« Double solde ». C’est ainsi qu’en Californie est nommée la prime spéciale accordée aux profs qui acceptent d’enseigner dans les écoles difficiles. Selon Education Week, 30 états américains ont lancé des programmes d’incitation financière pour attirer des profs expérimentés dans des zones difficiles ou pour recruter dans des disciplines rares.
L’hebdomadaire cite en exemple l’Arkansas qui offre 4 000 dollars aux enseignants qui prennent un poste dans des établissements difficiles. En Californie, c’est 20 000 $ qui sont accordés sur 4 ans. En Virginie les enseignants qui y arrivent reçoivent 15 000 $ et ceux qui y restent 3 000 $.
Tout cela pour quels résultats ? Selon Education Week, ils sont rarement mesurables. En Virginie le niveau des élèves ne s’est élevé la première année que dans les lycées. Les résultats de la seconde année sont meilleurs.
Alors pourquoi cette pression vers l’efficacité ? Ces expériences illustrent les nouvelles exigences du système éducatif américain depuis la loi No Child Left Behind. Celui-ci s’est totalement orienté vers des exigences de résultat. C’est en fonction des résultats des élèves à des tests fédéraux ou locaux (au niveau des états) que les établissements perçoivent les aides fédérales promises. L’objectif est que tous les élèves atteignent un niveau de connaissances fixé par l’Etat fédéral. Pour remplir cet objectif, tout est bon. Cela génère une pression suffisante pour que les autorités locales recrutent davantage de profs ou des enseignants plus expérimentés.
Il est sans doute trop tôt pour affirmer que ces politiques ont un effet sur les résultats aux tests d’évaluation. Mais on peut déjà discerner les retombées négatives de ce qui peut sembler, à première vue, une idée « de bon sens ».
Il faut d’abord poser la question du thermomètre. Que mesurent les tests d’évaluation ? Il semble bien que leur importance ait amené les établissements à privilégier les disciplines incluses dans les tests au détriment des matières « inutiles ». Ainsi les deux tiers des districts scolaires ont réduit leur offre scolaire.
Selon un article de Bénédicte Robert dans la revue internationale d’éducation (septembre 2006), les tests ont considérablement fait évoluer les pratiques pédagogiques. D’un côté, dans leur recherche d’efficacité, les états ont imposé des programmes extrêmement contraignants, allant jusqu’à des plans de cours. Les enseignants, soumis à ces « bonnes pratiques » imposées se démobilisent et les meilleurs fuient.
L’accent mis sur les tests au détriment de la formation générale des élèves invite les professeurs à privilégier ce type d’exercice dans leur enseignement et à ne pas s’éloigner d’un pouce du manuel. Pire encore, les tests ont envahi les heures d’enseignement : dans le Massachusetts ils absorbent 37 jours de classe !
Alors que la loi d’orientation de l’Ecole invite à multiplier les tests et à s’en servir comme outil de pilotage, l’exemple américain met en évidence les limites de cette logique. Il nous invite à rappeler que l’enseignement ne se réduit pas à une liste de connaissances et à une démarche d’ingénieur. L’éducation ne peut être abordée comme la fabrication d’un produit. C’est une construction d’humanité.
http://www.edweek.org/ew/articles/2006/09/27/05incentive.h26.html
http://www.ciep.fr/ries/ries42.htm
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/Pages/2006/tribune_45_accueil.aspx