« La question de l’aide n’est pas simple et ne peut se résumer à de la méthodologie, à du soutien ou à quelques heures en plus des cours ; elle interroge à la fois notre représentation du métier, notre rapport à l’autre, mais aussi notre conception de l’apprentissage et la responsabilité sociale de l’école, ce qui n’est pas rien » affirme Sylvie Grau, qui a coordonné ce remarquable numéro 436 des Cahiers pédagogiques. Ajoutons que la question est aussi devenue politique avec la définition des Programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE) dans la loi Fillon. Et, disons le sans détour, le premier intérêt de ce Cahier est justement de mettre en évidence l’impasse que représentent les PPRE.
Ainsi, la première partie du numéro nous fait réfléchir à ce que représente l’aide. « Si aider, c’est aider l’élève à réussir, alors il faut savoir ce que ce mot représente pour chacun d’entre nous, enseignants, éducateurs, parents, élèves : avoir la moyenne, être intégré dans une communauté, passer dans la classe supérieure, réussir un examen, maîtriser un certain nombre de compétences, devenir un adulte responsable, intégrer une grande école, pouvoir décider librement, accumuler un maximum de connaissances ? » C’est poser la question du choix du destinataire de l’aide, du dispositif et des représentations qui les animent.
C’est ce travail de démontage que propose Françoise Clerc (Lyon 2). « Les croyances sur l’apprentissage poussent à mettre en place des pratiques d’aide qui sont condamnées à reproduire la hiérarchie scolaire. En collège la croyance qu’il existe des bases de connaissances fautes desquelles rien ne se construit, conjuguée à l’idée répandue « que ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » conduisent les enseignants à mettre en place un travail centré sur des connaissances déjà travaillées à l’école » » ce qui a un effet fortement démobilisant. Gérard Chauveau met aussi en évidence les « risques majeurs » de l’aide : saupoudrage, substitution, diversion, sous-stimulation, dépendance, désengagement, ségrégation, stigmatisation, pathologisation et ambivalence. Alors faut-il enterrer avec nos illusions toutes nos bonnes intentions ?
Non, répond le Cahier qui apporte également des exemples d’expériences. Aider apprend déjà beaucoup aux enseignants : « beaucoup disent avoir découvert ce qu’ils ne soupçonnaient pas et avoir changé leur façon d’enseigner » explique Jacques Bernardin (Escol Paris 8). Pour lui « parmi les aides substitutives les plus opératoires, il faut compter avec les pairs », ce travail entre élèves dont l’efficacité ressort d’autres travaux. « Il faut que l’aide soit intégrée à l’enseignement même car c’est la seule façon d’accompagner efficacement des apprentissages…. A condition que la forme scolaire actuelle évolue » demande Françoise Clerc. L’aide devient efficace quand elle n’est plus un moment de mise à l’écart mais entre dans une pédagogie réellement différenciée qui n’ignore pas l’importance des relations dans le groupe élèves.
C’est évidemment remettre en question les deux mamelles de la loi Fillon : redoublement et PPRE. L’inefficacité du redoublement a déjà été démontrée au moins au primaire. Le PPRE consiste à sélectionner les élèves à problème pour les isoler du groupe classe et les mettre en demeure de progresser individuellement. On réussit ainsi un remarquable tri et on évite de poser la question d’une autre pédagogie.
Sommaire des Cahiers pédagogiques 436
Sur les PPRE