En 2007 se mettra en place une nouvelle formule du CAPES externe de documentation. Quelles connaissances, quelles compétences y sont attendues ? Jean-Louis Durpaire, Inspecteur Général de l’Education Nationale et président du jury depuis la session 2004, est le plus à même de répondre à ces questions.
Café Pédagogique : Qu’attendez-vous des candidats à ces CAPES de documentation ?
Jean-Louis Durpaire : Les attentes sont bien développées dans les rapports de jury[1] et le meilleur conseil que je peux donner à un candidat au CAPES est de se référer aux différents rapports de jury. Pour résumer, on attend des candidats des connaissances dans deux champs principaux : le champ des sciences de l’information et de la communication et les sciences de l’éducation. Les épreuves sont faites pour repérer des connaissances dans ces deux domaines-là. Nous attendons aussi d’eux des capacités à problématiser les questions, des capacités de synthèse et d’expression tant écrite qu’orale.
Café : Et pour l’épreuve orale ?
J.-L. D. : Nous attendons l’expression et la mise en oeuvre de compétences en matière de traitement et de recherche d’information (épreuve pratique de techniques documentaires). Nous souhaitons aussi une certaine connaissance du système éducatif puisque les sujets sont des sujets pratiques issus du terrain qui appellent une certaine connaissance du système, des élèves, de leur questionnement, de leur démarche. La deuxième épreuve qui est classique dans tous les CAPES, porte sur un sujet varié, une problématique éducative. On attend là une capacité d’expression, une capacité d’entrée en relation avec le jury, des capacités de réponse, d’écoute, d’entrer dans un débat, d’entrer dans un dialogue. L’objectif est aussi de savoir si le candidat a déjà quelques repères non seulement intellectuels, mais aussi des repères déontologiques par rapport au métier qu’il envisage. Je précise que les rapports de jury fournissent les quatre grilles d’évaluation des épreuves utilisées par le jury ; une lecture attentive de chacune d’elles fournira la réponse la plus complète à votre question.
Café : En 2006 tous les candidats devaient choisir parmi trois options (sciences et techniques, littératures et civilisations française et étrangères ou encore sciences humaines et sociales). En 2007 la nouvelle épreuve sera unique. Pourquoi et quelle sera-t-elle ?
J.-L. D. : La modification porte essentiellement sur les modalités d’inscription., puisque auparavant le candidat devait choisir une option. L’épreuve devient commune à tous. Par cette modification, le recrutement devient commun à tous les étudiants quelle que soit leur origine. L’épreuve ne subit pas un bouleversement puisqu’il s’agit toujours d’une épreuve de dossier documentaire, avec plan de classement, résumé(s), note de synthèse. Vous avez observé que l’épreuve du concours 2006 comportait un nombre important de textes communs (plus de la moitié) aux trois options et que les résumés à effectuer portaient sur les mêmes textes.
Café : Après lecture de ce sujet zéro, le rapport à un problème de politique documentaire ne semble pas plus présent que dans l’épreuve précédente.
J.-L. D. : Selon l’arrêté du 26 juillet 2005, « le candidat élabore un dossier relatif à une question de politique documentaire dans le contexte d’un établissement scolaire du second degré », ce qui est donc très vaste. On se reportera à l’annexe 12 du rapport du jury 2006. La politique documentaire d’un établissement scolaire est au service de la politique éducative et pédagogique de l’établissement. Le thème des migrations, retenu comme sujet zéro, est une question pédagogique importante qui pour être traitée appelle des ressources documentaires.
Café : Donc a priori pas de bouleversement dans cette épreuve ?
J.-L. D. : En effet, il n’y a pas de rupture : le changement apporté est modeste. Le sujet de 2006 pouvait lui aussi être un sujet entrant dans la nouvelle définition. Les étudiants qui ont préparé ce concours l’année précédente ne doivent pas être inquiets.
Nous attendons toujours pour cette épreuve des capacités à constituer un dossier, notamment des capacités de lecture. Il faut être capable de lire, de lire rapidement. Or pour lire rapidement, il faut des connaissances. Si vous ne connaissez pas le contexte, vous ne pouvez pas lire rapidement. Il faut aussi être capable de résumer, d’exprimer une pensée. Ce sont là des qualités nécessaires à un futur professeur documentalistes.
