Lecture : L’éviction de Roland Goigoux est-elle justifiée ?
L’éviction de Roland Goigoux suscite un vif émoi dans le monde éducatif (et jusqu’au blog du Café !) et nous sommes bien obligés de revenir sur ce sujet.
Rappelons les faits : Roland Goigoux, professeur d’Université en Sciences de l’Éducation à l’IUFM d’Auvergne, assurait depuis 10 ans la formation sur l’enseignement de la lecture des inspecteurs de l’éducation nationale organisée par l’Ecole supérieure de l’éducation nationale (ESEN). Il vient d’en être écarté. Jean David, directeur de l’Esen, justifie sa décision en mettant en cause R. Goigoux : « pour la formation des cadres il est normal que les intervenants fassent preuve de la plus grande loyauté envers le ministre ». Il lui reproche « des positions pas toujours favorables au ministre ». Pour Roland Goigoux c’est Gilles de Robien qui a demandé sa tête.
Les positions sur l’apprentissage de la lecture de Roland Goigoux sont exposées dans un petit livre, « Apprendre à lire à l’école », qu’il vient de publier, avec Sylvie Cèbe, aux éditions Retz. Que dit Roland Goigoux ? « Si la science ne tranche pas (sur la méthode d’apprentissage), les programmes, eux, ne laissent pas le choix aux enseignants. Leur dernière version (2006) stipule sans ambiguïté qu’il faut recourir aux deux procédures, plaçant « hors jeu » et la méthode synthétique qui exclut l’analyse, et la méthode globale qui exclut la synthèse. Il ne faut pas croire ceux qui affirment que la méthode syllabique est préconisée. Ce sont les approches combinant analyse et synthèse que le ministre recommande aujourd’hui. L’arrêté du 24 mars 2006, signé de sa main, exige, en effet, « le recours à deux types d’approches complémentaires pour identifier les mots écrits ». Un peu plus loin il estime que cet arrêté est « heureux ».
C’est dire que l’accusation de « manque de loyauté » mérite d’être regardée de plus près. L’ouvrage de R. Goigoux et S. Cèbe s’appuie sur le texte de mars 2006. Il le rend accessible aux parents et lui rend hommage. Ce faisant, il montre l’écart entre les propos de Gilles de Robien qui, sur les médias, affirme imposer le retour à la méthode syllabique, et le texte officiel du ministre. Cette position, le ministre de l’éducation nationale ne peut l’assumer puisque la nocivité de la méthode traditionnelle syllabique a été établie par la recherche et dans les propres publications ministérielles.
Ce n’est pas la première fois qu’un chercheur est sanctionné pour avoir véhiculé des idées entrant en conflit avec une position politique. On se souvient, par exemple, de l’ouvrage de T. Piketty, directeur d’études à l’EHESS, retiré de la vente 24 heures après sa publication en avril 2006. Il défendait une thèse intéressante, mais contradictoire aux choix ministériels, sur l’éducation prioritaire.
Cependant, la décision qui touche R. Goigoux est particulièrement injustifiée. D’une part parce qu’elle jette le discrédit sur ses travaux et met en cause son travail scientifique. C’est un déni dangereux pour la crédibilité du travail des chercheurs et surtout pour la qualité de la formation des inspecteurs et des cadres de l’éducation nationale. Ensuite parce que l’apprentissage de la lecture est un sujet sérieux qui devrait être à l’abri du combat politique. Enfin parce que cette sanction aggrave le trouble jeté dans une institution scolaire qui mériterait d’être soutenue par son ministre. Elle vise à mettre fin au débat professionnel alors que celui-ci est, toujours, nécessaire. Elle symbolise le choix du ministre de soumettre l’Ecole et ses acteurs à l’idéologie au lieu de lui donner force et cohérence.
