« Une réduction significative des horaires ne pourra être obtenue sans une réforme d’ensemble de l’organisation des enseignements et du pilotage du système éducatif ». Extraite des rapports d’audit sur les grilles horaires des lycées et des collèges publiés le 17 octobre (voir article ci-dessous), cette phrase résume le glissement opéré dans l’éducation nationale. L’organisation des enseignements et le pilotage du système sont dirigés par un objectif strictement comptable : la réduction des horaires.
Vous en doutez ? Voici un autre extrait à méditer : » Sous réserve d’une validation indépendante des besoins d’investissements générés par la réforme, la mission recommande la création d’un baccalauréat technologique « sciences et technologies » à la rentrée 2007, simplifiant les spécialités actuelles et allégeant la charge horaire des enseignements ». Voilà une brochette d’inspecteurs des finances qui inventent une nouvelle filière de l’enseignement technologique justifiée uniquement par son coût plus réduit que les filières existantes (dont le rapport vante quand même les économies de 5 à 10% !).
Un dernier exemple ? On se souvient que la loi Fillon a décidé le dédoublement des cours de langues en terminale. Une mesure qui a d’ailleurs bien du mal à être appliquée deux ans plus tard. Les auteurs de l’audit sur les lycées ont une solution à ce problème : » l’allègement des structures à 20 élèves en moyenne en terminale générale et technologique en 2006, en première en 2007, devrait s’accomplir au rythme de la réduction du nombre de groupe de langues vivantes inférieurs à 15 élèves ». En clair le dédoublement ne serait plus de droit mais résulterait d’un marchandage comptable au niveau académique, histoire de les inciter à mieux gérer. Ainsi a-t-on le privilège de vivre en direct la prise de contrôle de la rive gauche par la rive droite, Grenelle par Bercy.
Les experts qui pilotent cette révolution ne manquent pas d’arguments. Ils ont beau jeu de faire remarquer la hausse des dépenses d’éducation par rapport à la stagnation du taux d’accès au bac ou au brevet. Pour eux, il est clair que les deux courbes auraient dû, au minimum, augmenter de concert. Ils remarquent également que la France dépense davantage que certains pays de l’Ocde pour son système éducatif. Ainsi, l’Ocde a calculé que les dépenses cumulées pour la durée des études primaires et secondaires se montent à 85 084 dollars en France contre 77 204 pour la moyenne des pays de l’Ocde. On dépense en France en moyenne 7 807 dollars par élève contre 6 827 pour la moyenne Ocde. Le système éducatif paraît donc « riche », voir « gras » par rapport à ceux des voisins.
Et ils avancent des idées qui peuvent sembler intéressantes : accorder davantage d’autonomie aux établissements, réduire le taux de redoublement, lutter contre l’émiettement disciplinaire.
Pourtant ces arguments comptables n’emportent pas l’adhésion. L’analyse plus fine des statistiques montre que la situation est plus complexe qu’elle ne paraît. Certes le budget de l’éducation nationale est passé de 55 à 65 milliards d’euros de 2000 à 2005. Mais cette hausse correspond à un simple maintien en terme de PIB (à 3,9% du PIB). La dépense intérieure d’éducation en France, après avoir progressé dans les années 1990, est même orientée à la baisse depuis 1998. Elle est passée de 7,6% du PIB à 7,2% en 2005. De même pourra-t-on remarquer que si la moyenne de l’Ocde monte à 77 204 $ par élève, elle dépasse les 100 000 $ aux Etats-Unis, au Danemark, en Norvège, au Luxembourg, en Italie etc.
Ce qui est certain c’est que la productivité de l’école ne suit pas une logique arithmétique. C’est un fait avéré que les dépenses éducatives progressent avec le niveau de qualification de la population. Si l’alphabétisation a un coût modéré, la réussite de tous dans le secondaire mobilise des moyens de plus en plus importants puisque, pour réduire des « poches » de résistance de plus en plus difficiles, il faut inventer des moyens nouveaux. Parallèlement, le jeu social fait que la demande d’options évolue plus rapidement que les taux de scolarisation. Ainsi tous les pays développés connaissent une hausse rapide de leurs budgets éducatifs. Enfin jouent des particularités françaises comme le fort taux de redoublement.