Café : Le jury de concours est constitué de membres de différents corps. Vous y tenez beaucoup. Qu’est-ce que cela apporte au concours ?
J.-L. D. : La composition du jury a évolué de façon sensible. On ne peut pas être recruté uniquement par ses pairs. Il y a toujours une majorité de professeurs-documentalistes, mais j’ai voulu qu’il y ait des inspecteurs, des chefs d’établissement, des conservateurs de bibliothèques, des enseignants-chercheurs. Je pense qu’il faut d’abord affirmer le haut niveau de ce CAPES. Je trouve aussi qu’il n’y a pas assez de contacts entre les professeurs documentalistes et les conservateurs ou bibliothécaires. Les métiers sont proches – on ne le sait pas assez- et souvent les uns projettent sur les autres des images fausses. Aujourd’hui on ne saurait dénier aux conservateurs et bibliothécaires les missions de formation de leurs usagers. Ils les revendiquent souvent comme premières. Je suis également membre du jury de concours de conservateurs de bibliothèques et je dois dire que bien des candidats au concours des conservateurs pourraient l’être au CAPES et inversement. On n’a pas assez de passerelles. Deux fonctions essentielles leur sont communes : d’une part la gestion, le fonctionnement d’un système d’information -on organise l’information et on la délivre-, d’autre part un grand intérêt à son utilisation par les usagers. Souvent, cette formation n’est pas possible directement, parce que les effectifs de personnels en bibliothèque et en CDI ne permettent pas d’avoir de formation directe, sauf sur des temps très restreints.
Café : Pour les sessions 2007, les candidats des CAPES lettres modernes et histoire-géographie ainsi que ceux du PLP lettres histoire pourront présenter une mention complémentaire en documentation. Quel recrutement pour ces professeurs disciplinaires ?
J.-L. D. : Les objectifs du ministère sont notamment de permettre des affectations plus faciles au sein des collèges, de constituer des équipes plus resserrées, notamment dans les premières classes du collège, de développer des liens entre disciplines.[2] Sur le terrain cette bivalence pourrait permettre aux enseignants de faire la totalité de leur service sur un seul établissement. Ce dispositif s’adresse uniquement à des volontaires donc à des personnes intéressées. Par ailleurs cette mention documentaire ne sera pas obtenue au rabais. Elle le sera par une des épreuves du CAPES de documentation : l’épreuve orale de pratique documentaire. On s’assure alors que le candidat a les connaissances suffisantes en matière de documentation et de sciences de l’information. Ce sera le même jury. Nous allons donc voir arriver en 2007-2008 quelques professeurs certifiés de lettres, histoire et PLP lettres histoire qui auront non seulement obtenu leur CAPES dans leur champ disciplinaire, mais qui auront la mention documentation. En deuxième année d’IUFM, ils suivront une formation complémentaire. Ils seront alors en mesure d’accomplir un service dans ce champ. Il est aussi prévu une obtention de cette mention par la validation des acquis de l’expérience, à partir de 2008. C’est l’occasion, pour moi, de rappeler l’importance de la formation permanente de tous les enseignants et en particulier des enseignants documentalistes. Aujourd’hui, on ne fait pas une recherche documentaire comme il y a dix ans ! Le système d’information d’un collège ou d’un lycée tel que je le souhaiterais n’est pas celui d’il y a dix ans ; il ne peut être contenu dans le seul cadre du CDI.
Café : Cet enseignant pourra-t-il être affecté totalement sur un poste de professeur documentaliste ?
J.-L. D. : Non, je ne le pense pas. Il s’agit d’une mention complémentaire et de professeur bivalent. Dans vote hypothèse, un professeur certifié de lettres ou d’histoire deviendrait monovalent hors de son champ de CAPES. Ce dispositif n’est pas conçu pour cela.
Café : Le conseil pédagogique. figure parmi les nouveautés 2007. Le professeur documentaliste en fera-t-il partie?
