Pendant deux jours, le séminaire « Accompagnement à la scolarité, égalité des chances et TIC », organisé à la demande du ministre de l’Éducation nationale à Amiens les 28 et 29 novembre 2005, souhaitait permettre l’échange de points de vue entre tous les » acteurs » (Education Nationale, collectivités territoriales, associations, familles, mais aussi éditeurs, fabricants de matériels ou fournisseurs d’accès) afin de « trouver rapidement des projets pour répondre en terme d’égalité des chances aux besoins de ces jeunes qui sont doublement pénalisés: par le manque de soutien aux études dans leurs familles et par le manque d’accès à internet » Le but ? « Arriver à un cahier des charges pour lancer un appel à expérimentation dès le début 2006 » explique Benoit Sillard, responsable de la Direction de la technologie au ministère de l’Education nationale.
Pari réussi ? L’avenir dira si les déclarations seront suivies d’effets, les échanges ont été riches, parfois sans langue de bois. La courte intervention du ministre fut l’occasion de souligner la nécessité de « mutualiser les travaux des enseignants qui sont des milliers à innover. Cette mine vaut la peine que nous puissions examiner la possibilité de mettre ces contenus en ligne sur le site du CNED ». Pour les élèves, « nos systèmes éducatifs doivent relever ce défi et utiliser l’informatique comme outil, pas comme une fin » expliqua le ministre. « Il devra s’agir de véritable compétences, et non de s’en tenir à la navigation Internet, par un usage permettant d’exercer son exercice critique au service de l’égalité des chances ». Les esprits malins eurent sans doute à ce moment du discours une pensée émue pour les TPE…
A Amiens, G. de Robien, B. Sillard, M. Guiraud |
Les échanges d’expériences furent nombreux. Youcef Bouchaala, présentant la réussite d’une structure associative à Avignon, insista sur les conditions de la réussite : « Ca dépend de l’implication locale des enseignants, des chefs d’établissement. Mais nous souhaitons aussi professionnaliser les métiers d’animation multimédia, pour définir les frontières du métier, ne pas » faire à la place » des enseignants ».
La ville de Besançon expliqua comment, avec 40 Euros par an et par élève, on peut équiper chaque famille d’une ordinateur reconditionné, rempli de logiciels éducatifs, mettre en place des cartes gratuites d’accès aux médiathèques ou installer des ENT pour les enseignants. Mais nombreux furent les élus locaux à préciser que malgré les efforts, ils n’arrivent à toucher que quelques pourcents des élèves qui en auraient le plus besoin.
Marc Guiraud, journaliste de l’AEF, dans une brillante synthèse, rassembla les esprits en rappelant que les élèves n’étaient pas les seuls à devoir être accompagnés : les enseignants, les animateurs, les adultes aussi. « Lorsque les élèves cherchent vers l’extérieur de l’école les solutions pour mieux réussir, rien d’étonnant à ce que ce » système parallèle » mette mal à l’aise l’Ecole. C’est la scolarité elle-même qui est interrogée : on » accompagne » quelqu’un qui n’est pas assez autonome. Le système scolaire est-il aujourd’hui dans l’état de se passer de partenaires ? Il faut donc trouver des moyens pour que les enseignants s’intéressent à ce qui se passe en dehors de l’école, trouver le moyen de réfléchir au moyen de ne pas renforcer les écarts sociaux par les devoirs ».
Les collaborations nécessaires sont paradoxalement le moyen pour l’école de se retrouver au centre du jeu. L’établissement scolaire peut-il devenir un » centre d’éducation » qui ouvre en dehors des heures de classes pour accueillir des publics différents ? Les collectivités semblent de plus en plus prêtes à investir dans les équipements scolaires, mais sont demandeuses d’une harmonisation, de la création de territoires locaux pertinentes pour coordonner les dispositifs nombreux mis en œuvre par les différents projets, ministères, collectivités ou associations.
Et les TICE ?
Recréer le lien entre les jeunes, les familles et l’école, les TICE ne peuvent être qu’un outil, pas une fin. C’est la scolarité elle-même qui est interrogée : on » accompagne » quelqu’un qui n’est pas assez autonome. Le système scolaire est-il aujourd’hui dans l’état de se passer de partenaires ?
A partir de quand un élève a-t-il besoin d’être accompagné ? On sait que les » grandes » difficultés se traitent difficilement par des systèmes d’aide individualisée. Si les logiciels savent pister les difficultés des élèves, ne devraient-ils pas inspirer les pratiques professionnelles des enseignants ? La culture de métier, la manière de se situer dans l’aide aux élèves doivent être interrogées : nous sommes tous co-responsables de l’avenir de l’école publique, face aux sollicitations du marché. Les cadres intermédiaires doivent prendre en charge ce qui est de leur responsabilité, ne pas se contenter d’en rester à l’injonction ou à la prescription.
Citant plusieurs intervenants, Marc Guiraud conclut en rappelant que « L’école ne doit pas proposer des pauvres contenus pour les pauvres, et que, comme disait Glassman, la vigilance s’impose pour ne pas transformer l’accompagnement scolaire en accompagnement de l’exclusion sociale… «
Patrick Picard
Le programme :
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