« Aujourd’hui il y a aussi un débat sur la carte scolaire. C’est un débat légitime… Pour ma part, je suis profondément attaché au principe de mixité sociale. C’est un gage de cohésion de notre pays… La suppression totale de la carte scolaire ne me paraît pas la bonne solution : elle conduirait inévitablement tous les parents à vouloir inscrire leurs enfants dans les mêmes établissements. Comment ferait-on alors le choix entre les enfants ? Sur la base de quels critères ? On courrait le risque de l’arbitraire. Je préfère avancer dans deux voies pragmatiques : améliorer le niveau des établissements les plus en difficulté comme nous le faisons avec les collèges « ambition-réussite » ; assouplir les règles de la carte scolaire… Vous le voyez, je suis pour une carte scolaire aménagée… Cet aménagement ne peut se faire qu’en concertation étroite avec tous les acteurs du système éducatif ». S’exprimant à Thionville 8 septembre, le premier ministre a annoncé le lancement d’une concertation sur la carte scolaire « dans les prochaines semaines ».
L’initiative fait suite aux déclarations de N. Sarkozy et S. Royal. Aussi, pour les associations de parents apparaît-elle comme une manoeuvre pré-électorale. La Peep estime cependant qu’il « faut réellement traiter ce problème, peut-être en l’assouplissant ». La Fcpe « rappelle son refus de voir instaurer une concurrence scolaire hasardeuse… Supprimer la sectorisation aurait immanquablement pour conséquence de créer une véritable désorganisation du système éducatif et du territoire ».
Les syndicats accueillent négativement la proposition. Le Snpden, qui représente les chefs d’établissement annonce qu’il ne négociera que « si la base des discussions, ce n’est pas la suppression mais une ouverture de la carte ». Pour l’Unsa-éducation, selon l’AFP, « on essaie de vendre aux parents un principe de libertés alors qu’on va créer plus d’inégalités ». Pour le secrétaire général de la FSU, » la question de la carte scolaire ne peut pas se régler uniquement à travers la question de l’Ecole parce que cela renvoie à toute la politique de la ville, du logement social: quand on a des ghettos urbains, on a aussi des ghettos scolaires ».
Dans Le Monde, les sociologues François Dubet et Marie Duru-Bellat estiment qu’il « n’y a pas à être scandalisé par la remise en question de la carte scolaire et l’on peut même se féliciter que les réalités s’imposent pour une fois aux slogans et aux principes que les pratiques trahissent tous les jours ». Mais ils soulignent les risques de creusement des inégalités. « Il ne suffit pas de dénoncer la carte scolaire pour proposer une politique et, plus encore, une politique plus juste que celle que l’on condamne. La seule suppression de la carte scolaire serait probablement un remède pire que le mal. En effet, on imagine aisément que, comme sur n’importe quel marché, les acteurs ayant le plus de ressources et d’informations s’en tireront nettement mieux que les autres et que, une fois encore, les plus démunis auront moins de choix, moins d’opportunités et moins encore de chances de réussir dans l’école. D’ailleurs les pays qui ont choisi cette solution de « rupture » ont vu les inégalités s’accroître, et s’accroître aussi la délinquance, la marginalité, les fossés entre les groupes sociaux et les cultures ».
Peut-on lutter contre ce mouvement ? Les spécialistes chiffrent avec l’aggravation de la ghettoïsation sociale, l’écart des résultats scolaires entre les zep et les autres. Cette réalité rend inévitable le sauve-qui-peut des familles. Les géographes observent la fragmentation croissante de nos villes qui va de pair avec la ségrégation sociale. Les aides publiques elles-mêmes poussent les ménages à quitter la ville pour s’installer dans un pavillon en grande banlieue. Le plan type des lotissements actuels vise à les isoler de la circulation de passage : ses rues sont souvent des impasses. Les quartiers clos se multiplient en Ile-de-France et dans le sud du pays à l’image des « gated communities » américaines. Ce mouvement spontané nous dit à quel point notre société fuit l’urbanité et ce qu’elle implique comme brassage social. L’objectif de la mixité sociale semble s’éloigner chaque jour. Le débat sur la carte scolaire a au moins l’avantage de poser la question du tissu social dans le débat politique.
Sans perspective de ce côté, la réponse à un assouplissement de la carte scolaire ne peut se trouver que dans un effort d’égalité, c’est-à-dire des moyens supplémentaires pour les zep. C’est la condition préalable à tout assouplissement de la carte scolaire.
Finalement, la première victime de ce débat pourrait bien être le ministre de l’éducation nationale. Car ce qui est mis en évidence c’est l’insuffisance de la politique d’éducation prioritaire du gouvernement. Quelques jours après de fracassantes déclarations sur la « relance » des Zep, G. de Robien est invité à revoir sa copie.
Discours du premier ministre
Francois Dubet et Marie Duru-Bellat
Communiqué Fcpe