« Comment dire ? Comment faire ? Quelles pratiques pour enseigner des questions sensibles dans une société en évolution ?» Ce séminaire européen, tenu les 14 et 15 décembre, aborde une question importante des pratiques enseignantes : les difficultés à traiter certains sujets avec les élèves. L’académie de Lille et celle d’Aix Marseille (site Lettres Histoire) offrent chacune de précieux comptes-rendus de l’événement.
Ainsi une enquête de l’Aphg, révélée lors du séminaire, trace une géographie du phénomène : les régions de l’est, et particulièrement Aix-Marseille et Strasbourg, sont plus sujettes à des incidents que l’ouest. Cinq thèmes semblent poser problème : le fait religieux, confondu avec le catéchisme, la deuxième guerre mondiale, qui provoque des réactions antisémites, le Proche Orient, pour la même raison, les Etats-Unis, qui réveille un antiaméricanisme galopant, et la colonisation. Pour l’Aphg, « les professeurs ne doivent pas céder » et doivent maintenir le programme. Ils doivent lutter contre l’ignorance, éveiller l’esprit critique, ne pas hésiter à faire appel à des témoins.
Au-delà des conseils, comment faire ? Une table ronde sur la Shoah et des ateliers sur la Shoah, la colonisation, l’esclavage ont ouvert des pistes intéressantes. Le site académique provençal rend compte de chaque atelier avec précision et concision. Le Beffroi, la revue académique lilloise, met enligne des comptes rendus et attire l’attention sur des ressources en ligne. On en extrait cette citation de Marc Bloch (cité lui-même par A. Kaspi) : « Certains, estimant que les faits les plus voisins de nous sont par là même rebelles à toute étude vraiment sereine, souhaitent seulement épargner à la chaste Clio de trop brûlants contacts. Ainsi pensait, j’imagine, mon vieux maître. C’est, assurément, nous prêter une faible maîtrise de nos nerfs. C’est aussi oublier que, dès que les résonances sentimentales entrent en jeu, la limite entre l’actuel et l’inactuel est loin de se régler nécessairement sur la mesure mathématique d’un intervalle de temps. Avait il si tort, mon brave proviseur qui, dans le lycée languedocien où je fis mes premières armes de professeur, m’avertissait de sa grosse voix de capitaine d’enseignement : “Ici, le dix neuvième siècle, ce n’est pas bien dangereux. Mais quand vous toucherez aux guerres de religion, soyez très prudent. » Ajoutons Seignobos : « il est très utile de poser des questions mais dangereux d’y répondre ». Cela rentre pourtant dans le vécu des professeurs de banlieue.
http://www4.ac-lille.fr/~heg/article.php3?id_article=183
http://www.lettres-histoire.ac-aix-marseille.fr/www/Docs/Enseignerlesquestionssensibles.doc