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/09/index220906.aspx
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/actu_70_accueil.aspx
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/04/index130406.aspx
Lecture : « croisade contre l’intelligence »
« C’est dans le même esprit que je vous encourage à poursuivre le dialogue que vous avez entamé aujourd’hui, sous forme d’échanges réguliers et ciblés, à mesure que les connaissances scientifiques avancent. Car dans notre monde si complexe du 21e siècle, nous avons tous à gagner dans ce dialogue, peut-être contradictoire, mais finalement toujours fructueux ». Concluant un séminaire national sur la lecture, Gilles de Robien appelle au dialogue scientifique. La phrase prend tout son sens quelques jours après l’expulsion de l’Esen de Roland Goigoux pour pensée non-conforme, alors que certaines publications du ministère manient avec dextérité les ciseaux dans les discours scientifiques pour en changer le sens. Le Café vient de le démontrer justement à propos du DVD sur la lecture. Gilles de Robien a également annoncé qu’il modifierait l’apprentissage du calcul.
A la sortie du séminaire, 17 organisations professionnelles (Ageem – Afef – Crap – Gfen – Icem – Occe – Sgen-Cfdt – Se-Unsa – Unsa-Education – Sup’recherche – Si.En Fsu – Snuipp – Snes – Snesup – Snpi – Ligue de l’enseignement – Airdf) manifestaient contre le renvoi de Roland Goigoux et les propos ministériels. Pour elles, » l’actuelle décision ministérielle confirme l’émergence d’une pensée officielle visant à faire taire les pensées critiques et à mettre au pas la Recherche et les corps d’inspection. Au-delà de la seule formation des cadres, c’est la formation des enseignants qui est menacée d’appauvrissement, et avec elle, à terme, la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves. Parce qu’il n’est pas dans la tradition de l’enseignement public de confondre formation et conformation, les organisations signataires rappellent leur attachement au respect de la mission des enseignants-chercheurs, dont l’indépendance garantit la qualité scientifique. Les organisations signataires s’inquiètent de la propension du ministre à entretenir le trouble dans l’opinion sur l’apprentissage de la lecture. Elles réaffirment que l’intérêt des élèves ne réside pas dans une opposition démagogique entre parents et enseignants, mais dans une relation de coopération et de confiance mutuelle nourrie par le dialogue ».
Mais les propos les plus cinglants viennent des inspecteurs du Sien. » Après s’être fait le pourfendeur d’une méthode de lecture morte depuis longtemps (si tant est qu’elle ait vécu), le ministre de l’Education nationale décide aujourd’hui d’en finir une bonne fois pour toute avec l’intelligence. Qu’on ne s’y trompe pas : c’est bien d’une guerre totale, d’une croisade contre l’intelligence qu’il est question aujourd’hui… Pour réussir le tour de force consistant à faire oublier des dizaines d’années de recherche et d’amélioration constante des compétences professionnelles des enseignants, la solution consiste manifestement à remplacer les écoles de formation par des centres de formatage. Le SI.EN-UNSA Education n’accepte pas cette sinistre perspective d’un asservissement des esprits au dogme réducteur qui se met en place brutalement. Il demande donc instamment au ministre de cesser ses attaques contre l’école et d’accepter enfin d’entendre des discours plus mesurés que les vociférations de quelques passéistes acharnés ».
Un tel fossé entre le ministre et ses cadres pourrait être dramatique pour l’application d’une réforme. Mais, selon les opposants, c’est bien là que l’ambiguïté réside : les programmes de 2006 ne soulèvent aucune opposition. Ce qu’ils reprochent, c’est l’interprétation médiatique qui en est donnée par le ministre. Elle soulève cette fronde parce qu’elle appelle à une méthode rejetée par les propres instructions officielles, qu’elle méprise les travaux des chercheurs, et qu’elle mobilise les parents contre les maîtres. A l’évidence Gilles de Robien a su mettre le feu à l’école, jetant parents contre instits, cadres contre ministère, profs contre cadres. Les élèves doivent-ils être sacrifiés aux intérêts électoraux ?
Communiqué
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1176.htmlCommuniqué ministériel
http://www.education.gouv.fr/cid4013/intervention-du-ministre-lors-seminaire-sur-les-sciences-de-la-lecture.html
Communiqué Sien
http://www.unsa-education.org/sien/divers/CompressGoigouxPR.doc
Lecture : Robien durcit le ton
« J’ai pris les textes qu’il fallait pour que les consignes soient suffisamment claires. On commence à apprendre à lire par l’apprentissage des lettres et des sons. B A ça fait BA. Et quand on sait dire BA deux fois, ça fait Baba. Et le cas échéant on peut dire « au rhum ». » Le 10 octobre, le ministre de l’éducation nationale a fait bénéficier les auditeurs de France Inter de cette forte contribution scientifique.
