Dossier spécial
Le rapport Thélot
Claude Thélot a remis le 12 octobre son rapport au premier
ministre. Il orientera en partie les choix du gouvernement pour
le projet de loi d’orientation sur l’école qui devrait
être adopté en 2005. Le texte définitif est
fidèle au pré-rapport diffusé fin
août. La commission fait 8 propositions :
– S’assurer que chaque élève
maîtrise un socle commun des indispensables :
« l’École a pour mission principale de dispenser
à tous les élèves des enseignements communs
qui correspondent à la culture que la Nation souhaite
transmettre à chaque génération et de
permettre à chacun de trouver sa voie de réussite.
Pour consolider cette ambition, il est d’abord
nécessaire de garantir la maîtrise des
connaissances, des compétences et des règles de
comportement indispensables pour toute la vie ». Pour la
commission, ce socle est la base nécessaire à
« l’élévation souhaitable de la formation et de
la qualification » : il ne s’agit pas d’une culture au rabais
mais au contraire d’élever le niveau culturel. Ce socle
serait composé « des fonctions primordiales suivantes :
lire, écrire, maîtriser la langue et les discours,
compter, connaître les principales opérations
mathématiques, s’exprimer y compris en anglais, se
servir de l’ordinateur, vivre ensemble dans notre
République ». On notera l’importance accordée
aux TIC : » La maîtrise des technologies de
l’information et de la communication constitue la seconde
compétence fondamentale dont l’introduction dans le
socle est indispensable. Comme le recommande
l’Académie des sciences dans son avis de juillet
2004, portant sur « L’enseignement scientifique et
technique dans la scolarité obligatoire : école et
collège », il faut « donner à
l’emploi de l’ordinateur et à la
fréquentation du monde numérique par les enfants
une attention beaucoup plus soutenue ». L’usage
élémentaire de l’ordinateur fait partie du
bagage culturel que l’École doit assurer à
tous les élèves, non seulement parce que
l’essor de l’utilisation des technologies
informatiques dans la société a transformé
la manière de travailler, mais aussi parce qu’elles
seront une des voies privilégiées de la formation
tout au long de la vie, et enfin parce que de futurs citoyens
doivent pouvoir exercer un regard critique sur le flux
d’informations non contrôlées accessibles sur
Internet. »
– Redécoupage des cycles : la scolarité
obligatoire commencerait dès 5 ans et le jeune
élève traverserait 3 cycles : le cycle
d’apprentissage de base allant de la grande section de maternelle
au CE1; le cycle d’approfondissement allant du CE2 à la
6ème; le cycle de diversification de la 5ème
à la 3ème. L’accent est donc mis sur les
transitions.
– Au collège travailler l’orientation ce qui passe
par un nouveau dossier scolaire respectant le projet de
l’élève.
– De nouvelles séries au lycée : les voies
devraient être différenciées dès la
seconde, ce qui redonne à la 3ème son rôle
d’orientation. Il y aurait « trois grands ensembles de voies,
définis par leur finalité différente : les
voies professionnelles préparant directement à une
insertion dans la vie professionnelle, les voies préparant
prioritairement à des études supérieures
courtes articulées à des professions ou des
domaines identifiés, enfin les voies préparant
à des études supérieures longues ». La
commission souhaite redéfinir les filières. Ainsi
dans les séries technologiques, 4 voies seraient
distinguées : technologie industrielle, commerce et
sciences de la gestion, design et arts appliqués et
santé et action sociale. Dans l’enseignement
professionnel, elle souhaite » élargir les
baccalauréats professionnels et réduire leur
nombre ». Dans l’enseignement général, on
distinguerait 3 voies : sciences, sciences sociales et
économiques et humanités. Cette dernière
engloberait 5 séries : lettres classiques –
littératures, lettres – langues, lettres
mathématiques, lettres communication, incluant l’outil
informatique, et lettre – arts.
