« S’il est une chose nécessaire à propos de la violence à l’école c’est d’en prendre pleine et véridique mesure. C’est la seule manière d’échapper au fantasme affolant comme au fantasme inverse de la négation rassurante ». Et c’est le premier apport du livre d’Eric Debarbieux, université de Bordeaux, directeur de l’Observatoire international de la violence à l’Ecole, que de donner une évaluation claire et même une définition de la violence scolaire.
E. Debarbieux analyse les statistiques officielles, par exemple ceux de Signa en France, et montre le sous-enregistrement des actes de violence. Celle-ci est plus présente qu’on ne le dit. Elle est en légère augmentation dans certains établissements. Surtout elle se manifeste rarement par des actes graves et exceptionnels. « Elle est surtout accumulation, répétition, usure et oppression ». Pour les élèves, la violence c’est le manque de respect, les insultes,le racisme, les vols, les coups et le racket. Ce harcèlement des victimes induit l’échec scolaire.
L’ouvrage s’attaque aussi aux fantasmes politiques. Par exemple ceux des conservateurs qui lient la violence à une décadence générale de la société et à un trop-plein de pédagogie et prônent l’autorité, l’ordre et les manières fortes. Il en démonte les réseaux et les liens avec les organisations conservatrices, parfois religieuses. Or ce que montrent les travaux, en France et à l’étranger, c’est justement que, si le laisser-aller est négatif, il y a un lien entre l’autoritarisme, la violence institutionnelle et la violence scolaire. Ce lien, E. Debarbieux le démontre par exemple dans deux états africains où règnent les châtiments corporels et où les meilleurs établissements, à composition sociale égale, sont ceux qui ont abandonné la manière forte. Ce ne sont pas les profs paras qui « sauveront » l’Ecole !
Des nombreuses recherches menées dans le monde, E. Debarbieux tire des enseignements et propose des solutions pour les enseignants. « Il est prouvé que le style coopératif laissant un engagement fort aux élèves est lui aussi un facteur de protection, contrairement aux styles rigides ou au laisser-faire… En fait, facteurs internes et externes sont systématiquement liés : la composition, la stabilité et du couple style pédagogique de l’établissement sont aussi fonction de son implantation et l’on sait bien qu’aux USA comme en France l’instabilité des équipes est plus forte en zone « sensible » qu’en établissement favorisé ».
« Chercheur en colère », il déplore le retour des punitions collectives et le discrédit jeté par les derniers ministres sur la pédagogie et l’atmosphère anti-pédagogique qui souffle sur la profession. « Ce manque de formation et ce conservatisme idéologique ont comme conséquence l’impossibilité d’incorporer des routines de prévention dans la pratique ordinaire des enseignants ».
Agréable à lire, l’ouvrage constitue un véritable contre-feu aux dérapages sécuritaires actuels. Ce n’est pas rien. Surtout il propose aux établissements et aux responsables de l’Ecole des analyses argumentées, appuyées sur des travaux solides, des méthodes et finalement des pistes pour réduire la violence scolaire.
Eric Debarbieux, Violence à l’école : un défi mondial ?, Paris, Armand Colin, 2006, 315 pages.