L’exaspération monte d’un cran dans le premier degré
« J’ai reçu hier le pli recommandé annonçant que le ministre « envisage de m’infliger une sanction du premier groupe ». Même « du premier groupe », je n’accepte pas cette sanction compte tenu des principes et du droit syndical, de mes états de service, de mon engagement au service de l’Ecole, y compris en tant que syndicaliste ». Inspecteur de l’éducation nationale, Pierre Frackowiak a osé contredire le ministre sur un plateau de télévision sur les programmes d’enseignement de la lecture. Cette affaire fait suite à l’affaire Goigoux, un chercheur – formateur sanctionné alors qu’il avait critiqué les positions ministérielles devant Robien sur France Inter.
« J’ai appris », ajoute P. Frackowiak,« que mes incursions sur le terrain du bon sens agacent en haut lieu…. Je les maintiens. Je maintiens aussi que, en tant que fonctionnaire, j’applique les programmes officiels de 2002 avec le décret de mars 2006 que je distingue des discours médiatiques du ministre et des documents de communication. En tant que syndicaliste, en tant que pédagogue, en tant que militant politique, j’ai le droit de m’exprimer. Je souhaite qu’il soit mis rapidement un terme à cette crise qui porte un préjudice considérable à l’école et aux maîtres ».
Les syndicats et les mouvements pédagogiques avaient mis en garde le ministre de l’éducation nationale et dénoncé son autoritarisme. Celui-ci a répondu par une surenchère.
Depuis une nouvelle provocation fait monter la pression. L’association Sos – Education, une association ultra conservatrice, dans des publicités insérées dans la presse écrite, appelle les parents à dénoncer les enseignants qui n’utilisent pas la méthode syllabique. Sos Education s’était plaint que les programmes de mars 2006 n’imposent pas cette méthode et souhaite visiblement faire lever cet obstacle. Le Snuipp,le Sgen , le Se-Unsa demandent publiquement que Gilles de Robien « condamne vigoureusement ce qui s’apparente à de la délation, apporte son soutien aux enseignants mis en cause et affirme que les manuels utilisés en classe sont conformes aux programmes ».
C’est qu’un peu partout sur le terrain, des enseignants sont soumis aux pressions de parents qui croient d’autant plus que l’instituteur de leur enfant utilise la méthode globale que le ministre laisse croire qu’une seule méthode est autorisée.
Utiliser les parents contre les enseignants. Faire des inspecteurs des chiens de garde jetés sur les profs. Dresser les profs contre leur ministre et l’institution. La politique suivie par Gilles de Robien pervertit le fonctionnement de l’éducation nationale. Faudra-t-il changer de ministre ou voir se dissoudre l’Ecole ? Il est clair maintenant qu’une riposte syndicale se prépare.
http://www.snuipp.fr/spip.php?article4047
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/10/index111006.aspx
Installation du Comité d’orientation des programmes
Le ministre de l’éducation nationale a procédé le 18 octobre à l’installation du Comité d’orientation des programmes (COP). Le Cop, qui remplace le Conseil national des programmes, est chargé d’adapter les programmes au « socle commun » défini par le Haut conseil de l’éducation.
Outre des représentants de l’administration, le Cop est composé de personnalités qui animeront chacune un groupe de travail autour d’un des 7 piliers du socle. Les programmes de français sont confiés à Pierre Brunel, un universitaire, et Martine Safra, inspectrice générale. La culture scientifique revient à Jean-François Bach, secrétaire de l’académie des sciences. On se rappelle que celle-ci soutient une expérimentation de fusion des enseignements scientifiques au collège. Le groupe de travail sur les Tice sera présidé par Guy Menant, inspecteur général. Celui sur la culture humaniste, un pôle qui regroupe par exemple l’histoire et la géographie, dépend de Marc Fumaroli, académicien et ancien président de l’Association pour la sauvegarde des enseignements littéraires, dont Pierre Brunel est également un responsable. Le groupe langues est dirigé par l’inspectrice générale Geneviève Gaillard. Monique Canto-Sperber, directrice de l’ENS, participe également au comité ‘orientation.
