La révolution technologique appliquée à l’information et à la communication permet d’accéder à plus de connaissances pour un public plus nombreux. Toujours plus abondante et accessible par des moyens toujours plus performants, la mise à disposition de l’information est un facteur marquant des transformations de notre société du 21 siècle. Certes nous devons nous efforcer de réduire les fractures numériques ainsi que toutes les contraintes qui font que tous n’ont pas le même accès à l’information numérique à l’échelle planétaire, mais là où ce rapport de lUNESCO intervient est bien au-delà de ces constatations. Donner accès oui, mais aussi nous poser la question de savoir comment la transformer en savoir, comment la maîtriser. Plus que la société de l’information nous sommes dans des sociétés apprenantes. «Société apprenante» car nous sommes dans un nouveau type de société où « l’ acquisition des savoirs ne s’arrête ni aux murs des institutions éducatives (dans l’espace) ni à la fin de la formation initiale (dans le temps) » [p. 57]. C’est pourquoi la mutation des technologies induit celle des apprentissages. Le savoir de plus en plus accessible ne doit plus être le fondement de l’école, mais bien comment se l’approprier tout au long de sa vie.
Apprendre à apprendre
Il importe donc de donner, lors de la formation initiale, les moyens aux citoyens d’une réelle autonomie dans l’acquisition des savoirs. « Puisque l’accélération des progrès techniques rend de plus en plus rapide l’obsolescence des compétences, il convient, dans ces différentes sphères du savoir [les savoirs descriptifs (faits et informations), les savoirs de procédure (qui portent sur les « comment »), les savoirs explicatifs (qui visent à répondre à la question « pourquoi ? ») et les savoirs comportementaux.] (p. 60), d’encourager l’acquisition de mécanismes d’apprentissage souples, au lieu d’imposer un corps de connaissances bien défini. Apprendre à apprendre, cela signifie apprendre à réfléchir, à douter, à s’adapter le plus rapidement possible, à savoir questionner son héritage culturel tout en respectant les consensus : tel est le socle sur lequel reposeront dans l’avenir les sociétés du savoir. ». Chacun pouvant être d’ailleurs consommateur ou/et producteur ce qui fait de la société du savoir une société de type collaboratif (voir l’importance des réseaux).
Ces sociétés du 21ème siècle se développent sur la base de la valorisation des savoirs -indispensable dans l’acte d’innovation. Cette culture de l’innovation prend en compte une formation, formation qui devient périssable. Périssable donc à réactualiser constamment et le plus souvent, au cours de sa carrière professionnelle, seul ou en formation continue. L’accent est alors mis sur la nécessité de « repenser, à l’aune de ces découvertes, les démarches sociales liées à la production et à la transmission du savoir -l’éducation, bien-sûr, mais aussi la diffusion publique des connaissances-, tout comme les supports matériels de leur pratique : livre, voix et écrans » [p. 61]. Les disciplines devront être repensées et le travail doit se faire en termes de compétences nécessaires à acquérir. Cette façon de penser remet en cause outre la définition des disciplines, mais aussi leur hiérarchie et modalités de transmission (cours magistraux). Une des conséquences est donc aussi de repenser l’évaluation.
Rôle des bibliothèques
La première condition est celle de l’alphabétisation. Elle en est à la base, mais elle ne sera plus suffisante. Cette transformation des apprentissages dans la société de l’information doit intégrer des transformations plus insidieuses comme celle de la lecture : la métamorphose des supports de connaissances implique d’autres repères à acquérir premièrement dans la lecture, mais aussi en terme de sélection des informations et d’assimilation »La bibliothèque, qu’elle soit spécialisée ou généraliste, de plus en plus souvent partagée entre un lieu physique et un espace virtuel, entre l’imprimé et l’écran, va désormais devoir assurer sont travail sur une masse documentaire considérable » [p. 66]. Son activité d’archivage se complexifie, mais sa mission de réduction de la fracture numérique, de la mission d’accueil du public et de la gratuité sont à défendre. La gratuité de l’information n’est pas possible. Le coût sera bel et bien exponentiel, parallèle à la masse disponible. Afin d’en assurer ses missions, il faudra multiplier les coopérations et les rapprochements. Mais il faudra aussi intégrer dans les apprentissages une méthodologie à l’exploitation documentaire en bibliothèque. « La capacité à tirer le meilleur parti d’une bibliothèque a toujours nécessité un apprentissage, parfois formel, mais très souvent informel, par la fréquentation du lieu et la familiarisation progressive avec les outils bibliographiques. Autrement dit, la bibliothèque est depuis longtemps un lieu où l’on apprend à apprendre et où s’élabore la transformation de l’information en savoir. Dans des sociétés apprenantes qui reposent sur l’apprentissage tout au long de la vie, les bibliothèques doivent promouvoir et faciliter l’apprentissage à tous les niveaux. […] Elles peuvent considérablement faciliter des parcours d’apprentissage qui s’individualisent. Les réseaux de stockage, qui ouvrent la perspective d’espaces de stockage virtuel permettant notamment un stockage à la demande, joueront un grand rôle dans le développement de l’autodidaxie. Du bibliobus au grand complexe architectural contemporain, la bibliothèque restera un pilier de la circulation sociale des savoirs et un facteur de vitalité pour les réseaux d’apprentissage. N’est-elle pas, avec ses fonctions cognitives et évolutives, le paradigme de l’organisation apprenante ? »[p. 68].
Dématérialisation des lieux d’apprentissage
Lieux de savoir et lieux d’apprentissages, les bibliothèques peuvent être le point de départ des nécessaires formations à l’exploitation du réseau Internet. L’e-learning en est une conséquence. Il permet d’assurer un suivi individualisé mais nécessite des développements. Ils sont à favoriser. Au-delà des offres institutionnelles, l’Internet tend à devenir le média privilégié de l’autodidaxie en fournissant des outils à l’apprentissage informel et en permettant de constituer des clases virtuelles » [p. 85]. L’éducation de base pour tous est une priorité. Les moyens de la mettre en oeuvre se multiplient et il faut savoir les exploiter, les développer à cette fin d’accès de tous au savoir tout au long de la vie. Développer le partage et la coopération en matière de savoir est indispensable. Le développement et l’accès de tous aux nouvelles technologies est une condition nécessaire pour y parvenir, tout en préservant les savoirs autochtones et la diversité linguistique (attention à la globalisation).
Ce rapport de l’UNESCO ne se concentre pas uniquement sur ces questions fondamentales liées à la transformation des sociétés en sociétés apprenantes. La réflexion se poursuit à travers d’autres chapitres, tels que l’éducation tout au long de la vie, l’avenir de l’enseignement supérieur, la place de la recherche, les sciences, les risques, les savoirs locaux et autochtones, la fracture cognitive au partage du savoir, les femmes et dans les société dus savoir, la protection et le partage de la propriété intellectuelle, le renouveau des espaces publics démocratiques.
Un rapport à lire pour intégrer certains points dans nos pratiques d’enseignants.
Blandine Raoul-Réa
Bindé, Jérôme (dir. de publication). Rapport mondial de l’UNESCO : Vers les sociétés du savoir. Unesco, 2005. (Ouvrages de référence de l’UNESCO)
237 p. Isbn : 92-3-204000-X.
http://www.unesco.org/publications