Répondant aux questions de Nicolas Demorand, Gilles de Robien a voulu marquer son autorité. « Quand on est fonctionnaire de l’Etat, on obéit aux textes de l’Etat… La décision que j’ai prise c’est qu’on commence dès les premiers jours par la méthode syllabique et qu’ensuite on passe à des phrases qui ont un sens ».
Le problème c’est que ce n’est pas ce que disent les programmes officiels de mars 2006, signés du ministre : » On utilise deux types d’approches complémentaires : analyse de mots entiers en unités plus petites référées à des connaissances déjà acquises, synthèse à partir de leurs constituants, de syllabes ou de mots réels ou inventés ».
http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/septneuftrente/
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MENE0600958A
Pierre Frackowiak menacé de sanctions par Gilles de Robien
« Le recteur de l’académie de Lille a constaté récemment que, s’exprimant à titre professionnel et par voie de presse, un inspecteur de l’éducation nationale a marqué son opposition à des instructions ministérielles relatives au programme d’enseignement de la lecture. Une procédure disciplinaire a été engagée afin d’établir la réalité et la portée des faits. Elle débouchera le cas échéant sur une sanction adaptée… La procédure disciplinaire est en cours ; elle ne peut pas faire l’objet de commentaire avant son terme ». On le sait maintenant, la procédure vise Pierre Frackowiak, inspecteur dans le Nord Pas-de-Calais.
P. Frackowiak a notamment eu à affronter le ministre et MM. Brighelli et Le Bris dans une émission de France 2 récemment. Il avait souligné l’opposition entre les propos de Robien sur la syllabique et les programmes officiels signés du ministre. Voilà que l’affrontement continue, hors antenne, par la voie disciplinaire.
« Ca me surprendrait que cette émission de télévision n’y soit pour rien » a déclaré au Café Pierre Roumagnac, secrétaire général du Sien – Unsa, le syndicat de P. Frackowiak. « D’autres inspecteurs se sont exprimés sur l’apprentissage de la lecture et les déclarations du ministre sans être menacés de sanctions. Donc je pense que si Gilles de Robien choisit P. Frackowiak, ce n’est pas par hasard ».
Le Sien « a indiqué au ministère que Pierre Frackowiak s’exprimait en tant que représentant syndical du Sien et qu’on ne comprendrait pas qu’il puisse être sanctionné. A défaut on irait vers un conflit majeur ».
Pour le Sien, le ministre « essaie de faire passer un message d’autorité pour ne pas dire d’autoritarisme. On l’a vu aussi avec R Goigoux. Or ce que fait P. Frackowiak c’est essayer de rassurer les enseignants et de les convaincre de la confiance que l’institution leur fait. Car nous n’avons pas d’état d’âme avec les nouveaux programmes de 2006 ».
http://www.education.gouv.fr/cid4045/procedure-disciplinaire-a-l-encontre-d-un-fonctionnaire-d-encadrement.html
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2006/10/index091006.aspx
Les inspecteurs se rebiffent
Après le Sien-Unsa (voir L’Expresso du 10 octobre), le Snpi – Fsu, autre syndicat d’inspecteurs, se solidarise avec P. Frackowiak. « La récente annonce de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un inspecteur montre que le ministère a décidé de pousser les fers et de mettre au pas l’ensemble des personnels. Les enseignants, les formateurs, les inspecteurs… n’accepteront pas de se laisser traiter ainsi ».
http://www.snpi-fsu.org/
P. Frackowiak : La confiance est en berne
Mis en cause encore ce matin par le ministre, Pierre Frackowiak, inspecteur de l’éducation nationale, a fait part de son étonnement au Café. « A ce jour, je n’ai toujours pas reçu la moindre lettre m’annonçant une procédure et me présentant les griefs précis. « .
