» Oppositions, désobéissance et colères répétées, agressivité chez l’enfant, coups, blessures dégradations, fraudes et vols chez l’adolescent : ces différents comportements caractérisent le trouble des conduites ». D’autres symptômes établissent le diagnostic : » les agressions physiques, les mensonges ou les vols d’objets », ou encore « l’absentéisme, les incivilités à l’école et les situations d’échec scolaire ». « L’absence de timidité » est aussi un signe d’alerte, tout comme « la recherche de nouveauté ». Dans une étude publiée par l’Inserm, un groupe d’experts, épidémiologistes, pédopsychiatres, français et canadiens, vient de définir une nouvelle maladie : « le trouble des conduites ».
Selon eux, 5 à 9% des garçons de 15 ans en seraient atteints et 2 à 5% des filles. Mais la maladie est, selon eux, familiale : » Les facteurs empiriquement associés au trouble des conduites sont : antécédents familiaux de trouble des conduites, criminalité au sein de la famille, mère très jeune, consommation de substances psychoactives pendant la grossesse, faible poids de naissance, complications autour de la naissance… »
Aussi, recommandent-ils « un repérage des familles présentant ces facteurs de risque » et un dépistage systématique, dès 36 mois, des enfants en utilisant les bilans de santé et les examens systématiques. C’est donc sur le système de santé et sur l’école qu’ils souhaitent s’appuyer pour opérer cette campagne de dépistage qui ficherait comme « dangereux » un adolescent sur dix et sa famille. Les experts recommandent « d’informer les enseignants sur les différentes expressions comportementales du trouble des conduites et de les sensibiliser à une collaboration avec les professionnels de santé pour une intervention plus précoce auprès des enfants et adolescents « . Ils souhaitent « généraliser les interventions au sein des structures éducatives existantes (PMI, crèches, écoles…) en formant le personnel éducatif à ces méthodes de prévention (puéricultrices, éducateurs, enseignants…) ».
Il y a quelques mois le rapport Bénisti avait soulevé un tollé en demandant le dépistage précoce dès trois ans des « déviants ». En termes médicaux c’est exactement la même logique qui est à l’oeuvre dans ce rapport de l’Inserm. Comme lui, il analyse des faits sociaux comme des symptômes maladifs et n’hésite pas à envisager le fichage et le « suivi » d’un dixième de la population. On retrouve là l’influence d’une école nord-américaine, hostile à la psychologie, qui vise le dépistage des déviants et du gène de la déviance. Une perspective qui fait vraiment froid dans le dos.
Interrogé dans Le Monde, le pédopsychiatre Pierre Delion juge sévèrement ce rapport. » Je ne suis pas du tout adepte de ce genre de concepts. Le trouble des conduites implique une référence à une bonne conduite et à une mauvaise conduite. Cette notion moralise donc le débat là où, au contraire, il faudrait accepter la diversité de tous les parents et de leurs enfants… Que l’on puisse, dans certains cas, appeler cela des troubles des conduites, je ne suis pas contre, mais ce qui compte le plus c’est de dire à cet enfant que son appel a été entendu. A ce moment-là, l’important n’est pas de faire un dépistage systématique, de type Big Brother, mais de rendre possible, pour les parents, la rencontre avec des professionnels, pour accueillir cette souffrance de l’enfant et éventuellement la traiter ». Et il alerte les enseignants : » parler de souffrance psychique en ces termes peut avoir des effets délétères. Les enseignants, par exemple, se sont déjà emparés de ces catégories. Nous voyons très souvent des parents envoyés par des instituteurs qui « diagnostiquent » des troubles de type hyperactivité et déficit de l’attention. Ces notions ont envahi la société dans son ensemble, bien au-delà du milieu médical. Les parents arrivent maintenant en consultation avec une question : « Quel traitement médicamenteux prescrivez-vous pour notre enfant ? » On voit bien, en arrière-plan, se profiler les intérêts économiques des firmes pharmaceutiques ».
http://www.inserm.fr/fr/presse/dossiers_presse/att00000407/DPTroubledesconduites.pdf
http://ist.inserm.fr/basisrapports/trouble_conduites/trouble_conduites_synthese.pdf
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-691676@51-691794,0.html