L’Ecole française peut-elle intégrer les TICE ? La question semble s’échapper du récent rapport de la Commission européenne sur l’accès et les usages des TICE dans les écoles de l’Union. Car, avec 12 ordinateurs pour 100 élèves en moyenne, le système éducatif français est un des mieux équipés des 27 pays de l’Union européenne. Très précisément nous sommes au 6ème rang, ce qui est tout à fait honorable et reflète les efforts des collectivités locales. Pourtant un fossé sépare ces équipements des usages en classe.
Seulement 65% des enseignants français déclarent avoir utilisé un ordinateur en classe dans les 12 derniers mois, un chiffre qui descend à 56% en collège. On est là très loin des moyennes européennes (74 et 71%). Pire encore, seulement 29% des écoles françaises ont leur propre site web (contre 63%) ce qui nous met en queue du peloton européen.
Ainsi l’école française apparaît comme à la fois très bien équipée et très peu utilisatrice. Un paradoxe que l’enquête européenne explique partiellement : les enseignants français seraient parmi les plus sceptiques sur l’intérêt pédagogique des tice. Un prof français sur trois n’en verrait pas l’intérêt contre un sur cinq dans l’Union.
L’enquête européenne identifie également des obstacles matériels à l’utilisation des tice. Mais ces explications sont-elles suffisantes pour justifier ce paradoxe français ? Je ne le crois pas.
Pour y voir plus clair nous nous tournerons vers un rapport de l’Inspection générale, signé en mars 2006 mais qui n’est toujours pas publié. L’Inspection liait précisément l’utilisation des tice à des blocages structurels du système éducatif français. Selon elle, l’arrivée des tice « bouscule l’Ecole ». Elle remettrait en question aussi bien l’espace de l’Ecole, ouvert sur l’extérieur via Internet ou les ENT, que son temps, étendu au-delà des cours, ou son organisation puisque le groupe classe lui-même peut être remis en question.
« La montée en charge des TICE accentue le divorce croissant entre les nouvelles formes de la pédagogie et le conservatisme des modes d’évaluation… On ne pourra pas continuer à exiger des élèves des compétences dans l’usage des TIC et éviter de les vérifier lors des grands rendez-vous » estimait avec un certain courage l’Inspection.
Tout se passe comme si l’économie traditionnelle de l’Ecole, avec sa forte cohérence organisationnelle, pédagogique, morale, entrait en conflit avec des formes d’organisation, d’apprentissage nouvelles, et par suite de nouvelles valeurs sociales, qui sont indispensables à une intégration réelle des Tice dans l’enseignement.
Ce constat pourrait également être une bonne nouvelle. Car l’Ecole ne pourra pas rester à l’abri des nouvelles pratiques culturelles. D’autant que leur efficacité scolaire est démontrée.
Le rapport européen (pdf)
Rappel: Le rapport de l’I.G.
Rappel: Tice : effet scolaire positif