Mais renvoyons les calculettes : la productivité de l’Ecole c’est autre chose. Pour paraphraser un ancien ministre, on pourrait poser la question : « qu’est ce qu’une scolarité réussie ? » Doit-on déplorer ce que coûte le déploiement de moyens supplémentaires en zep ? Doit-on chiffrer l’existence d’enseignements « inutiles » c’est-à-dire sans rentabilité directe sur le marché du travail ? Doit-on expertiser le prix de l’épanouissement ? Celui des découvertes ? Pour le dire plus clairement, à appliquer à l’Ecole des normes strictes de productivité ne risque-t-on pas de la considérer comme un service et non plus comme une institution ?
Un glissement préjudiciable. Ce glissement apparaît très clairement dans les deux rapports d’audit. Les effets sociaux des mesures proposées ne peuvent que mobiliser fortement les enseignants contre un plan qui aggravera très sensiblement les conditions de travail dans les établissements. Mais cet audit pourrait avoir un effet plus délétère.
Qui ne voit que l’école a besoin de davantage d’autonomie ? Qu’un nouveau découpage du temps scolaire est nécessaire et que certains établissements l’ont réussi ? Qui s’opposerait à une prise en charge plus individualisée des élèves ? Mais comment accepter ces idées quand elles sont utilisées uniquement pour réaliser des économies.
En dénaturant un certain nombre de propositions, en cherchant à imposer une évolution brutale du système, on prend le risque d’empêcher toute évolution d’un système éducatif qui a bien besoin de bouger. Ajoutons que diminuer les moyens sans faire évoluer l’Ecole dans ses pratiques et ses conceptions ne peut qu’aggraver ses difficultés. L’avenir de l’Ecole ne peut pas se régler par des audits financiers.
Deux audits demandent une baisse importante des moyens en lycée et collège
Attendus depuis des semaines, les deux audits sur « la grille horaire des enseignements en lycée général et technologique » et celle du collège demandent des coupes sombres dans les budgets du secondaire. Ces rapports, commandés par le gouvernement, réalisés par des inspecteurs des finances et des inspecteurs généraux de l’éducation nationale, font suite à l’audit sur les décharges horaires des enseignants dont l’application a été quasi immédiate.
Le rapport sur le lycée est exigeant : il fixe comme objectif une baisse de plus de 20% des dépenses. Relevant que « l’investissement massif dans le volume d’heures d’enseignement n’a amélioré ni la performance ni l’équité du lycée français » il en conclut que la baisse des coûts est légitime.
Comment faire ? Il s’agit d’abord de réduire fortement les heures d’enseignement. Le rapport préconise une méthode : « désamorcer les tensions portant sur l’horaire hebdomadaire en considérant que les arrêtés ministériels n’ont plus vocation à sanctuariser des volumes de services d’enseignants négociés entre disciplines, mais à offrir un référentiel national, un point de départ à partir duquel se construisent localement des projets adaptés aux attentes des élèves ».
Plus clairement, il s’agit de fixer un plafond horaire pour les 3 niveaux du lycée. Ainsi en seconde les élèves ne pourraient avoir plus de 900 heures d’enseignement annuelles, au lieu des 1 044 à 1 188 actuelles. En première et terminale le plafond serait à 950 heures (par rapport à 1 050 à 1 386 heures actuelles). Ces plafonds seraient calculés sur 36 semaines de cours grâce à l’allongement de deux semaines de l’année scolaire effective.
Comme parallèlement l’enveloppe horaire de chaque discipline serait annualisée, on obtiendrait ainsi une forte économie de postes. Le rapport réorganise donc les enseignements sur ces bases. Par exemple, les horaires de français en seconde passeraient de 4 h 30 hebdomadaires à moins de 3 heures (100 heures annuelles), ceux de langue vivante 1 de 3 heures à 1 h 50 minutes (70 heures annuelles). En première ES, les SES passeraient de 5 heures à moins de 4 heures, l’histoire-géographie de 4 heures à moins de 3 heures.