Après avoir rappelé qu’il s’exprimait en tant que représentant » de son syndicat et de 12 autres organisations qui ont publié un texte de synthèse sur l’apprentissage de la lecture: « Apprendre à lire, pas si simple », il confirme ses déclarations. « Pour moi et pour la grande majorité des IEN, le texte de référence est les nouveaux programmes de 1992 avec la modification par arrêté du 24 mars 2006, cet arrêté annulant de fait la circulaire du 3 janvier. Ces textes s’imposent à tout fonctionnaire… Les discours, lettres, plaquettes, journaux du ministre ne valent pas texte officiel Ils sont des actes de communication, voire de propagande, pas des instructions officielles. Et il est vrai qu’il y a de grandes différences entre les textes et discours médiatisés et la réalité des programmes officiels. Cet arrêté prescrit deux types d’approche complémentaires: la démarche analytique et la démarche synthétique ».
P. Frackowiak déplore que « les enseignants (soient) mis en cause dans leur dignité, dans leur compétence. Sont ainsi balayés, niés, des dizaines d’années d’efforts pour améliorer la réussite scolaire. Le découragement et la démotivation gagnent. Certains maîtres chevronnés, excellents, ne veulent plus exercer au CP compte tenu de la suspicion rampante, de la pression des parents dont certains n’hésitent pas à contrôler si le b-a ba est appliqué. Ils ne méritent pas cela… Ce climat détestable nuit fortement au climat des écoles… L’école a besoin de confiance, celle des enfants et celles des parents, celle de ses partenaires. Elle a besoin d’intelligence et de sensibilité, elle a besoin de la confiance de la nation, elle a besoin de liberté. Or, la confiance est aujourd’hui en berne ».
Devanne répond à Robien
« En l’état actuel des pratiques de l’école maternelle, des exemples de cet ordre, évidemment nombreux et répétés année après année, continueront à démontrer l’inverse de la « démonstration » que vous attribuez aux scientifiques ». Bernard Devanne, Professeur à l’IUFM de Basse-Normandie, répond aux propos de Gilles de Robien sur France Inter le 10 octobre.
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/devanne_Quidemontrequoi.aspx
Rappel : B. Devanne : le journal d’une grande section de maternelle
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/devanne_i7l.aspx
Rappel : Le dossier sur la lecture du Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/lecture_index.aspx
DVD Lecture : de la communication scientifique à la propagande médiatique…
Le DVD « Apprendre à lire » est désormais disponible dans toutes les circonscriptions et écoles primaires. Il a pour but d’accélérer la mise en oeuvre de la « pensée Robien » sur la lecture dans toutes les écoles de France. Sans en faire un décryptage complet, une première évidence : une fois de plus, M. Robien (ou ses petites mains) censure ce qui le dérange, même chez les chercheurs qu’il invite à parler. A découvrir en détail ici.
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/contribs_dvdlecture.aspx
Les directeurs d’école hésitent entre deux modèles
57% des directeurs d’école souhaitent rester professeurs, 47% souhaiteraient ne plus avoir de classe et exercer seulement la fonction de direction. Ce sont plutôt des hommes, en fin de carrière, et en poste dans des écoles de plus de 6 classes en Ile-de-France. C’est ce qu’indique un sondage réalisé par le Gdid, une association nationale de directeurs d’école.
En même temps, les directeurs reconnaissent que la charge ne les emploie que partiellement : moins de 10 heures hebdomadaires pour 66% d’entre eux.
La clarification de leur statut semble s’imposer : 95% le demandent. Seulement 1% sont satisfaits des mesures Robien prises en leur faveur.
http://dirlo.net/documents/rapportifop.pdf
Le sous-équipement informatique persiste dans le primaire
Ce titre nous l’avions déjà utilisé il y a un an… Le ministère de l’éducation nationale publie les résultats de l’enquête Etic 2006 qui évalue l’équipement informatique des établissements.
Selon elle, dans le primaire, il y aurait de 10 à 23 élèves par ordinateurs en élémentaire, de 22 à 43 en maternelle. Dans le secondaire, on compterait 6 élèves par ordinateur au collège, 4 en lycée et 3 en L.P.
