Cinq ans après sa mise en place, le nouveau programme de mathématiques de la série S semble avoir accru le pessimisme des enseignants et le découragement des élèves. Au risque de réduire le flux vers les filières scientifiques.
« L’évolution est bien engagée, assez bien acceptée, mais il reste encore beaucoup d’efforts à accomplir ». Le rapport des inspecteurs généraux Jean Moussa et Xavier Sorbe ne cache pas les difficultés rencontrées dans l’application des nouveaux programmes de la série S, lancés en 2000-2001. L’évolution concerne directement le bac S, où les épreuves ont été renouvelées à partir de 2003 et l’orientation vers les filières scientifiques.
Pour l’Inspection, « en règle générale, la mise en place des nouveaux programmes est effective. La très grande majorité des enseignants a accompli avec conscience les efforts nécessaires à leur mise en place ». Ce sont les nouveaux modes d’évaluation qui focalisent les résistances. Si les banques d’exercice sont bien utilisées, les QCM suscitent de fortes réserves : « l’opinion très réservée de nombreux enseignants relativement à ces dispositifs doit certainement être reliée avec leur réticence à s’aventurer dans le champ des questions ouvertes : ils n’apprécient pas volontiers de laisser l’élève libre, dans le secret de son raisonnement, de préparer sa réponse finale qui apparaîtra sans que son cheminement ne soit visible. Et la réponse juste peut être le résultat d’un raisonnement faux : être mis dans l’incapacité d’empêcher ces réponses justes ainsi « indûment » gagnées, comme celle de détecter des réponses données au hasard, gêne nombre de professeurs ».
La « restitution organisée de connaissances » (ROC) n’échappe pas à la critique : les enseignants ne s’opposent pas au par coeur mais semblent avoir du mal à distinguer ce qui pourrait faire l’objet d’une ROC. Sur les questions ouvertes, « l’attitude des enseignants est parfois craintive » : 58% d’entre eux ne les utilisent jamais en contrôle.
Mais, pour les auteurs, les nouveaux programmes sont aussi l’occasion d’un renforcement de la sélection. » En S comme en ES, les élèves ayant choisi la spécialité mathématiques obtiennent toujours dans les exercices communs des résultats nettement supérieurs à ceux ayant choisi une autre spécialité » ce qui signe le fait que seuls les élèves très à l’aise en maths prennent cette spécialité. Pour les autres, « ces moyennes relativement basses par rapport à celles qu’obtiennent les candidats dans d’autres disciplines ont sans doute pour effet de faire apparaître les mathématiques comme une discipline exigeante et particulièrement difficile. Il nous faut nous interroger pour l’avenir proche : une telle image est-elle nécessaire, ou bien convient-il de faire en sorte que cette tendance ne se poursuive pas ? »
L’adoption des nouveaux programmes semble avoir rendu plus difficile l’adaptation des élèves en 1ère S. » L’articulation entre la seconde de détermination et la première S se fait donc dans de moins bonnes conditions, car les programmes de seconde n’étant pas en général traités de manière suffisamment différenciée, les élèves entrant en première S se trouvent peu préparés à un accroissement subit et important des exigences… Les facteurs les plus souvent cités par les enseignants concernent les élèves. D’une part, il est communément rapporté qu’ils ne savent plus effectuer des calculs élémentaires, que les connaissances de base sont mal assurées, quand elles ne manquent pas purement et simplement. D’autre part, la difficulté à « mettre les élèves au travail » est généralement avancée à l’appui de ce discours. Ces deux facteurs, souvent joints, peuvent chez certains professeurs se conjuguer pour soutenir un discours résolument pessimiste ».
Un pessimisme qui pourrait gagner les élèves. On sait que l’enseignement supérieur scientifique perd des étudiants (-18% depuis 1998). Les nouveaux programmes introduisent une nouvelle approche que l’on retrouve dans les rapports, plus récents, Charvet, Rolland et Blandin Renard. Tous plaident pour l’interdisciplinarité et le renforcement de l’expérimentation dans les disciplines scientifiques.
L’étude
Rappel : le rapport Rolland