Les horaires en série technologique semblent mieux satisfaire les auteurs qui se félicitent que les nouveaux programmes de STG aient réduit les frais d’enseignement de 5% et ceux de SMS (ST2S) de 10%. Malgré tout ils envisagent à la rentrée 2007 l’ouverture d’une nouvelle filière, » sciences et technologies » qui permettrait de diminuer davantage les horaires d’enseignement.
En langues, outre la baisse des horaires, les dédoublements accordés en terminale seraient remis en question. Ils ne seraient plus accordés de droit et les rapporteurs préconisent une gestion globale des horaires de langues dans l’établissement. Une façon, semble-t-il, de réduire le nombre des options.
Ces horaires pourraient être complétés par des heures d’études surveillées pour encadrer le travail des élèves qui serait réalisé dans l’établissement (400 à 500 heures annuelles).
Pour les auteurs, il est clair que le tour de vis doit être rapide : il pourrait s’appliquer dès la rentrée 2007 si le ministre suit leurs recommandations.
Au collège, « le coût moyen du collégien a augmenté de 33% entre 1990 et 2004 » souligne le rapport, qui montre quand même une stabilisation depuis la fin des années 1990.
Aussi le rapport demande-t-il, comme pour le lycée, une réforme du pilotage » fondé sur les objectifs et l’évaluation des résultats ». Il s’agirait d’adopter « une démarche progressive visant à confier nettement plus de responsabilités aux échelons déconcentrés, en contrepartie d’une exigence pédagogique et budgétaire accrue ». Ainsi il préconise de libérer 20% des moyens pour les affecter à la réalisation des objectifs de progrès de l’établissement. » Dès la rentrée 2007, l’assouplissement des obligations horaires est amorcé, dans la limite de 20% de la dotation, par les équipes qui souhaitent prendre le risque du changement… Dans un second temps et après évaluation, sont abrogées pour l’ensemble des années au collège les grilles horaires hebdomadaires au profit d’un référentiel qui fixerait pour chaque enseignement une base horaire par cycle (annuelle pour le cycle d’initiation 6e, bi-annuelle pour le cycle central 5e- 4e, annuelle pour le cycle d’orientation 3e). Cette base est inférieure à la dotation actuelle, car elle est appelée à être complétée à hauteur de 20% par des moyens non fléchés ».
Ainsi pour le cycle central, on n’aurait plus que 250 heures de français pour les deux années, 230 de maths, 280 de langues, 100 de SVT, le tout sur 36 semaines. S’y ajouteraient 200 heures annuelles de dotation non affectée. Les horaires de langues seraient fusionnés et la carte des langues « rationalisée ». Chaque établissement aurait le choix d’offrir ou non une seconde langue en cinquième.
Toujours pour diminuer les coûts, le redoublement serait « plafonné » par établissement.
Ces mesures ont-elles une chance d’être appliquée dès 2007 ? Probablement non, ne serait-ce que parce que le budget 2007, qui a retenu les propositions d’un autre audit sur les décharges, est déjà bouclé.
Certaines propositions semblent embarrasser le ministère. Ainsi, au lycée, le décalage des examens sur l’été, nécessaire pour assurer 36 semaines de cours, semble difficile. Le ministre relève que » la clôture de la session, symbolisée par les résultats du second groupe d’épreuves du baccalauréat et intervenant mi-juillet, serait reportée au 31 juillet. Une telle mesure serait susceptible de soulever des réticences de la part des parents d’élèves et des enseignants, de même que des organisations professionnelles du tourisme ». En ce qui concerne les langues, le ministère relève que la mesure proposée » risquerait de conduire à la disparition de l’enseignement de toutes les langues, à l’exception de l’anglais et de l’espagnol » ce qui va contre des engagements politiques internationaux.
Enfin, » la remise en cause du caractère hebdomadaire de l’obligation réglementaire de service des professeurs, constituerait un véritable bouleversement à la fois pédagogique et structurel, dont la mise en oeuvre reposerait sur une décision politique forte, entreprise sur la durée et qui devrait tenir compte de négociations et de consultations importantes, notamment des enseignants, des chefs d’établissement et des fédérations de parents d’élèves ».
