Bibliographie
Signataire de la pétition du 12 décembre demandant l’abrogation de toutes les lois qui encadrent le travail de l’historien (loi du 29 janvier 2001 sur la reconnaissance du génocide arménien, loi du 21 mai 2001 reconnaissant la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité, loi du 13 juillet 1990 punissant le négationnisme), René Rémond s’en explique dans cet entretien avec François Azouvi.
Il situe sa position comme un combat pour la liberté de l’historien. « Si j’ai signé la pétition du 12 décembre, c’est parce que la vérité même est en jeu dans cette affaire et qu’on ne saurait transiger à ce sujet. Si on persévère dans cette façon de faire, c’est la mort d’une recherche historique objective ». Certes, « l’histoire appartient à tous… Les historiens… ont à rendre des comptes ». Mais « toute discipline demande un minimum de compétence… Les parlementaires ne se prononceront pas sur la mécanique des fluides. Pourquoi en irait-il différemment pour l’histoire si ce n’est qu’à son propos chacun se croit autorisé à avoir une opinion ? ».
René Rémond dénonce la prétention des politiques à régir l’histoire. « Le législateur a assurément le droit de porter des jugements sur l’histoire. Ce qui nous paraît discutable est qu’il le fasse sous la forme de lois qui emportent des conséquences irrémédiables ». Si l’Etat « ne peut laisser les enseignants libres de choisir l’histoire qu’ils entendent transmettre », les parlementaires n’ont pas compétence pour définir les programmes scolaires.
Mais René Rémond va plus loin en critiquant le principe même des lois mémorielles en qui il voit une menace pour l’unité nationale et une déviation du politique. « Ces demandes s’inscrivent dans un mouvement de longue durée qui vise à réécrire l’histoire en fonction des minorités oubliées… Cette aspiration n’est pas totalement négative. Leur aspiration ne s’affirme pas délibérément contre l’unité nationale… Mais sur le plan juridique, ce processus est éminemment discutable, car il aboutit à une série de lois particulières… C’est l’amorce du démembrement de la législation. Le risque n’est pas mince que chacune des composantes de la société réclame une loi pour elle… Ce mouvement… est en contradiction avec notre culture politique héritée de la Révolution ».
L’ouvrage de René Rémond nous renvoie donc aux fondements de notre culture nationale en nous faisant réfléchir aux universel de l’histoire. Reste que l’abolition des lois mémorielles serait aussi un signal clair envoyé aux racistes et aux antisémites.
René Rémond, Quand l’Etat se mêle de l’Histoire, Entretiens avec François Azouvi, Paris, Stock, 2006, 110 p.
Sur ce sujet :
Le dossier spécial du Café
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/schumaines/histoire/Pages/2006/69_accueil.aspx
Le site du Comité de Vigilance face aux Usages publics de l’Histoire
http://cvuh.free.fr/manifeste.html
Enseigner la mémoire ? Problématique et enjeux de mémoire, un important dossier par Jean-Pierre HUSSON
http://www.crdp-reims.fr/memoire/enseigner/default.htm