« Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas une surprise. J’y vois l’exacte répétition du mouvement contre le contrat d’insertion professionnelle (CIP) d’Édouard Balladur en 1994. Les étudiants ne voulaient pas alors du « smic jeunes ». Ils disent non au CPE dans les mêmes termes. La précarité est devenue au fil des années le mode d’entrée ordinaire dans le monde du travail. Avec le CPE, une étape supplémentaire est franchie car ce nouveau contrat reconnaît officiellement une précarité qui s’est déjà installée dans la pratique ». Dans La Croix, Michel Fize, Georges Felouzis et Bernard Roudet analysent le mouvement anti-CPE.
Selon Michel Fize, « Les jeunes sont plus sensibles à la flexibilité. Ils n’envisagent pas d’exercer toute leur vie le même emploi dans la même entreprise. Mais il ne faut pas confondre cette flexibilité admise avec la précarité ».
Pour Georges Felouzis « la jeunesse est fragmentée. D’un côté, on trouve celle des universités, potentiellement diplômée, qui lutte actuellement contre le CPE. Ces étudiants bénéficient d’une visibilité sociale, ils ont une capacité collective à s’organiser et à se faire entendre. De l’autre, et notamment dans les cités, vit une jeunesse plus précaire, faiblement diplômée, qui éprouve de grandes difficultés à accéder à l’emploi… Le mouvement contre le contrat première embauche n’est pas plus fédérateur que ne le fut la crise des banlieues. D’autant que ces deux jeunesses ont des intérêts divergents sur la question ».
Bernard Roudet évoque un retour de l’engagement : « leur système de valeurs est plus hétérogène et leur engagement prend des formes différentes. Ce n’est plus un engagement à long terme fondé sur la défense d’un idéal. Il est plus ponctuel, plus axé sur un projet particulier, et prend une forme essentiellement protestataire avec une recherche d’efficacité immédiate. On l’observe depuis 1986. Ce type de mouvement resurgit régulièrement, tous les trois ou quatre ans, ces dernières années avec les manifestations contre Le Pen en 2002 ou plus récemment, contre la réforme du bac ».