Faut-il pour autant l’écarter. Certainement pas. En effet, ces rapports ont été réalisés pour faire face à un besoin réel : le financement des mesures inscrites à la loi Fillon qui doit se faire à moyens constants et la volonté gouvernementale de dégager de la productivité dans l’éducation nationale.
Une application programmée. Aussi contiennent-ils des prévisions budgétaires éclairantes jusqu’en 2010. L’application intégrale de ces rapports, comme de celui sur les décharges, est programmée et devrait être appliquée sauf bouleversement politique. Leur impact est calculé : 9 203 emplois récupérés en lycée par réduction des horaires élèves, 9 609 par suppression des dédoublements au seul lycée, 3 000 emplois en langues par révision des dédoublements, 2 282 emplois du fait de la réduction des redoublements et un nombre non calculé de postes venus de la réduction du nombre d’options. » Au total, l’application des recommandations de la mission permettrait de dégager près de 24 000 ETP, sans compter les économies générées par une révision du système des décharges. Une partie de ces marges de manoeuvre supporterait le coût de déploiement de la loi d’orientation, une autre partie permettrait de piloter le système en redéployant des moyens en fonction d’objectifs pédagogiques exigeants, et enfin une partie représenterait des gains de productivité qu’un plan de gestion des ressources humaines adapté pourrait concrétiser pendant la période 2006-2010″.
Audit lycées
http://www.audits.performance-publique.gouv.fr/performance/audit_ci.php?idref=25
Audit collèges
http://www.audits.performance-publique.gouv.fr/performance/audit_ci.php?idref=42
Retour sur la question de la productivité en éducation
La France est-elle le Ghana ? La question peut surprendre mais j’essaierai de montrer que les deux derniers audits gouvernementaux approchent la question de la productivité en éducation comme peut le faire le gouvernement ghanéen.
En effet, les récents audits gouvernementaux ne saisissent la question de la productivité de l’Ecole que dans sa dimension comptable. Ce qui compte pour eux c’est de maintenir le taux de scolarisation pour un moindre coût. Et pour cela ils utilisent 3 voies classiques : augmenter la durée du travail des professeurs (par exemple en rallongeant de deux semaines gratuitement l’année scolaire), diminuer leur salaire (par exemple en supprimant les décharges), augmenter le volume d’enseignés en réduisant le nombre d’heures d’enseignement (c’est l’essentiel des propositions des audits). C’est exactement ce que pratique le Ghana (voir l’article un peu plus bas) qui doit faire face à un brutal afflux d’élèves. Et ça provoque d’ailleurs une grève des enseignants dans ce pays.
Il me semble que la situation scolaire française est différente de celle du Ghana. Et je voudrai montrer ici des approches de la productivité scolaire que nos inspecteurs des finances n’ont peut-être pas aperçues.
Et si on augmentait la productivité culturelle de l’Ecole ? Une expérience mérite ici de trouver place : celle du « lycée du matin » mis en place au lycée du Mirail. Dans cet établissement les cours s’arrêtent à 14 heures. Les élèves s’inscrivent l’après-midi à des activités diverses (danse, sport, théâtre, auto-école, théâtre, photo etc.) selon un « contrat d’activités personnalisées » signé par les parents. Les élèves ont aussi accès à leurs professeurs en « libre-service » pour répondre à leurs questions. Il s’agit à la fois de responsabiliser le jeune par rapport à sa formation et de faciliter son épanouissement.
Nous avons demandé à Philippe Misandeau, professeur de français dans ce lycée, de faire un rapide bilan du dispositif. « La convivialité est certaine et appréciée (les élèves ont bâti ici une « vie de quartier » qu’ils ne peuvent bâtir chez eux). Les élèves marquent leur intérêt pour des ouvertures culturelles diverses (cinéma, théâtre, photo, danses.), caritatives et humanitaires (collectes alimentaires, visites dans les hôpitaux.). Ils participent de plus en plus nombreux aux ateliers. L’utilisation des espaces pédagogiques (CDI, classes, salles vidéo, salle multimédia.) est beaucoup mieux rentabilisée. L’établissement a vu le nombre d’élèves augmenter sensiblement. Les résultats scolaires (bac) n’ont jamais été en baisse. Mais la hausse n’est pas celle que l’on pouvait espérer ». L’ensemble de ce dispositif s’est fait à moyen constant en s’appuyant sur le tissu associatif local.
