« Les dernières semaines ont créé, chez les parents comme chez les maîtres, un trouble préjudiciable à un fonctionnement serein de l’école. Il est aujourd’hui nécessaire de rassurer les parents et de conforter l’action des professionnels de terrain en disant clairement la confiance dans le travail réalisé ». Demandé par Gilles de Robien au début de l’année, en pleine campagne médiatique sur la méthode syllabique, le rapport de l’Inspection générale sur « l’application de la circulaire du 3 janvier 2006 et de l’arrêté du 24 mars 2006 sur l’apprentissage de la lecture », rédigé par Viviane Bouysse, Philippe Claus, Michèle Leblanc et Martine Safra, ne cache rien du trouble qui touche les enseignants.
Il souligne autant l’impact de la campagne de Sos Education que les dérapages ministériels. » Au-delà des incidents internes à l’Éducation nationale, qui ne sont pas sans effets sur les personnels enseignants et sur les inspecteurs – tensions dans certains conseils d’IEN, questions vigoureuses dans les instances paritaires -, c’est la publication dans la presse quotidienne régionale d’encarts de l’association SOS éducation qui a suscité de réelles inquiétudes sur le terrain4. L’amalgame fait entre manuel et « méthodes », la mise en cause explicite des enseignants ne sont évidemment pas acceptés de professionnels qui font leur métier sérieusement. Les maîtres se sentent sous surveillance ou remis en cause par des parents inquiets ».
Il atteste du sérieux du travail des enseignants. Certes, « la prise en charge de l’hétérogénéité des élèves demeure délicate…, la continuité des apprentissages entre grande section de maternelle et CP est mal assurée ». Mais « le temps consacré à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dépasse souvent ce qui est demandé dans les programmes… les enseignants ont conduit une vraie réflexion sur les supports de l’apprentissage de la lecture…, (ils) ont engagé le travail sur le code qui leur est demandé ».
Le ministre a-t-il vraiment changé l’enseignement de la lecture ? L’Inspection sauve les apparences : » Les maîtres du cours préparatoire sont très conscients de la responsabilité qui est la leur. Ils travaillent avec un grand sérieux et prennent à coeur leur mission. La circulaire du 3 janvier 2006 et l’arrêté modificatif des programmes ne leur ont pas posé de problème. Ils mettent en place un apprentissage structuré, probablement davantage et plus tôt qu’ils ne le faisaient, et engagent pour la plupart l’étude systématique des relations graphèmes phonèmes ».
Mais ce que montre surtout le rapport c’est que les enseignants ont continué la réflexion amorcée autour des programmes de 2002. Les injonctions du ministre de changer de manuels sont restées lettre morte. Ne cherchez pas de méthode syllabique dans les classes. Selon l’inspection, qui acquiesce à ces choix, les maîtres utilisent Ribambelle, Ratus, Abracadalire, Mika ou Que d’histoires, des ouvrages qui permettent des approches mixtes.
Très logiquement l’Inspection invite au calme. Pour elle, il faut » poursuivre le travail engagé sur le terrain en évitant dans l’immédiat la publication de nouveaux textes ». La dernière recommandation sonne fort rue de Grenelle. » Aider les enseignants à retrouver de la sérénité : faire confiance aux maîtres de CP et aux cadres intermédiaires, qui ont montré dans leur immense majorité leur engagement et leur sérieux. Si possible, en communication publique, tendre à corriger les représentations mécanistes qui ont pu s’installer dans le grand public… Les maîtres doivent mobiliser des stratégies et des techniques variées pour prendre en charge la variété des fragilités, des difficultés, des atouts et richesses de leurs élèves. C’est là leur responsabilité, c’est là que réside leur expertise professionnelle, qui peut certes être perfectionnée mais qui doit être respectée ».
Le rapport de l’Inspection amènera-t-il le ministre à condamner la campagne de Sos Education ?
Rapport (en pdf)
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