« L’école de notre pays transmet de moins en moins bien les connaissances… À la fin du CM 2, le quart des élèves ne savent pas lire couramment. La majorité d’entre eux ne maîtrisent pas l’orthographe, la grammaire, les conjugaisons, la rédaction, le calcul, la règle de trois ou les rudiments d’histoire, de géographie et de sciences ». Le Figaro prolonge la campagne des déclinologues de l’Ecole en publiant le 23 octobre une tribune de Laurent Lafforgue et Marc Le Bris qui dresse ce sinistre tableau de l’Ecole. » Notre système éducatif se délite depuis les années 1960, et cela va en s’accélérant ».
Ils reprennent ce qui est devenu, avec des arithmétiques variables, le thème récurrent des conservateurs : le niveau baisse ! Sous la férule de mauvais maîtres, l’Ecole aurait abandonné sa mission de transmission des connaissances. Les jeunes sauraient beaucoup moins de choses que leurs aînés. Et particulièrement le niveau en lecture et écriture aurait régressé. Ici on nous dit qu’un jeune sur quatre ne sait pas lire. Ailleurs on avancera un sur trois, ou même plus, « hormis certains arrondissements parisiens » !
Alors justement allons voir ce que savaient les générations qui ont quitté l’école avant 1960, c’est-à-dire les sexagénaires et comparons avec les résultats des jeunes qui viennent de quitter l’école.
La comparaison peut être faite grâce à deux études de l’Insee qui ont enquêté sur les compétences en lecture et écriture des générations.
Selon elles, « les personnes âgées de 18 à 29 ans ont de meilleurs résultats que les générations plus âgées, que ce soit en lecture, en calcul ou en compréhension orale ». Ainsi si l’on regarde les difficultés graves de compréhension de l’écrit, cela concerne 7% des 18-29 ans mais 18% des 50 à 59 ans et 22% des 60 à 65 ans. Dans cette génération abreuvée à la méthode syllabique, un enfant sur quatre ne savait effectivement pas lire ! Les vieilles générations n’obtiennent de résultats équivalents à ceux des plus jeunes que pour la catégorie des sans diplômes. Mais qui oserait comparer la qualité et le nombre des sans diplôme dans la France des années 1950, où on sortait de l’école pour aller travailler à l’usine le plus tôt possible, avec les sorties sans qualifications actuelles, trop nombreuses mais résiduelles ? Ajoutons que ces écarts restent au bénéfice des plus jeunes même quand on ne prend en compte que les personnes scolarisées en France.
Dans leur tribune du Figaro, L. Lafforgue et M. Le Bris demandent à ressusciter l’école des années 1950. Par exemple ils souhaitent voir augmenter les redoublements et rétablir l’examen de passage en sixième. On sait bien quelles catégories sociales, au début des années 1960, sous l’alibi de l’examen d’entrée, n’avaient pas accès à l’enseignement secondaire. On sait aussi, grâce à ces travaux de l’insee, que le modèle scolaire qui nous est proposé aboutirait à faire baisser le niveau scolaire de ces mêmes jeunes.
La musique nostalgique du déclin contient une promesse : la régression sociale.
Mais, au-delà, elle porte un profond mépris des jeunes actuels en qui elle ne sait voir qu’une caricature de leurs aînés. Pourtant ces jeunes, s’ils ignorent une partie des connaissances des générations précédentes, ont acquis, même en dehors de l’école, des savoirs et des compétences que les générations antérieures n’ont pu acquérir. C’est finalement ce refus de la modernité qui est le signe le plus terrible des déclinologues.
F. Jarraud
A voir
http://www.lefigaro.fr/debats/20061023.FIG000000181_trois_reformes_urgentes_pour_sauver_l_ecole.html