« On assiste à l’institutionnalisation d’un « pédagogiquement correct » purement idéologique, porté par un mouvement de « c’était-mieux-avant-ma-brave-dame » particulièrement irrationnel (et clairement hostile à l’école publique). Il est très difficile de contrer un discours populiste et réducteur de style « yaka-fokon » et l’on voit bien que les enseignants, les didacticiens ou même les IEN qui se risquent à le faire y laissent des plumes. Un pas supplémentaire a été franchi avec cet appel à la délation d’un autre temps. Les partisans de « Sauvez les lettres » qui naviguent, même si certains s’en défendent, dans la même mouvance que SOS Education, ont déjà commencé à pointer les sites Web qui leur déplaisent. Il est évident que ce n’est qu’une question de temps avant qu’une campagne de mise à l’index de ces sites soit proposée. Par ailleurs, cette action est un moyen de faire savoir aux enseignants de CP que certains de leurs collègues qui enseignent à d’autres niveaux sont conscients des responsabilités que d’aucuns cherchent à leur faire porter, et des pressions qu’ils subissent ».
Pour Bruce Demaugé-Bost, webmestre du « petit abécédaire de l’école », la décision de fermer son site ce 18 octobre s’impose. Ainsi plus d’une trentaine de sites français dirigés par des instits sont en berne aujourd’hui. Motif invoqué : » Les enseignants tentent aujourd’hui de travailler, tant bien que mal, dans un climat détestable : entre la « com » d’un ministre qui contredit les textes officiels signés par ce ministre lui-même et les travaux des chercheurs en didactique tronqués de manière éhontée, un élément fondamental de notre métier est attaqué : la liberté pédagogique. C’est cette composante qui permet aux enseignants d’adapter au mieux leurs pratiques aux besoins de leurs élèves. Aujourd’hui, un nouveau pas est franchi par une association populiste… Via la presse régionale, « SOS Education » engage les parents à dénoncer les enseignants qui n’appliqueraient pas à la lettre les « recommandations médiatiques » du ministre.
Or, ces recommandations se trouvent éloignées du réel contenu des textes officiels qui cadrent notre travail. La chasse aux sorcières est lancée : formateurs, inspecteurs, manuels et enseignants sont lapidés dans l’arène médiatique. Combien de temps faudra-t-il attendre pour qu’une chasse aux sites « subversifs » soit engagée ? Cette situation devient intolérable et détruit peu à peu les relations de confiance que nous essayons de construire avec les parents. D’autre part, certains de nos collègues ne prennent pas la mesure de l’inquiétude des enseignants des classes de CP. Il est temps de jouer un rôle dans ce débat ».
Le petit abécédaire de l’école