Et si on cherchait la productivité scolaire ? Le récent rapport sur l’académie de Lille soulignait le fait que certains collèges obtenaient des résultats très supérieurs à d’autres. Cet effet établissement a été étudié dans l’académie de Nantes. « L’analyse comparée des résultats aux évaluations à l’entrée en sixième pour tous les collèges de l’académie (de Nantes) a montré qu’il existait une disparité importante entre établissements sur le territoire académique mais aussi… qu’il n’y avait pas de corrélation systématique entre les scores obtenus par les élèves et leur origine sociale… Ainsi, des collèges présentant des taux de PCS défavorisées supérieurs à la moyenne académique figuraient parfois dans le peloton des établissements où les élèves réussissaient bien, voire très bien les tests d’évaluation… Là où une forme de fatalité sociale aurait laissé attendre des résultats faibles, on se trouvait au contraire face à de véritables réussites scolaires, en français comme en mathématiques ». C’est le cas par exemple d’élèves venus d’écoles comptant 69% de PCS défavorisées et 35% d’élèves étrangers.
L’étude réalisée par le rectorat de Nantes a pu mettre en avant quelques facteurs expliquant la réussite de ces établissements. La qualité de la relation avec les parents, les efforts menés pour les intégrer dans la vie de l’école apparaissent comme des conditions de réussite. D’autres facteurs relationnels sont également importants : les établissements ont des équipes enseignantes stables, qui collaborent facilement et qui ont de bonnes relations avec des municipalités bienveillantes. Reste la partie strictement pédagogique. » La place et la spécificité de chaque discipline sont nettement prises en compte, mais on insiste beaucoup à chaque fois sur l’activité langagière : comme il a été dit par une équipe « tout se tient dans le langage » ». Les enseignants s’attachent également à donner du sens aux apprentissages, à développer des liens contractuels avec les élèves, qu’il s’agisse des codes de vie ou même du travail scolaire. Des stratégies qui n’ont là aussi aucun impact financier.
Quel rapport avec le Ghana ? Le problème du Ghana est celui de la première scolarisation. C’est prioritairement une question de locaux, de personnel, d’aides versées aux familles. La scolarisation dépend proportionnellement de l’investissement. La situation de l’école française est tout autre. Des financements identiques aboutissent à des résultats scolaires différents. La productivité de l’Ecole est aussi à mesurer en termes culturels et d’épanouissement individuel. Et là on s’éloigne encore davantage de l’approche comptable. La réponse ordonnée par les deux audits gouvernementaux pourrait être compréhensible dans le cas du Ghana. Mais la France n’est pas le Ghana.
http://lemirail.free.fr/HTM/MATIN/ORGAN.HTM
http://www.ac-nantes.fr:8080/peda/pole_peda/reussite/index.html
Des dizaines de milliers d’enseignants victimes de baisses de salaires dès 2007
« Ce projet permet de mieux prendre en compte l’évolution du système éducatif en redéfinissant le régime des décharges d’enseignement ; en prenant en compte la diversité des missions liées à l’enseignement ; en reconnaissant les mentions complémentaires qui permettent d’enseigner une autre discipline ». Le ministre présente ainsi son projet de décret sur les décharges des enseignants. Mais, dans une dépêche AFP, le directeur général des ressources humaines du ministère est plus direct. » Cela concerne 100.000 enseignants : 30 % vont perdre cette heure ». Le projet de décret a été rendu public le 13 octobre.
Rappelons que ce texte résulte d’un audit ordonné l’année dernière et qui a conclu à la suppression totale de toutes les décharges qui existent dans le système éducatif. Fin septembre, Gilles de Robien a annoncé qu’il en supprimerait 10% à la rentrée 2007. La décision est incluse dans le projet de budget où elle correspond à la suppression de plus de 2 000 postes budgétaires.