http://www.education.gouv.fr/cid4083/installation-du-comite-d-orientation-sur-les-programmes-par-gilles-de-robien.html
Les syndicats dénoncent l’autoritarisme de Robien
» Méthode de sinistre mémoire : au ministère de l’Éducation nationale, on travaille désormais sur des listes. On diligente l’inspection générale. S’opposer à la parole du ministre sur l’apprentissage de la lecture, serait-ce un crime ? Pourtant, de paroles, le ministre en abuse, quitte à nier les apports scientifiques comme les programmes nationaux qu’il a lui-même édictés ! Une seule tête, une seule méthode. Voilà donc un ministre en guerre contre ses enseignants, sabrant publiquement leurs compétences professionnelles, jetant le trouble parmi les parents. Au-delà de l’absurde querelle sur les méthodes d’apprentissage de la lecture faite aux collègues de Cp, c’est la conception même du métier d’enseignant, à quelque niveau qu’on l’exerce, qui est ici attaquée ». Dans L’Enseignant n°99, Luc Bérille, secrétaire général du Se-Unsa, fustige Robien. Même son de cloche dans Profession Education, la revue du Sgen Cfdt, sous la plume de J.-L. Vileneuve. « Le ministre entretient le trouble dans l’opinion, stigmatise la profession, organise ce qui peut s’apparenter à une « chasse aux sorcières ».
Le Snesup-Fsu en appelle à la défense des libertés universitaires. » Nous sommes indignés par l’agression du ministre de l’Education Nationale qui vise tant les enseignants et les chercheurs dans leur travail que les élèves dans leurs apprentissages. Nous condamnons les propos insultants tenus à l’encontre de Roland Goigoux… et son éviction… Nous ne pouvons admettre l’autoritarisme du Ministre qui va jusqu’à menacer les enseignants du premier degré d’une enquête et de sanctions au cas où ils ne se conformeraient pas à la méthode imposée, et à intenter des poursuites disciplinaires contre un inspecteur. Nous sommes scandalisés par le détournement ou la caricature de travaux de chercheurs ».
http://www.se-unsa.org/page_enseig.html
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1191.html
http://www.snesup.fr/navigation/general/page.php?ndoc=2671
Frackowiak : le dossier est vide
Deux poids, deux mesures. Mais en aucun cas matière à sanction. Un dossier vide ». Pierre Fackowiak est cet inspecteur victime d’une procédure de sanction disciplinaire pour s’être exprimé librement à propos de l’apprentissage de la lecture.
Il a pu consulter son dossier administratif. Pour lui, le dossier est vide. Il comprend des appréciations élogieuses de se supérieurs hiérarchiques depuis 1978, un rapport de même nature de l’inspecteur d’académie et un rapport plus nuancé du recteur qui estime que « il semble que je n’ai pas vraiment réalisé que mon statut de responsable syndical et mon engament dans des mouvements pédagogiques ne me mettent pas au-dessus des devoirs et des obligations qui s’imposent à tout fonctionnaire d’autorité et à tout cadre du système éducatif.
La dernière pièce est l’extrait du magazine Femina où P. Frackowiak était opposé à Marc Le Bris. Pour P. Frackowiak, celui-ci y reconnaît ne pas appliquer les textes officiels, ce qui ne l’empêche pas de bénéficier d’une décharge complète de service… L’article n’est en rien une critique des instructions officielles.
Pour Pierre Frackowiak, » comment sortir de cette situation dans le respect de chacun: respect du ministre qui a commis des erreurs mais qui est ministre, respect de Roland Goigoux qui n’est pas un chauffard comme l’a qualifié le ministre mais un chercheur et un formateur reconnu, respect de moi-même qui subit un préjudice moral considérable? Le ministre peut-il faire marche arrière ?… Il conviendrait de le faire d’urgence, avant que le premier ministre et le Président de la République ne se saisissent du problème, car le trouble et la colère des enseignants augmentent chaque jour. Situation complexe qui, au-delà des personnes, porte un préjudice considérable à l’Ecole, entame dangereusement la confiance de la Nation pour son Ecole ».
