La panne de l’ascenseur social ainsi que la question récurrente des sorties du système scolaire sans qualification apportent des arguments à ce qui constitue un élément essentiel de la culture scolaire française : l’égalitarisme. Quelle que soit la couleur politique des gouvernements, aucun ne peut éviter cette question si sensible dans l’imaginaire collectif. Deux propositions de la loi d’orientation confirment, à l’instar des précédents gouvernements, que l’école ne peut plus se contenter de constater cet état de fait, mais qu’il faut tenter de trouver des solutions. Suivant une logique apparemment identique aux précédents gouvernements de gauche et de droite, le développement du programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) et la création d’un socle commun de connaissances et de compétences sont les réponses les plus visibles à cette question.
Volonté d’individualiser quand la massification échoue, volonté d’assurer un résultat quand l’augmentation des moyens ne peut plus passer pour l’unique solution, les deux propositions qui vont cette année, pour le PPRE, et l’année prochaine, pour le socle commun, être progressivement déployées sont-elles à même d’apporter une réponse satisfaisante ? Les concepteurs de ces dispositifs sont-ils eux-mêmes convaincus de leur efficacité ? Quelques indices nous permettent de penser qu’un certain fatalisme s’est emparé des responsables de l’éducation et que malgré un discours volontariste, les dispositifs proposés ne sont pas ceux qui vont permettre de retourner la tendance. On peut même penser que ces propositions sont avant tout un moyen de redonner de l’énergie à ces enseignants qui depuis de nombreuses années oeuvrent dans ce secteur sans pour autant leur proposer de nouvelles formes d’action ou tout au moins un cadre pour les construire eux-mêmes.
En effet, dans un texte récent à propos du B2i le ministère signait l’idée que 80% des compétences suffisaient pour valider le B2i. Dans un autre texte, la DESCO évoquait l’indispensable mise en place des groupes de besoins pour réussir les PPRE. Si l’on tente de dater ces deux propositions, on s’aperçoit que l’idée des 80% a été jadis mise en avant par J.P. Chevènement en 1985 et que celle des groupes de besoins était proposée dès 1992 lors de la mise en place des évaluations en CE2, 6è et 2de. Sans tenter de préciser plus avant ces traces passées, on peut s’apercevoir que tant le PPRE que le socle commun ne sont pas encore arrivés à maturité dans la culture scolaire collective. Et cela doit faire question.
Si le grand débat avait laissé pointer les bases d’une réflexion sur la réussite de tous, les propos tenus n’engageaient pas une pratique. Dès lors qu’un ministère tente de traduire en action ces intentions, il se trouve toujours pris dans une tension entre des intérêts contradictoires. Le socle commun est déjà combattu car il pourrait être un nivellement par le bas, les PPRE suivent le même chemin car ce serait les moyens qui manqueraient. Face à ces deux propositions, les partisans d’un retour à la tradition tentent eux aussi de faire pression en rappelant que jadis c’était mieux… oubliant que les mises à l’écart étaient beaucoup plus nombreuses et surtout moins douloureuses socialement.
La chance offerte par les PPRE et surtout les espoirs offerts par le socle commun sont de nature à encourager tous ceux qui croient que l’école a encore une place dans la nation. Encore faut-il que chacun de nous ne tente pas de vider ces propositions des espoirs qu’ils font naître. Il est facile de réduire le socle à sa plus simple expression ou de faire des PPRE un outil de tri supplémentaire. Il suffit de voir comment certains établissements ont déjà créé des «classes» de découverte professionnelle à trois heures dans les collèges pour comprendre qu’il faut être vigilant.