« La principale conclusion de cette étude est que des politiques réalistes de ciblage des moyens peuvent avoir un impact considérable sur la réduction des inégalités scolaires, mais que ces politiques gagneraient probablement à se concentrer sur les plus jeunes élèves. Il est sans doute illusoire de prétendre utiliser de telles politiques pour corriger les inégalités accumulées à l’âge de l’adolescence, âge pour lequel d’autres types de politiques sont probablement plus adaptés (comme par exemple des dispositifs d’admission préférentielle dans les filières sélectives du supérieur pour les élèves issus de lycées défavorisés). En revanche, pour ce qui est du primaire, et dans une certaine mesure du collège, nos résultats indiquent que la relative modestie des politiques de ciblage des moyens en faveur des écoles et collèges défavorisées actuellement en vigueur en France peut difficilement se justifier par l’idée selon laquelle de telles politiques ne marchent pas ». Publiée dans les Dossiers de la DEP, cette étude de Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire reprend des analyses déjà connues.
Elle contredit la position officielle du ministère selon laquelle la réduction du nombre d’élèves est inefficace. La loi Fillon ne prévoit d’ailleurs qu’un accompagnement personnalisé » des élèves en difficulté. En se basant sur l’analyse des discontinuités liées au franchissement des seuils d’ouverture de classes, l’analyse de T. Piketty montre qu’un effort significatif en faveur des Zep peut être payant. « Pour ce qui concerne le primaire, nous mettons en évidence l’existence d’un impact positif important des tailles de classes réduites sur la réussite scolaire… Nous estimons par exemple qu’une réduction d’un élève de la taille de classe de CE1 conduit à une augmentation d’environ 0,3- 0,4 points du score moyen obtenu aux épreuves d’évaluation de mathématiques de début de CE2, et d’au moins 0,7 point lorsque l’on se concentre sur des sous échantillons d’élèves socialement défavorisés… D’après nos estimations, la suppression de la légère politique de ciblage des moyens qui existe actuellement en faveur des écoles classées en ZEP (la taille moyenne des classes de CE1 est en 2003-2004 d’environ 20,9 en ZEP, contre 22,8 hors ZEP) conduirait à une progression d’environ 14% de l’écart entre les scores moyens obtenus en ZEP et hors ZEP aux évaluations de mathématiques de début de CE2 (écart qui est d’environ 9 points, ce qui est considérable). Surtout, des simulations simples indiquent que cet écart pourrait être réduit d’environ 46% si l’on mettait en place une politique de ciblage des moyens forte (mais pas irréaliste), avec une taille de classe moyenne réduite de 5 élèves supplémentaires en ZEP, pour un nombre total d’enseignants inchangé et donc des moyens constants au niveau national (ce qui conduirait en CE1 à une taille moyenne des classes d’environ 15,9 en ZEP et 24,1 hors ZEP). La diminution des scores obtenus hors ZEP entraînée par une telle politique serait d’autant plus limitée que nos estimations indiquent un impact de la taille des classes est nettement moins important pour les enfants socialement favorisés ».
Publiée une première fois en 2004, cette recherche de T. Piketty avait été contredite par une autre étude de la Dep (ministère) en avril 2005. Celle-ci concluait : « une réduction de la taille des classes des CP est, à elle seule, d’un intérêt pratiquement nul. En effet, consacrer des moyens (importants) à cette diminution pour n’obtenir qu’un léger avantage en termes d’acquis en fin de CP, avantage qui disparaît ensuite,et n’en tirer aucun bénéfice indirect en termes de baisse des redoublements…apparaît peu efficace ». Denis Meuret a également critiqué la thèse de Piketty sur sa méthodologie. Cette nouvelle publication de T.Piketty est faite au moment où l’enseignement prioritaire est menacé d’importantes réductions de moyens.
Dossier de la Dep
Rappel Expresso du 22/04/05