« Des textes de niveaux juridiques différents se conjuguent avec des pratiques non (ou mal) contrôlées et profuses dont le rapport avec l’acte d’enseigner, même apprécié selon une approche large est, dans certains cas, soit distendu soit inexistant…. La complexité actuelle est le produit de l’empilement de textes successifs plus ou moins cohérents entre eux ». Rédigé par Pierre Lepetit (IG Finances), Franck Avice (Finances) et Pierre Renaudineau (IGAEN), le « rapport sur les décharges statutaires des enseignants du second degré » demande tout simplement leur abrogation.
Sont visées par le rapport la totalité des décharges horaires du second degré : heures de première chaire en lycée et pondérations de STS en lycée, associations sportives, coordination CCPN, heures de laboratoire, coordination EPS, etc. L’ensemble représente 518 000 heures, soit 1,6 milliard et 28 192 équivalents temps plein.
Pour les auteurs, ces décharges ne sont pas contrôlées, s’appuient sur des textes fragiles légalement et ne sont pas justifiées par l’évolution du système éducatif. Ainsi, » avec l’ouverture très large de l’enseignement du second degré depuis la fin des années soixante à des publics nouveaux, socialement et culturellement moins favorisés que ceux du lycée d’antan, les défis pédagogiques à relever et l’obligation de résultat assignée aux enseignants ne se concentrent plus dans la phase ultime de la scolarité secondaire : les difficultés à surmonter se rencontrent, pour les élèves comme pour les professeurs, tout au long de celle-ci » et, par conséquent l’heure de première chaire n’est pas légitime. Pour la pondération en STS, » le régime dont bénéficient les enseignants dans les sections de techniciens supérieurs (STS) trouve sa justification initiale dans le travail supplémentaire demandé aux enseignants du fait du public de ces classes. Cependant, le dispositif ne tient pas compte de la durée réelle de la période d’enseignement. En effet, l’année scolaire (36 semaines) est amputée, en premier lieu, du fait des examens qui sont organisés tout au long du mois de mai et, en second lieu, par les stages des étudiants d’une durée moyenne autour de huit semaines (quatre à seize semaines selon les spécialités) ». Les heures d’animation d’association sportive « ne recouvrent pas toutes une activité réelle ou suffisante » ce qui justifie leur suppression.
Le rapport demande « la rénovation du système des décharges de service pour en faire un instrument souple de gestion des ressources humaines au service des projets des académies et des établissements ». Ils souhaitent le transfert des moyens pour de nouvelles tâches : coordination disciplinaire, soutien aux IPR, formation des enseignants, utilisation des TICE, aide aux élèves. En clair, la suppression des décharges pourrait financer le déploiement des PPRE, augmenter les moyens de l’administration pédagogique de l’éducation nationale et donner un nouveau levier aux chefs d’établissement qui pourraient répartir librement « en vertu de leurs priorités » un contingent annuel subsidiaire d’heures de décharge. Le rapport estime que la suppression des décharges ne donnerait pas un gain immédiat de 100% mais qu’elle pourrait « créer des surnombres dans un système déjà saturé en ressources enseignantes » et qu’elle « entraînerait une perte de rémunération pour les enseignants concernés » évaluée à 1480 euros. Les rapporteurs estiment que le gain immédiat pourrait être de 40% soit 11 880 postes récupérés.
Le Café avait attiré l’attention sur ce rapport dans L’Expresso du 22 avril, à un moment où seul son résumé circulait. Ce n’est pas seulement la publication du rapport et la campagne médiatique qui l’entoure qui justifient que nous revenions sur cette information.
C’est d’abord la réaction du ministre et le calendrier. Le ministère, « estime souhaitable que la mise en oeuvre de certaines des pistes d’évolution du dispositif évoquées par la mission d’inspection fasse assez rapidement l’objet de discussions avec les organisations représentatives des personnels enseignants et des chefs d’établissements ». L’application de ce rapport d’audit est prévue pour la rentrée 2007.
C’est ensuite qu’il renvoie à une volonté affirmée de la majorité actuelle de réduire d’environ un quart la dépense d’éducation dans le secondaire. Elle a été clairement affichée lors de la discussion sur la loi Fillon (qui envisageait déjà dans son annexe annulée la suppression des décharges) et régulièrement renouvelée depuis. Pour atteindre ce but il n’y a que 4 moyens : réduire les salaires des enseignants, diminuer le temps scolaire, retirer de la formation de base certaines disciplines et augmenter le temps de travail. Les deux premières solutions sont déjà effectives : l’Ocde souligne la faiblesse des salaires des enseignants et leur perte de pouvoir d’achat, les horaires des 5èmes et 4èmes viennent d’être réduits d’une demi-heure pour raison comptable. La publication, peut-être cette semaine, des décrets sur le socle commun amorcera-t-elle la troisième voie ?
Le rapport (pdf)
Rappel : L’Expresso du 22 avril