Un rapport privé propose de réformer la formation des maîtres
« Plus que jamais, nous devons avoir des enseignants de qualité. Dans l’économie de l’information, l’éducation est devenue le moteur de l’avenir du pays et de nos enfants… Si l’on doit relever le niveau des élèves en vue de l’économie de l’information, il faut aussi relever celui des enseignants. En général, augmenter la qualité des enseignants nécessite d’en réduire le nombre et augmenter leur nombre de réduire la qualité. Nous devons relever le défi de faire les deux en même temps ». Quels éléments sont nécessaires pour fabriquer de bons profs ? Arthur Levine ouvre ce rapport sur la formation des enseignants aux Etats-Unis, financé par des fondations d’entreprises, en présentant l’enjeu que représenterait sa réforme pour le pays. « Les enseignants d’aujourd’hui doivent être capables de faire des choses que leurs prédécesseurs ne faisaient pas. Ils doivent être formés à éduquer tous leurs élèves pour qu’ils atteignent le plus haut niveau de formation jamais atteint dans l’histoire. La plupart ne sont pas formés à cela. »
Présentant un système de formation qui est extrêmement décentralisé et divers, Arthur Levine en dresse un portrait très sombre. Chacun des 1 200 instituts de formations forme à sa façon, les futurs profs, avec des cursus de formation de durées très variable (de 1 à 5 ans !). A. Lévine dénonce des étudiants souvent de niveau très faible et des professeurs ayant eux-mêmes peu de diplômes et peu d’expérience pédagogique. Hors de 4 établissements signalés comme exemplaires, il jette un sérieux discrédit sur la formation des enseignants dans son ensemble. Il appuie sa condamnation sur des sondages auprès des anciens étudiants et des chefs d’établissement ce qui peut sembler peu scientifique.
Pour nous, l’intérêt de l’ouvrage c’est que, ce faisant, cela l’amène à définir ce que devrait être une bonne formation des enseignants pour lui et pour ses commanditaires.
Qu’est ce qu’une bonne formation ? « Les instituts de formation doivent devenir des écoles professionnelles », à l’image de ce qui se passe en médecine. Il faut que la pratique équilibre la théorie, c’est-à-dire que les étudiants aient un contact régulier avec la classe et des enseignants de terrain, qu’ils soient suivis par des tuteurs. Les établissements reconnus comme exemplaires imposent tous environ une centaine d’heures de cours effectués par le stagiaire dans des établissements difficiles (centre ville aux Etats-Unis). Un d’entre eux utilise un portfolio pour suivre les travaux des stagiaires et demande aux étudiants de filmer et d’analyser une de leurs heures de cours.
Le contenu théorique doit évoluer pour que les étudiants soient formés à transmettre les connaissances et pas seulement à en avoir. Pour cela il doit être rééquilibré entre les connaissances disciplinaires, la pédagogie et la psychologie de l’enfant. Il propose 4 recommandations : il faut élargir la formation des futurs maîtres à 5 ans; la reconstruire autour des connaissances nécessaires pour soutenir les acquisitions des élèves; la diviser en 3 parties : des connaissances scientifiques dans une discipline, une formation pédagogique et une formation à la psychologie de l’enfant; mettre en place un système de contrôle de la validation des formations.
Ne serait-ce que par le tableau catastrophique qu’il fait de la formation actuelle des maîtres, par la classification des instituts de formation qu’il propose, nul doute que le livre d’Arthur Levine ne fasse du bruit et n’entraîne des réactions aux Etats-Unis et peut-être ailleurs. Il met en évidence les attentes du monde des affaires et les moyens dont il dispose pour peser sur les débats nationaux.
On retrouve dans cet ouvrage des critiques qui s’expriment également ici : une formation jugée trop théorique et pas assez professionnelle, une demande de formation à la psychologie de l’enfant et à la gestion de la classe. Apporte-il des solutions réalistes ? Il y a peu d’études sur le rapport entre la formation des maîtres et la réussite des élèves mais on sait néanmoins que, parmi les multiples critères de réussite, la formation pédagogique et le niveau de connaissances disciplinaires ont un impact sur leurs résultats. Une synthèse réalisée par l’Inrp sur les politiques de formation en Europe montre l’évolution du modèle professionnel en France et en Europe. Les modèles « du praticien réflexif », de « l’organisation apprenante » semblent s’y imposer.
http://www.edschools.org/pdf/Educating_Teachers_Report.pdf
Le débat sur la formation
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/r2006_index.aspx
Une synthèse sur la formation en Europe
http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/decembre2005.htm
Les partisans de la méthode syllabique et les petites affaires…
Derrière le discours de la méthode, le dollar. Un rapport officiel du Département de l’éducation des Etats-Unis révèle des collusions entre le directeur du programme fédéral « Reading First », mis en place par Bush, et les éditeurs d’une méthode syllabique d’apprentissage de la lecture. Arguant de sa position, il aurait exercé des pressions pour que les autorités locales achètent ce produit. Il vient d’annoncer sa démission. Des poursuites devraient être engagées.
Article Education Week
http://www.edweek.org/ew/articles/2006/09/22/05readfirst_web.h26.html?levelId=1000&