20 ans de décentralisation – Du transfert des lycées aux projets régionaux pour la jeunesse
L’association des régions de France (ARF) organisait les 7 et 8 juin à Lille une importante manifestation sur le thème » Les jeunes et leur région « , à l’occasion de l’anniversaire de la loi de décentralisation qui confiait, il y a 20 ans, d’importantes responsabilités aux Régions et aux Départements dans le domaine de l’éducation.
Le Café pédagogique avait été sollicité pour organiser et animer un forum intitulé : « La culture numérique des enseignants et des établissements scolaires. »
En 20 ans, les Régions ont consacré des budgets importants à l’équipement informatique et à la mise en réseau des établissements d’enseignement. Pourtant, les usages pédagogiques des TIC peinent à progresser, alors même que toutes les études montrent que les enseignants sont bien accoutumés à ces technologies, à titre personnel, voire professionnel (mais hors de la classe). Comment les Régions, sans empiéter sur le terrain pédagogique, peuvent-elles faciliter le changement dans les établissements ? Quel dialogue instaurer avec les équipes pédagogiques pour optimiser l’utilisation des équipements payés par les Régions ?
Lille – Photo José Dhers – Prisme |
Ces questions étaient proposées, d’une part à des enseignants de l’Académie, trois professeurs d’Histoire-Géographie, Caroline Jouneau Sion, professeur au collège Germinal de Raismes et Présidente des Clionautes ( http://www.clionautes.org/ ), Pascale Ricaux et Désiré Hochedez, professeurs au lycée Châtelet à Douai ; d’autre part à des représentants des collectivités : Claudine Barthelemy, vice-Présidente du Conseil régional de Lorraine, François Schuller, chef du projet Prisme (ENT porté conjointement par les départements, la région Lorraine et le Rectorat) et Nicolas Chung chargé des questions de TIC, d’éducation et d’enseignement supérieur à l’ARF.
Pourquoi les enseignants éprouvent-ils des difficultés à utiliser les ordinateurs avec leurs classes ? Parce que c’est difficile, tout simplement ! Et pourquoi est-ce difficile ? Principalement pour des raisons d’ordre technique. Pascale utilise depuis plusieurs années un ordinateur personnel, un Mac, modèle qu’elle a choisi parce qu’il est réputé facile d’emploi. Mais dans la salle informatique de son lycée, elle a évidemment affaire à un ensemble de PC en réseau, ce qui complique sérieusement les choses. Elle craint les pannes, l’accès Internet défaillant, des imprévus auxquels elle ne saurait pas faire face. Au final, en une année, elle ne se rend en salle informatique avec ses élèves qu’une ou deux fois. Désiré le fait plus souvent mais il regrette que les lycéens eux-même n’aient pas davantage l’occasion et la possibilité d’utiliser les fonctions du réseau pédagogique, par exemple parce que s’ils y enregistrent leurs fichiers de travail, ils ne peuvent pas y accéder lorsqu’ils sont à l’extérieur de l’établissement.
C’est précisément cet obstacle que l’ENT vise à surmonter lui font remarquer les porteurs du projet Prisme-Lorraine : donner accès aux ressources de l’établissement de l’intérieur comme de l’extérieur, que l’on soit enseignant, élève ou parent. Pour tout savoir sur ce projet, pionnier des ENT régionaux, il faut se rendre ici :
http://www.prisme-lorraine.net/
Des postes informatiques, des ENT, des accès réseau à haut-débit. Que manque-t-il encore ? Des ressources multimédias ! Voici donc celles que proposent France 5 et le CNDP, une collection de films vidéos, libérés de droit, couvrant les besoins du programme des collèges et des lycées dans plusieurs disciplines. A voir ici :
http://www.lesite.tv/
Que manque-t-il encore ? La formation des enseignants ! Pour Caroline, la formation des professeurs peut se faire sur place, dans l’établissement, les professeurs les plus à l’aise ou les plus expérimentés formant et conseillant leurs collègues, à l’occasion de courtes sessions en petits groupes. C’est ce qui se pratique avec succès depuis plusieurs années dans son collège de Raismes. Dans le mien aussi dit le Proviseur d’un lycée professionnel présent dans la salle et dont l’établissement dispose pour cette formation interne de moyens importants : deux demi-postes. L’enseignement est en soi un métier anxiogène rappelle-t-il ; si les TIC ajoutent de l’anxiété, elles échouent. Pour l’éviter, il faut des enseignants formés, préparés, accompagnés et des équipements qui fonctionnent bien. Et pour cela, il manque une dernière pièce à l’édifice : la maintenance.
Philippe Meirieu et Jean-Louis Auduc à Lille – Photo José Dhers |
Mais qui a compétence dans ce domaine qui se trouve aujourd’hui au centre des préoccupations de tous les acteurs ? L’Etat ou la Région ? Pour en avoir le cœur net, l’ARF a posé la question il y a quelques mois au ministère de l’Education nationale. C’est nous, a répondu le ministère ! Curieuse réponse puisque l’informatique pédagogique des lycées est, de toute évidence, depuis 1986, un domaine partagé. Et puisque la loi n’est pas explicite sur la question de la maintenance (elle ne l’est pas non plus sur celle des ressources) et que les moyens des Académies ne sont pas en excédent, pourquoi ne pas s’entendre sur une répartition équitable des efforts ? D’autant que les Régions qui se désolent de constater que les équipements dont elles dotent les lycées ou dont les lycées se dotent avec les moyens qu’elles leur allouent, sont prêtes à s’engager auprès des services académiques.
Certaines le font, c’est en particulier le cas de la Lorraine qui a mis en place un centre d’appel géré conjointement avec le Rectorat. C’est également le cas de la Région Centre représenté dans la salle par son vice-Président, François Bonneau, qui achève la mise en place d’un service de télémaintenance des serveurs pédagogiques des lycées et qu’elle espère étendre dans les prochaines années aux postes de travail.
En moins de deux heures, nous avons eu l’impression de faire le tour de la question. La solution nous a paru à portée de main. Illusion peut-être. Mais tout de même, lorsque les partenaires s’entendent, qu’ils partagent la même analyse, tous les espoirs sont permis.
Serge Pouts-Lajus