même tout à fait en queue de peloton. Aucun effort en ce domaine n’a été annoncé par le ministère.
Rappel : L’Expresso du 6/11
Rappel: dossier formation du Café