La mesure frappe donc d’abord les enseignants au portefeuille. Comme ces heures sont généralement payées en heures supplémentaires, pour ceux-là, l’audit qui préconise cette mesure a déjà fait le calcul : cela correspond à une diminution de salaire de 1 480 euros par an. Soit environ 6% en moins sur la fiche de paie. Ce qui n’est pas rien.
D’autant que, dans des cas assez nombreux, cette perte sera dédoublée par d’autres mesures. Ainsi, les professeurs enseignant plus de 8 heures dans des divisions ou groupes de moins de 20 élèves verront leur service majoré d’une heure. C’est un cas assez fréquent en BTS où les enseignements technologiques nécessitent souvent de petits groupes. Pour le Snes, « cela conduit (compte tenu de la suppression de l’heure de première chaire) à un service majoré de 2 heures pour les enseignants des disciplines technologiques intervenant en STS ». Autre cas : les professeurs d’histoire-géographie perdront, en plus de l’heure de première chaire, sauf en terminale, l’heure de laboratoire. Dans ce cas également c’est 10% du salaire qui s’envole.
La suppression de ces heures prend d’ailleurs à rebours la politique suivie par le ministère. En histoire-géographie, on envisageait d’utiliser cette heure pour faciliter l’usage des tice dans la discipline en passant du laboratoire au laboratoire informatique. En physique-chimie, l’association des professeurs de physique et de chimie souligne qu’elle correspond à des tâches que seuls des enseignants peuvent exercer : dialogue avec les régions, choix du matériel, organisation des épreuves d’évaluation des capacités expérimentales du bac.
Mais le ministre va plus loin en s’attaquant à ce qui fait l’identité même des enseignants du secondaire : la compétence disciplinaire. Le projet de décret prévoit d’imposer à n’importe quel professeur d’enseigner n’importe quelle discipline. Ainsi, par exemple, » l’enseignant d’éducation physique et sportive qui ne peut compléter son service selon les modalités prévues au premier alinéa, peut être tenu, si les besoins du service l’exigent, de dispenser un enseignement dans une autre discipline dans son établissement d’affectation ». On pourra donc bientôt voir des profs d’EPS enseigner les mathématiques, des profs de lettres assumer des cours de chimie et les profs d’allemand emmener les élèves à la piscine.
Le projet de décret rogne encore quelques sous à droite et à gauche, par exemple en imposant sans compensation d’enseigner sur plusieurs établissements.
En contrepartie le décret amorce un début de réflexion sur les missions des enseignants. L’encadrement d’activités pédagogiques, la coordination d’une discipline, l’accompagnement d’enseignants pourraient être pris en compte dans le temps de service. Mais pour que cette mesure puisse avoir un semblant d’exécution, il faudrait un autre budget.
Sur le modèle de la loi No Child Left Behind du gouvernement américain, la loi Fillon prévoyait un pilotage du système éducatif par les résultats. Pour cela la loi a fixé des objectifs à atteindre, défini un « socle commun de connaissances et compétences » ainsi que des instruments d’évaluation. La comptabilité même du ministère, avec la Lolf, a été réorganisée en fonction de missions.
Avec l’instauration par Robien de l’apprentissage à 14 ans, on a d’abord vu disparaître le socle commun. On voit mal en effet comment ces jeunes, déjà en difficulté, déscolarisés de fait dès 14 ans, c’est-à-dire souvent avec un niveau de 6ème ou de 5ème, pourraient prétendre au niveau de leurs camarades. Les jeunes des milieux populaires qui ont franchi ce premier cap pourraient bien être rattrapés par M. de Robien. On verra à la fin de l’année scolaire comment les lycéens des sections technologiques et professionnelles feront les frais du nouveau système de sélection à l’entrée dans le supérieur.
On assiste maintenant à une inversion du dispositif. Ce que nous disent ces décisions, les 10% de décharges supprimées (pourquoi pas 20% ??) ou les attributions de professeurs sans aucun rapport avec leurs compétences, c’est que le pilotage du système éducatif ne se fait plus en fonction de missions. Il se fait en fonction d’objectifs budgétaires.
