« Une confusion fréquente dans les esprits communs, c’est de croire que dans nos classes, il y aurait du laisser faire, quand ça n’est pas du laisser aller. Au sens propre, c’est en effet en le laissant faire que l’enfant va comprendre le monde. Qui accepterait qu’on lui impose une conformité du monde ? Qui peut croire que les voies empruntées et leurs contenus pour accéder à toutes connaissances seraient uniques ? En tout cas les miennes sont singulières et ne pourront pas directement être empruntées par les enfants…Donc laissons faire et nos journées seront bien remplies puisque, jamais, un enseignant ne fait rien ! Laisser faire c’est permettre à un enfant de faire quelque chose. Son quelque chose. » Christian Rousseau, en ouvrant ce nouveau numéro du Nouvel éducateur, prend beaucoup d’enseignants à rebrousse-poil.
Parce qu’un prof, c’est formé à faire des progressions, à préparer sa classe, à organiser et encadrer. C’est même un trait particulièrement fort dans le système éducatif français et ça n’a pas été mis en place par hasard. C’est le résultat d’une véritable construction de l’école qui a écarté d’autres dispositions jugées moins efficaces et assuré l’enseignement actuel.
Eh bien ! voilà : le Nouvel éducateur vient nous dire de fermer notre cahier journal ou notre cahier de textes parce que « tous ces outils figent plus qu’ils ne dynamisent. Ils sont étrangers aux enfants qui les subissent. ». Faut-il alors que l’enseignant soit simplement spectateur ?
Evidemment non. Et Dominique Tiberi et Cat Ouvrard présentent au contraire les outils du mouvement Freinet pour organiser sa classe autrement et réussir à assurer gestion de classe et démarche personnelle de l’enfant. « Dans la classe Freinet, les enfants apportent leurs projets et participent à l’organisation de leur travail avec le maître. L’enseignant Freinet organise le milieu, le temps pour accueillir les événements, il pense les outils. C’est ainsi qu’il prépare ».
Evidemment nous ne sommes pas obligés de suivre ces modèles. Et dans le climat actuel, peut-être même que… « vaut mieux pas » ! Mais en inversant ce qui nous semble être un fondamental du métier, ce numéro nous fait réfléchir et revoir notre mode de fonctionnement.
Cette réflexion me semble même tout à fait d’actualité. En effet nous avons maintenant affaire à des élèves qui sont nés avec l’informatique et internet. Sans aucun doute, l’usage quotidien des TIC a modifié non seulement leur façon de vivre mais aussi leur façon de penser. Il semble que les démonstrations linéaires et déductives leur soient de plus en plus difficiles et étrangères. Et qu’au contraire la recherche, l’échange, la confrontation soient pour eux un chemin habituel de réflexion. En ce sens, tout ce qui peut nous aider à imaginer des outils nouveaux pour tourner au profit de l’enseignement ces appétences est bienvenu.
Le Nouvel éducateur, n°182, octobre 2006.
Le Nouvel éducateur