On constate une amélioration de la situation dans le secondaire, alors que les disparités restent fortes et l’équipement insuffisant dans le primaire. Rappelons que l’équipement des établissements est financé par les collectivités locales.
http://www2.educnet.education.fr/sections/plan/etic/
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2005/09/index050905.aspx
1999-2002
http://www.educnet.education.fr/equip/archives/chiffres.htm
L’enseignement préélémentaire oublié du débat scolaire
« Un nombre croissant de pays accorde une priorité élevée à l’éducation des tout jeunes enfants ainsi qu’à la qualité des services. Les premières années sont de plus en plus considérées comme l’une des clés de la réussite des politiques sociales, familiales et éducatives ». Avec une nouveau rapport sur la préscolarisation, « Petite enfance, Grands défis », l’Ocde met aujourd’hui l’accent sur le développement de l’enseignement préélémentaire dans les pays membres de l’organisation.
Ce consensus est porteur de motivations parfois bien différentes, souligne l’Ocde. En effet, se mêlent dans cet intérêt pour la petite enfance des préoccupations économiques, favoriser le travail des femmes, démographiques, faciliter la natalité, et sociales, lutter contre l’inégalité devant l’école. Car tous les pays reconnaissent que la préscolarisation a un effet bénéfique sur les résultats scolaires des enfants des milieux défavorisés. Alors que la pauvreté des enfants augmente dans 17 pays de l’Ocde (sur 24), le rapport rappelle que « l’enseignement préscolaire facilite l’intégration des familles qui ont de jeunes enfants. Elle contribue fortement à préparer l’enfant à l’école ». Et l’organisation recommande le développement de systèmes nationaux pour le préélémentaire, même si elle critique la conception française trop proche de l’école et pas assez attentive à la psychologie du petit enfant, et invite à utiliser du personnel formé et bien payé.
C’est clairement demander un effort financier. L’Ocde cite en exemple les pays scandinaves qui consacrent 1,5 à 2% de leur PNB (Danemark) à la préscolarisation. Pour une fois la France apparaît bien classée avec 1% du PNB (loin devant les Etats-Unis ou les grands pays d’Europe qui n’y consacrent que 0,5% du PIB), un taux de scolarisation de 100% à partir de 3 ans et l’utilisation d’enseignants diplômés pour s’occuper des plus petits. Cette particularité française est historique : on frôlait déjà les 90% en 1980. L’école maternelle est d’ailleurs souvent citée comme l’un des points forts de notre système éducatif.
Pourtant c’est oublier une autre spécificité française : la France est le seul pays développé où le taux de scolarisation en préélémentaire régresse. Depuis 2003, la France va à rebours des efforts des autres pays. Cela s’explique par la baisse de la scolarisation à deux ans : le taux est passé de 35% en 2000-2001 à 24% en 2005-2006 (chiffres MEN).
Cette régression s’explique d’abord par des nécessités budgétaires. Pour un gouvernement qui veut réduire le budget de l’éducation nationale, la tentation est forte d’opérer une ponction sur un enseignement qui n’est pas obligatoire et qui n’est pas considéré comme un dû par les familles. On peut ici prélever des crédits pour les utiliser ailleurs, par exemple dans une université mise à mal par le développement concurrentiel des prépas.
Elle s’explique également, il faut le dire, par une vive contestation de son principe même. L’association française de psychiatrie et l’ancienne défenseure des enfants se sont élevés contre elle, l’assimilant pratiquement à un mauvais traitement infligé à l’enfant. Pour eux, la troisième année de la vie achève un cycle de développement important pour la construction de l’identité. La scolarisation précoce perturberait celle-ci et serait responsable de comportements violents à l’adolescence. Pour le linguiste Alain Bentolila, les enfants scolarisés trop tôt manquent de vocabulaire ce qui nuit à l’apprentissage de la lecture.
Pourtant d’autres travaux ont mis en évidence les retombées positives de la scolarisation à deux ans. Une étude de l’Institut d’éducation de l’université de Londres affirme que » La scolarisation avant 6 ans.. améliore le développement de l’enfant. Ses effets sur le développement social et intellectuel de l’enfant sont évidents durant les premières années de l’école primaire ». En France plusieurs travaux (J.P. Caille par exemple) insistent sur ses retombées scolaires positives. L’enfant entré après 3 ans à l’école maternelle a beaucoup plus de chance de redoubler son CP. « En ce qui concerne l’impact sur la scolarité élémentaire, entrer à l’école maternelle à deux ans au lieu de trois améliore les chances d’accès au CE2 sans redoublement, mais ne le fait que faiblement… S’agissant des évaluations des acquis cognitifs à l’entrée du CP, cette scolarisation précoce apparaît comme globalement bénéfique. Cet avantage, qui se retrouve dans plusieurs domaines : compréhension orale, familiarité avec l’écrit, familiarité avec le nombre, est cependant faible ».
