« C’est un budget que je défendrai devant le Parlement en ayant la certitude que les personnels comme les parents comprendront qu’il a été construit dans l’intérêt des jeunes ». Le projet de budget 2007 qu’a présenté à la presse Gilles de Robien le 27 septembre risque pourtant de rendre la situation intenable dans le secondaire.
Et ce n’est pas par hasard. Le ministre a relevé que la France dépense plus que les autres pays de l’Ocde pour le secondaire et pas assez pour le supérieur. » La loi de programme pour la recherche de 2006 a justement pour objectif de rééquilibrer l’effort financier en faveur de l’enseignement supérieur dans notre pays. La préparation du budget s’est inscrite dans cette ligne » a affirmé le ministre. Autre source d’inspiration : les rapports d’audits. Donnant la priorité aux comptables, le ministre suit les recommandations des rapports sur les décharges et sur les examens. Cela se traduit par des suppressions de postes
8 662 postes supprimés.« J’entends dire que nous supprimons 8 500 postes d’enseignant : c’est faux ! C’est une présentation totalement mensongère ! » G. de Robien se pose volontiers en réformateur du calcul, mais là, le compte n’y est pas ! Une simple addition des chiffres ministériels ne peut dissimuler que 8 662 postes seront supprimés à la rentrée 2007 : 3 606 postes resteront vacants aux concours; 3 256 disparaîtront grâce à la suppression des décharges et à des réaffectations disciplinaires; 2 400 sont supprimés en plus dans les collèges et les lycées. Le total se monte à 9 262 postes supprimés auxquels il faut retirer 600 postes créés dans le primaire. Le budget de l’éducation nationale augmente en euros mais il recule par rapport à la hausse du PIB.
Car la suppression des décharges est confirmée. » La Cour des comptes et le Parlement ont montré depuis plusieurs années que certaines décharges de service n’étaient plus justifiées. L’audit de modernisation est arrivé à des conclusions identiques. On estime – et nous avons vérifié ces estimations – qu’il y a au total pour les décharges l’équivalent de 23 000 emplois de professeur dans l’enseignement secondaire public qui ne sont pas devant les élèves. J’ai demandé que l’on revoie ce système… Le budget 2007 se traduit donc par la remise en cause de 10 % de ces décharges, soit 2 300 équivalents temps plein d’enseignant qui seront invités à faire des cours devant les élèves, ce qui explique la suppression équivalente de 2 300 emplois. C’est de la bonne gestion ». Les récupérations de postes par suppressions de décharges devraient ainsi continuer à peser sur les postes mis aux concours dans les années à venir.
D’autres mesures se profilent à l’horizon 2008. » L’audit portant sur la grille horaire en lycée est en cours d’examen contradictoire et sera rendu public dans les prochaines semaines. Deux autres audits n’ont pas été remis à ce jour : l’audit sur la grille horaire en collège et celui sur la carte et les options de l’enseignement professionnel ». L’audit portant sur la grille horaire du lycée la juge trop lourde et vise à « dégager les marges de manoeuvre budgétaires notamment pour financer les mesures de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école ». En clair il devrait proposer de supprimer une partie des enseignements pour équilibrer le budget de l’éducation nationale. Les autres audits (sur les collèges, l’enseignement agricole et l’enseignement professionnel) ont eux aussi pour seul objectif de diminuer les dépenses.
Les lycées en première ligne.Ces mesures concernent tout l’enseignement secondaire. Mais les lycées seront probablement touchés en priorité pour deux raisons. Si les décharges correspondent à 6% des emplois du secondaire, leur part est plus importante en lycée, car certaines leur sont spécifiques (pondérations de STS par exemple). On peut penser qu’en lycée c’est 10% du personnel enseignant qui pourrait disparaître si cette politique allait à son terme. Cela ne sera pas sans effet sur le climat des établissements.
Mais une autre décision ministérielle, en corrélation avec la question des emplois, va venir frapper les lycées. Il s’agit de la nouvelle procédure d’inscription dans l’enseignement supérieur. Dès cette année, en janvier, les lycéens devront adresser à l’établissement supérieur de leur choix un dossier d’inscription comprenant le bulletin trimestriel du premier trimestre. Au vu du dossier la réponse envoyée au lycéen prendra « la forme soit d’un encouragement à s’inscrire…, soit d’une incitation à s’orienter en direction des formations courtes professionnalisées, en particulier dans les STS qui ont vocation à accueillir prioritairement les bacheliers professionnels mais aussi les bacheliers technologiques tertiaires ». Ce n’est sans doute pas par hasard que le mot « IUT » est absent de ce texte. On peut craindre que les universités prennent appui sur ces instructions pour décourager de façon systématique les inscriptions de ces bacheliers et les envoyer en STS… dans les lycées.
Entre grogne des lycéens devant ce qui relève bien d’une sélection et colère des enseignants sommés de travailler gratuitement davantage (1 heure de décharge en moins c’est 2h30 de travail en plus), l’atmosphère des lycées va devenir difficile.
On voit bien la logique strictement budgétaire de ce plan. Mais elle se fait au prix d’incohérences pédagogiques. A quoi bon réformer les filières technologiques, comme en STG, en se fixant comme objectif de faciliter la réussite de ces lycéens dans le supérieur si c’est ensuite pour réduire leur choix ? Comment ne pas voir que le gouvernement, par ces mesures, rend impossible toute avancée sur deux chantiers pourtant prioritaires : la redéfinition du travail et des missions des enseignants et l’éducation à l’orientation des lycéens.
Le projet de budget (MEN)
Rappel : la question des décharges
Rappel : les audits