« Pour bien comprendre ce qui se passe depuis décembre 2005, il importe de comprendre au prime abord que la lecture dont parle le ministre n’est pas la lecture au sens où l’entendent les enseignants, les formateurs ou les chercheurs, mais bien l’idéologie de la lecture, c’est-à-dire les idées que l’on peut avoir à son sujet, indépendamment des faits pédagogiques ou scientifiques. Dans l’idéologie les faits ne comptent pas – à la différence des pratiques professionnelles ou de la recherche – ce qui compte c’est les idées. Le débat ainsi ouvert est donc un débat d’idées, un débat qui n’a rien à voir avec les faits, mais plutôt avec les valeurs et les intérêts de ceux qui défendent ces idées. Ainsi, par exemple, le fait que dans la réalité des classes aujourd’hui il n’y ait ni méthode globale ni méthode syllabique importe peu. Ce qui importe est de mobiliser une fraction de l’opinion contre l’autre. En d’autres termes, le champ de la lecture dans lequel nous place le discours du ministre est un champ de bataille idéologique. La lecture est transformée en objet politique. C’est dans ce champ, plutôt que dans le champ technique ou scientifique qui est le nôtre, que nous nous placerons donc pour analyser comment le retour au b, a, ba est devenu une question d’actualité ». Sur le site d’Education et Devenir, Jacques Fijalkow, Université de Toulouse-le Mirail, analyse le discours ministériel et le situe dans un mouvement plus ample : celui d’un nouveau conservatisme qui, s’appuyant sur un tissu associatif et politique, investit l’Ecole.
« La thèse que nous soutenons est qu’il existe un courant de recherche, positiviste et mécaniciste, qui, prenant modèle sur la biologie en tant que science et sur la médecine en tant que pratique, a envahi de façon massive les universités puis les sphères décisionnelles de l’Éducation nationale. C’est de ce même courant qu’émanent les rapports de l’INSERM relatifs aux psychothérapies et aux troubles de la conduite enfantine, qui ont suscité maints débats parallèles à celui qui nous occupe ici. L’offensive dont la lecture fait l’objet n’est donc qu’un cas particulier dans un combat qui, sur d’autres fronts – psychothérapies, prévention de la délinquance – tentent de faire reculer l’Éducation des lieux qui lui sont réservés pour y implanter des structures et des pratiques relevant de la Santé ». Un texte à découvrir pour comprendre les enjeux du débat sur la lecture.
Article de J. Fijalkow
Rappel : le dossier Lecture du Café