Si l’impact global est positif mais faible, il est très nettement favorable pour les enfants des milieux défavorisés. « À l’entrée en CP, les évaluations cognitives des élèves montrent que ce sont les élèves des catégories sociales défavorisées, mais aussi ceux des catégories sociales les plus favorisées qui bénéficient le plus de la scolarisation précoce. Elle est également plus bénéfique en ZEP que hors ZEP. Concernant l’accès au CE2 sans redoublement, également, l’effet positif associé à une scolarisation à deux ans s’observe principalement chez les enfants de cadres et d’ouvriers, et bénéficie particulièrement aux élèves de nationalité étrangère ou de parents immigrés ».
L’effondrement de la scolarisation à deux ans se fait donc globalement aux dépens des familles les plus modestes. D’autant, on le sait, que leurs enfants entrent déjà moins souvent à l’école maternelle : » parmi les élèves en cours préparatoire en 1997, les enfants de père ou de mère immigré n’étaient qu’un sur quatre à avoir été scolarisés à deux ans, alors que c’était le cas de près de un sur trois de leurs condisciples » affirme une étude officielle. Il faudrait donc veiller à ce que l’offre soit au minimum maintenue dans les banlieues et les zones urbaines. Un simple regard à la carte publiée par Education & formations fin 2003 montre que c’est la France rurale qui bénéficie d’un bon taux de scolarisation à deux ans. Avec un peu de méchanceté on pourrait insinuer qu’exclu de l’école à 2 ans grâce à Fillon, le gosse des cités à quelque chance de bénéficier de l’apprentissage à 14 ans grâce à Robien…
Terminons par une note plus positive. Un sondage Sofres publié lui aussi le 19 septembre, montre que 87% des mamans ayant scolarisé leur enfant de moins de trois ans sont satisfaites. 45% des mères souhaiteraient le faire.
http://www.oecd.org/document/55/0,2340,fr_2649_201185_37426743_1_1_1_1,00.html
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/revue66/question1.pdf
http://www.tns-sofres.com/etudes/consumer/190906_scolarisation.htm
L’enseignement des langues à Paris
» La diffusion auprès des décideurs politiques et l’augmentation de la prise de conscience de l’importance de ces questions linguistiques sont un défi ». Pourtant cette étude réalisée par des étudiants de Sciences Po pour l’Unesco, dresse un tableau assez positif de l’enseignement des langues dans les écoles primaires parisiennes. » On constate qu’il y a une cohérence entre les textes et la réalité sur le terrain, une majorité du cycle3 de l’école primaire reçoit un enseignement régulier de langue vivante et l’enseignement y est considéré comme une matière à part entière donnant priorité à l’oral et adoptant une pédagogie ludique ».
Mais l’étude signale aussi des points faibles. Et d’abord l’absence de liaison entre école et collège. Ensuite le déséquilibre au bénéfice de l’anglais qui domine très largement (offert par 90% des écoles contre 29% pour l’allemand). « L’éventail des langues étrangères offertes est plus limité que celui proposé dans la législation. Plusieurs raisons expliquent cet écart entre la théorie et la pratique ; une des principales causes est un nombre insuffisant d’élèves pour pouvoir organiser le cours d’une langue particulière, dans une logique pragmatique il est aussi moins facile d’assurer la continuité des enseignements lorsque les professeurs sont plus rares. Mais aussi des critères plus subjectifs comme la demande exprimée par la majorité des parents ».
Aussi elle invite à développer la formation des enseignants et à accorder davantage de moyens. » La généralisation de l’apprentissage des langues étrangères nécessite également une augmentation des moyens matériels ce qui implique un renforcement significatif des moyens financiers. Une solution serait aussi de mettre en commun des moyens matériels et supports pédagogiques consacrés aux langues entre écoles d’une même zone ».
http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001471/147169f.pdf