Ces objectifs sont connus : il faut trouver dans le secondaire les moyens nécessaires aux universités, c’est-à-dire, à terme, diminuer d’un quart le budget du secondaire.
Ajoutons qu’on n’a sans doute pas fini de voir cette logique en application. Les 3 audits attendus devraient nous faire connaître très bientôt les enseignements supprimés ou « recadrés » dans les collèges et les lycées.
Le mouvement du 28 septembre a pu donner à penser au ministre que ces attaques, qui ne concernent que certains enseignants du secondaire, pourraient passer sans difficulté.
Elles pourraient pourtant s’additionner à d’autres difficultés. D’abord les lycéens qui vont voir diminuer leurs possibilités d’orientation en faculté sans pour autant trouver davantage de place en STS. Ensuite l’exaspération montante des enseignants du primaire pris à partie suite à la promotion par Robien de la méthode syllabique et rétifs à l’autoritarisme sans précédents du ministre.
Le projet de décret
http://www.snes.edu/snesactu/IMG/pdf/Projet_Decret_ORS_Pers_2nd.pdf
Une mise ne perspective parle Café
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/09/index220906.aspx
Une lecture du projet de décret
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/10/index061006.aspx
Unanimité syndicale pour refuser la suppression des décharges
« Inacceptable ». Le mot résume la position des fédérations syndicales de l’éducation nationale (Snetaa Eil, Snfolc, Sud, Se-Unsa, Sncl-Faen, Snep-Fsu, Snalc-Csen, Suep-Fsu, Unsen-Cgt, Sgen-Cfdt et Snes-Fsu) sur le projet de décret présenté parle ministre. « Nous demandons le retrait de ce projet. Nous demandons en même temps que s’ouvrent de véritables discussions pour que des réponses soient apportées à la nécessaire prise en compte des réalités du métier et que soient améliorées les conditions de son exercice ».
Inspiré d’un audit, le texte supprime arbitrairement 10% de la masse globale des décharges horaires. La seule justification est l’économie réalisée : plus de 2000 postes. Mais le texte frappe durement les lycées et spécialement certaines catégories d’enseignants touchées par la suppression de plusieurs dispositifs qui vont perdre de 6 à 12% de leur salaire. Les associations professionnelles des professeurs de physique – chimie et de biologie ont fait part de leur refus de ce texte.
S’agissant des deux derniers audits sur les grilles horaires de collège et lycées, le Sgen, qui appelait le ministère à ouvrir une négociation, précise qu’il » n’accepte pas que la logique budgétaire soit l’entrée déterminante pour engager une réforme dans le système éducatif. Il faut inverser la logique : ce sont les missions que la société assigne à son système éducatif qui doivent permettre de déterminer les transformations nécessaires. ».
Communiqué
http://www.snes.edu/snesactu/article.php3?id_article=2271
Rappel: L’Expresso du 16/10
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/10/index161006.aspx
Rappel: L’Expresso du 18/10
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/10/index181006.aspx
Audits du secondaire : l’avis de J. Nimier
« Je pense que cette nécessité d’économie dans le secondaire va , à plus ou moins longue échéance, poser le problème des objectifs de l’enseignement secondaire, des contenus enseignés et des méthodes d’enseignement et que cela est une bonne chose. Cela amènera, encore, à se poser davantage la question du mode d’enseignement… Tout cela pourrait favoriser un réel changement du métier d’enseignant ». Sur son site Jacques Nimier évoque l’impact des rapports d’audit sur le collège et le lycée.
Tout en rejetant « l’opposition inconditionnelle habituelle », il estime que les enseignants ne sont pas préparés et qu’il faut négocier. « Ce changement imposerait l’organisation d’un véritable accompagnement des enseignants (groupes d’analyse de pratique, formation clinique, heures de concertation, coaching pour certains…) pour un changement moins douloureux, plus progressif, plus collectif ». Mais Robien est-il capable de le faire ?
Dans un autre domaine, à voir également sur son site l’utilisation du jeu de rôle pour aider les enseignants à débloquer des situations pénibles.
http://perso.orange.fr/jacques.nimier/