« Si l’on veut « améliorer les possibilités d’enseignement et d’apprentissage », la formation des maîtres gagne à s’appuyer sur les résultats de la recherche, qu’il s’agisse de la recherche disciplinaire comme de ce qu’on appelle la « recherche en éducation », c’est-à-dire la recherche dans les sciences et disciplines qui concourent à l’efficacité des pratiques didactiques et pédagogiques et à la réussite des élèves ». Dans le débat sur la formation des maîtres, le HCE vient de choisir une approche qui donne toute sa place aux savoirs professionnels et à la recherche en éducation (voir ci-dessous).
Le Haut conseil définit le métier en terme de compétences, en ne faisant des savoirs disciplinaires, qui sont la base des concours actuels, qu’un élément d’une culture professionnelle élargie et définie.
Il a également perçu l’intérêt d’élargir le recrutement social des enseignants. « Une ouverture du corps professoral à des hommes et des femmes ayant exercé d’autres activités est souhaitable. Cette souplesse dans le recrutement doit s’accompagner d’une très grande rigueur du point de vue des exigences professionnelles ».
Ce rapport, dont on pouvait craindre un certain conservatisme, s’appuie sur les réflexions des chercheurs. Ainsi retrouve-t-on des idées de Roland Goigoux, traité récemment de « chauffard » par le ministre de l’éducation. » La formation des enseignants doit être conçue comme une formation en alternance entre le terrain professionnel et l’institut universitaire. Cette conception s’oppose à deux autres que nous rejetons : l’applicationnisme, véhiculant l’illusion d’une simple mise en oeuvre sur le terrain scolaire de savoirs fondamentaux élaborés dans les laboratoires universitaires, et la transmission mimétique, reposant sur le seul compagnonnage professionnel dans le cadre d’une vision étroitement artisanale du métier d’enseignant ».
On y trouverait aussi bien l’influence de Philippe Perrenoud. Celui-ci demande que les enseignants aient une vision sociale de leur rôle. Il avait aussi défini 10 points pour la formation des enseignants dont certains ont un certain écho dans le rapport du HCE: « une transposition didactique fondée sur l’analyse des pratiques et de leurs transformations, un référentiel de compétences identifiant les savoirs et capacités requises, un plan de formation organisé autour des compétences, un apprentissage par problèmes…, une véritable articulation entre théorie et pratique, des temps et des dispositifs d’intégration et de mobilisation des acquis.., un découpage des savoirs favorable à leur mobilisation dans le travail » .
Ces remarques posent évidemment la question de la cohérence entre les demandes du HCE et les positions ministérielles. Le problème n’est pas nouveau. Du grand débat mené par la Commission Thélot, des ambitions posées par la loi Fillon, est sortie une série de textes qui ont vidé ce programme de son contenu. On se rappelle par exemple que le jour même où le HCE était installé, le ministre annonçait la création de l’apprentissage junior, un dispositif qui nie le socle commun dont le HCE légalement doit être le garant… Dans le cas également de la formation des maîtres, les recommandations du HCE vont se heurter à la fois à la culture conservatrice du ministre et aux impératifs budgétaires. Prolonger la formation des maîtres, par exemple, a un coût.
Mais l’essentiel est sans doute derrière. En définissant la formation des enseignants comme un ensemble de compétences professionnelles, le HCE redéfinit en fait l’exercice même du métier. Il inclut dans le métier des savoirs d’ingénierie éducative. Il fait des maîtres des agents communicants. Il les installe à l’intérieur d’équipes éducatives.
C’est à une mutation profonde du métier et de ses conditions d’exercice qu’appelle le HCE. Celle-ci est sans doute nécessaire. Mais moins qu’aucun de ses prédécesseurs, le ministère actuel semble capable de la gérer.
Article de P. Perrenoud
Article de R. Goigoux (café 58)