« Une part de l’opinion publique et du monde enseignant est sans doute favorable à la possibilité pour des adolescents, en difficulté au collège, de quitter celui-ci dès 14 ans pour aller en apprentissage. Mais s’est-on demandé quels jeunes seront concernés en priorité par une telle mesure ? Les fils de ministres, d’avocats, de médecins ou d’enseignants montreront-ils la voie en ce domaine ? Une telle mesure est bien plutôt un moyen de délester le service public d’éducation des questions que lui posent la difficulté et la relégation scolaires et sociales, tout en brandissant l’argument du réalisme et de la prise en considération de la situation difficile qui est effectivement celle de trop nombreux jeunes d’origine populaire aujourd’hui au collège ». A l’initiative d’un collectif qui regroupe les plus réputés des chercheurs en sciences de l’éducation français (Jean-Pierre Astolfi, Anne Barrère, Élisabeth Bautier, François Dubet, Marie Duru-Bellat, Dominique Glasman, Roland Goigoux, Jean Houssaye, Samuel Johsua, Claude Lelièvre, Philippe Meirieu, Jacques Pain, Patrick Rayou, Jean-Yves Rochex, etc.) une nouvelle pétition est lancée : elle appelle à résister aux projets ministériels.
Ils dénoncent « un réalisme du renoncement » qui met en péril la démocratisation de l’Ecole. « Non il n’est plus possible d’accepter que, dans ce domaine comme dans tant d’autres la protection sociale et l’emploi en particulier , les hommes politiques qui nous gouvernent s’évertuent à transformer les victimes en coupables, à envoyer en permanence aux vaincus du libéralisme des signaux leur disant : « C’est de votre faute ! Vous n’aviez qu’à être du côté des vainqueurs ! » Cette pensée qui bafoue l’idéal d’une république sociale est à l’inverse de ce qui permettrait à notre peuple de redresser la tête et de prendre sa place dans un monde solidaire ».
Quatre mesures sont particulièrement visées : l’apprentissage à 14 ans, la réforme des ZEP, l’abandon des TPE et la réintroduction de la méthode syllabique. Ainsi, « les mesures annoncées par le gouvernement concernant les ZEP participent, elles aussi, d’une détestable politique du renoncement. C’est tout d’abord l’annonce selon laquelle cette nouvelle « relance » des ZEP devra se faire à moyens constants, alors que tous les analystes de cette politique insistent sur la faiblesse des moyens qui lui ont été accordés. Annonce renforcée, quelques jours plus tard, au beau milieu des vacances scolaires, par celle d’une diminution de plus de 30 % des postes mis au concours en 2006. C’est ensuite la concentration quasi exclusive des mesures annoncées sur les collèges qui, d’une part, pourrait laisser croire qu’il n’y aurait pas de problème en amont, à l’école maternelle et élémentaire et, d’autre part, qu’il n’est pas nécessaire de s’attaquer aux processus de ségrégation sociale, urbaine et scolaire qui produisent la paupérisation et la précarisation croissantes d’une part de plus en plus grande de la population habitant ou fréquentant les quartiers et les établissements scolaires « de banlieue ». C’est encore la possibilité donnée aux meilleurs élèves de ZEP de s’inscrire dans l’établissement de leur choix qui affiche, en creux, le peu d’ambition que l’on a pour les établissements qui concentrent déjà aujourd’hui, et concentreront encore plus demain, les élèves les plus « défavorisés » et, en particulier, évidemment, les lycées de banlieue qui vont se trouver de plus en plus ghettoïsés, bloquant plus que jamais l’ascenseur social qu’on prétend faire redémarrer ».
En conclusion, la pétition appelle les signataires à manifester leur volonté de résister aux mesures de Robien. « Quand cette politique s’accompagne d’une multitude d’autres renoncements plus ponctuels mais tout aussi significatifs : abandon, en terminale, des travaux personnels encadrés qui permettaient la formation au travail de groupe et à la recherche documentaire exigeants, imposition aux professeurs d’école de la méthode syllabique au détriment d’un apprentissage progressif et critique de la lecture tout au long de la scolarité, présence dans les établissements de forces de police pour faire régner l’ordre alors qu’on refuse à ces mêmes établissements les moyens en conseillers principaux d’éducation et en cadres éducatifs, enseignement des « bienfaits » de la colonisation, réduction de l’éducation civique à l’apprentissage de la Marseillaise, etc., alors il n’est plus temps de s’inquiéter, il est urgent de chercher, par tous les moyens, à résister ».
Cette pétition bénéficie déjà du soutien de plusieurs organisations et de près de 2000 signatures. Il y a un an, le Café avait lancé, avec le Crap, une pétition en faveur des TPE. Les autres mesures Robien (apprentissage à 14 ans, réduction des zep, lecture syllabique) nous semblent également néfastes. Leur addition est très inquiétante pour l’Ecole. Nous soutenons cet appel.
Pétition