J.-L. D. : Dans sa définition, le conseil pédagogique inclut un professeur par champ disciplinaire. Evidemment, la documentation est incluse dans ce terme. Comment le conseil pédagogique pourrait-il d’ailleurs fonctionner sans un professeur documentaliste ? Car qui dit projet d’établissement dit politique documentaire (la circulaire de rentrée de cette année l’a clairement indiqué[3]). La politique documentaire est indispensable à la qualité de l’enseignement : on ne peut apprendre sans ressources documentaires. La politique documentaire doit être pensée. Le lieu de la réflexion de la politique documentaire, c’est le conseil pédagogique. La qualité de l’enseignement passe par la question du travail en équipe et par la question du service qui peut être fourni aux élèves et aux enseignants. Je vous renvoie au rapport de l’Inspection générale sur ce sujet.
Café : Quelle évolution voyez-vous pour le métier de professeur documentaliste dans les prochaines années ?
J.-L. D. : Comme pour toutes les disciplines, il y a aujourd’hui des générations différentes de professeurs documentalistes sur le terrain avec des cultures différentes et des approches du métier variées. Certains sont déjà dans l’avenir et ont une vision très avancée de leur métier. L’avenir me semble être dans la conjugaison de compétences humaines et technologiques. Les outils ne sont que des outils ; il faut apprendre à les utiliser dans leur complexité relative. Mais la finalité d’un apprentissage n’est pas l’utilisation parfaite d’un outil… Il y a des compétences à développer qui sont d’un niveau plus élevé. « Apprendre à penser », nous disait Claire Bélisle en conclusion de l’Université d’été De l’information à la connaissance qui s’est tenue à la veille de la dernière rentrée scolaire. Apprendre à tous les élèves à maîtriser l’information est et sera un objectif premier de la mission du professeur-documentaliste : un document sera prochainement publié par le CRDP de Midi-Pyrénées Culture de l’information et disciplines d’enseignement qui met en évidence la place de l’information dans toutes les disciplines. Le professeur-documentaliste doit donc être capable non seulement de s’adapter à des systèmes d’information en rapide mutation, mais surtout de coopérer, plus encore qu’hier avec l’équipe de direction, les CPE, les enseignants de toute discipline.
Aujourd’hui, le système est riche des diversités d’approche du métier, mais il me semble qu’un meilleur parti pourrait en être tiré. Les réseaux locaux de documentalistes méritent, de mon point de vue, d’être encouragés. Il faut prêter attention aux initiatives de coopération entre documentalistes au sein d’un bassin de formation. Je pense que si l’information est mondiale, son organisation elle, passe par non seulement par des gros systèmes mondiaux, mais aussi par des organisations locales, donc par des professionnels qui travaillent au niveau local. Il y a déjà des endroits où des coopérations entre documentalistes sont performantes avec des gains de temps et des systèmes d’information efficaces. Il me semble que l’on pourrait aller plus loin. Donc, pour l’avenir, chaque « territoire » doit jouer pleinement son rôle : l’établissement où il faut concevoir une politique documentaire, le bassin qui permet de favoriser les concertations de proximité, le département dont on sait la réalité historique et la force organisationnelle, l’académie bien sûr pour une orientation générale des politiques documentaires d’établissement et la facilitation des coopérations inter-établissements. Je note que les IA IPR EVS sont de plus en plus mobilisés sur les questions de l’évolution de la fonction documentaire et qu’ils peuvent contribuer fortement à la mise en place d’organisations nouvelles rendant plus performantes les actions et initiatives par la mise en synergie des compétences et des moyens. Dans ce contexte, les CRDP et les CDDP pourraient également apporter une aide renouvelée dans le champ de l’ingénierie documentaire.
Propos recueillis par Blandine Raoul-Réa.
Le texte a été relu par Jean-Louis Durpaire avant publication.
1 – Le rapport 2006 ainsi que 13 annexes, soit 76 pages, sont disponibles sur le site du ministère à l’adresse suivante en format pdf :
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/siac/siac2/jury/2006/capes_ext/doc.pdf
2 – Devenir professeur bivalent : voir la brochure sur le site de l’académie de Grenoble à l’adresse
http://www2.ac-grenoble.fr/admin/infosconcours_enseignants/devenir_profbivalent_plaquette.pdf#search=%22%22devenir professeur bivalent%22%2B %22de deux disciplines%22%22
3 – Circulaire de rentrée 2006 à consulter au BO
http://www.education.gouv.fr/bo/2006/13/MENE0600903C.htm