Le nouveau film de Jeunet, puissamment soutenu par les médias et les distributeurs, sort dans d’innombrables salles en pleine période de commémoration de l’Armistice. Il évoque, à partir d’un roman de S. Japrisot, la quête d’une jeune fille à la recherche de son fiancé condamné à mort pour désertion et disparu sur le front au début de 1917.
Certains éléments du film toucheront les enseignants. La popularité du réalisateur et de l’actrice principale auprès des jeunes, après le succès « d’Amélie Poulain », éveille leur intérêt pour un conflit qui est maintenant bien lointain. Le film montre avec précision (peut-être parfois trop de précision, voire trop de complaisance ?) la violence des combats. On découvre par exemple la puissance d’un tir d’artillerie, avec les éclats qui frappent les corps et les objets. Il évoque de façon très réaliste la dureté de la vie dans les tranchées, la souffrance des hommes.
Si ces aspects nous rapprochent des hommes de cette génération, malheureusement ceux-ci peuvent se sentir trahis par d’autres éléments du film. Que le film présente des invraisemblances et des anachronismes de détail n’est pas choquant. Ce qui est plus gênant ce sont les contresens sur l’histoire générale du conflit et l’univers mental des hommes. Le film ne présente que des soldats qui cherchent à déserter et à se sortir individuellement, en se mutilant, d’une guerre qu’ils ne comprennent pas. Les officiers, tous les officiers, ne sont que des jouisseurs obscènes ou des brutes sanguinaires. On doute que les 15 derniers Poilus encore de ce monde apprécient cette présentation. Quitte à évoquer les défaillances, qui ont bien existé sur le front et qui sont un élément incontournable de ce passé, le réalisateur aurait pu s’intéresser aux mutineries de 1917 et en montrer l’histoire. Mais cela l’aurait sans doute conduit à un réel travail historique, particulièrement sur les mentalités des combattants, qu’il a visiblement fui au-delà du cliché.
Car, et c’est là la dernière critique, Jean-Pierre Jeunet se plait au cliché. Soleils couchants de carte postale, tourbillons et tournoiements, colorisation kitch des paysages, le film nous entraîne dans l’univers mièvre de l’enfance relookée Hollywood. D’ailleurs, comme chez Walt Disney, tout finit « bien ». Allez le dire à Verdun…
F. Jarraud
A voir sur le site des Clionautes, le compte-rendu des échanges entre professeurs d’histoire-géographie sur le film de Jeunet.
http://www.clionautes.org/article.php3?id_article=667