Les médecins scolaires en grève
« La diminution de 1/3 des crédits de vacations service a conduit au licenciement de centaines de médecins vacataires qui travaillent depuis le plus souvent plusieurs années à l’Education nationale. 40% des moyens du service étaient assurés jusqu’à maintenant par des médecins vacataires… A ce licenciement inhumain de nos collègues s’ajoute le fait qu’il n’y ait pas eu de concours de recrutement en 2005/2006 et donc un nombre important de départs à la retraite non remplacé. Dans le dossier de presse j’ai mis un courriel d’une collègue qui lance un SOS. Dans son département, il aura 1 médecin pour 16 400 élèves !… Dans la majorité des académies le service médical est mis en difficulté. » Les syndicats Unsa, Fo et Ucsmf des médecins scolaires ont manifesté le 19 octobre pour demander des postes.
http://snmsu.unsa-education.org/ACTION DU 19 OCTOBRE 2006.htm
Finalement 105 postes aux concours de médecin scolaire
Un arrêté paru au Journal officiel du 3 novembre fixe à 105 le nombre de postes de médecins scolaires mis aux concours. Le 19 octobre, les médecins scolaires avaient fait grève pour dénoncer « une situation catastrophique… des centaines de médecins manqueront ».
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENH0602644A
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/10/index091006.aspx
Des french doctors aux french teachers
Ce titre est emprunté à Martine Storti, inspectrice générale en charge d’une mission sur l’éducation en urgence. » En quelques années, l’idée a fait son chemin, tant les besoins sont immenses et les crises nombreuses et durables. Pour ma part, j’ai pu prendre la mesure de l’extrême importance de l’éducation, en situations de conflit, de crises et d’immédiat post-crise, à travers différentes missions effectuées au Kosovo, en Afghanistan, en Indonésie, au Sri Lanka, au Moyen-Orient, en Afrique, missions d’évaluation des besoins, de reconstruction et d’équipement d’établissements scolaires, de formations d’enseignants… »
Pour s’en convaincre rien de tel que lire les pages du blog de M. Storti et les documents qui l’enrichissent. Ainsi elle nous invite à découvrir un numéro spécial de la revue Migration forcée qui offre de nombreux exemples sur les politiques éducatives menées après les conflits (Libéria, Soudan, Afghanistan mais aussi Irlande du Nord, etc.). Il fait ainsi réfléchir au lien entre éducation et guerre.
http://www.martine-storti.fr/
http://www.migrationforcee.org/pdf/EducationSup/full.pdf
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2005/01/index170105.aspx
L’Etat se fera payer les blessures des profs
Le prof trinque, l’Etat encaisse. « Désormais, outre la plainte qui sera systématiquement déposée en justice, toute personne agressant un personnel de l’éducation nationale recevra une facture correspondant au montant de la rémunération versée pendant la période d’arrêt de travail provoqué par l’agression ». C’est la principale mesure annoncée par Gilles de Robien lors du séminaire « Etat, prévention et sécurité » présidé par le premier ministre.
Le ministre de l’éducation nationale a également rappelé les mesures préconisées par le Guide remis aux chefs d’établissement, un document déjà présenté par le Café, qui les invite à collaborer étroitement avec la police notamment en transmettant des informations confidentielles.
Robien a également soutenu le projet de loi sur la prévention de la délinquance. Le texte augmente le contrôle des élus locaux sur les familles. » Le chef d’établissement signalera au maire de la commune où sont domiciliés les élèves les exclusions temporaires ou définitives ainsi que les abandons en cours d’année des élèves mineurs de 16 ans. Le Maire pourra alors proposer un accompagnement parental. L’inspecteur d’académie communiquera au maire la liste des élèves domiciliés dans sa commune pour lesquels il aura adressé un avertissement pour absentéisme » a souligné le ministre.
Communiqué ministériel
http://www.education.gouv.fr/cid4148/seminaire-etat-prevention-et-securite-discours-de-gilles-de-robien.html
Rappel : Le Café 75
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/actu_75_accueil.aspx