« Et de trois ! Il y eut d’abord Xavier Bertrand, ministre de la Santé, s’employant à installer le néocomportementalisme parmi les «quatre catégories» des psychothérapies «validées scientifiquement» (sic). Il y eut ensuite Nicolas Sarkozy, dont on nous apprend qu’il s’inspire d’un rapport du député UMP Jacques-Alain Bénisti et d’un autre de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) pour préparer le dépistage des enfants dès l’âge de la crèche afin de repérer très précocement les futurs délinquants. Et voilà que Gilles de Robien annonce (Libération du 28 février) que les «neurosciences» permettent de «savoir désormais» que la méthode syllabique d’apprentissage de la lecture est la «plus efficace», puisque les approches alternatives «contredisent directement les structures de fonctionnement du cerveau» et que les «signaux chimiques et électriques» (sic) du cerveau permettent désormais de «trancher» cette question. Dans les trois cas, la logique est la même. Il s’agit de présenter des choix politiques singuliers comme découlant nécessairement d’une vérité scientifique dont l’évidence s’imposerait absolument. Ce néoscientisme gouvernemental est inquiétant parce qu’il instrumentalise la science au profit de thèses qui sont autant de choix politiques a priori qui ne résultent en rien de données scientifiques qui sont produites comme des justifications a posteriori ». Dans Libération, Jean-Pierre Sueur, député PS, dénonce les choix idéologiques du gouvernement.
» Robien nous annonce en effet que les neurosciences vont prochainement nous expliquer «comment naissent nos pensées». Dédions-lui, en guise de réponse, cette remarque de la philosophe Clotilde Leguil-Badal : «Si l’inconscient de Freud, celui de Lacan, permet justement de penser une sortie au déterminisme une sortie du sujet là où il était l’objet d’un destin ignoré , le cerveau des neuroscientistes, quand il prétend s’identifier au psychisme, condamne quant à lui le sujet à un déterminisme définitif.» L’article de Robien en témoigne : dans la nouvelle doxa gouvernementale, le déterminisme règne sur les apprentissages, les perceptions, les comportements et les pensées ».
Tribune de Libération