– Favoriser la mixité sociale :
« L’École doit favoriser la mixité sociale
et mobiliser l’ensemble de ses moyens dans une lutte contre
les ségrégations de toutes sortes. Dans cette
perspective, la sectorisation des établissements publics
doit être maintenue, mais à condition que chaque
famille trouve dans l’établissement de son secteur
de bonnes conditions d’étude et de vie pour ses
enfants. Pour tendre vers l’égale qualité des
établissements, il faudrait mettre en place.. une
politique plus ambitieuse qu’aujourd’hui de
différenciation maîtrisée,
c’est-à-dire de réduction volontariste des
inégalités, en allouant des moyens nettement accrus
à ceux qui sont confrontés à de réels
problèmes »
– Renforcer l’autonomie des établissements : en
créant des établissements dans l’enseignement
primaire, en renforçant l’encadrement dans le secondaire
et l’action éducative des établissements,
dotés d’un « conseil de la communauté
éducative » et d’une direction de la vie
éducative.
– Redéfinir le métier d’enseignant : « Les
enseignants sont au cœur de l’évolution de
l’École ; ils doivent être reconnus et
respectés en qualité de professionnels de
l’enseignement. Pour instruire, éduquer, accompagner
et orienter les élèves, le service de
l’enseignant du XXIe siècle devrait explicitement
inclure, outre la mission, fondamentale, de l’enseignement,
d’autres missions telles que le suivi des
élèves, les relations avec les parents, le travail
en équipe, etc. Cette nouvelle organisation implique un
allongement du temps de présence dans
l’établissement scolaire pour les professeurs des
lycées et collèges, allongement à prendre en
compte dans leur rémunération ; la mesure
s’appliquerait à tous les jeunes recrutés et
serait proposée au choix aux autres enseignants ».
– Renforcer l’action des partenaires de l’école :
qu’il s’agisse des parents , des élus, des associations,
des entreprises, des services de l’Etat : leur place dans
l’école devrait être revalorisée.
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/brp/notices/044000483.shtml
De Thélot à la loi, un cahier des
charges
Interrogé par Emmanuel Davidenkoff dans Libération,
Pierre-André Périssol, président de la
commission parlementaire sur l’éducation, décrit le
processus pour l’adoption de la loi d’orientation sur
l’école. « Le processus proposé par la commission
Thélot est clair : la représentation nationale
fixerait d’abord une sorte de cahier des charges sur ce que tout
élève doit acquérir pendant la
scolarité obligatoire… Il reviendra ensuite
à une autorité de le mettre en musique sur le plan
technique. Elle devra travailler dans le cadre du cahier des
charges ainsi défini ».
http://www.liberation.fr/page.php?Article=246365
C. Thélot parle
Sur le site Vousnousils, Claude Thélot s’exprime sur son
rapport tout au long d’une interview vidéo d’une vingtaine
de minutes.
L’entretien vidéo
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/ca_vous_parle/l_invite/&key=itm_20041015_173019_claude_thelot_reformer_en_profon.txt
Un site officiel sur la loi d’orientation
Comment est préparée la loi ? Quelles orientations
seront retenues parle gouvernement ? Le ministère de
l’éducation nationale ouvre aujourd’hui un site
spécifique qui devrait permettre de suivre « dans la
transparence » la rédaction de la loi d’orientation sur
l’école. Le site devrait réunir « toute
l’information » sur le projet de loi. Une façon pour F.
Fillon de lancer u nouveau débat pour faire oublier le
travail de la commission ?
Le site Loi Ecole
http://www.loi.ecole.gouv.fr
Les premières réactions le 12 octobre
La presse salue différemment la publication du
rapport Thélot. Pour Libération, « le rapport
Thélot.. pourrait faire une bonne base de discussion avant
la loi d’orientation promise pour l’an prochain. Mais compte-tenu
de la façon dont Fillon a engagé le débat,
le pire est à craindre ». Libé a estimé
que l’application du rapport coûterait 10 milliards
d’euros. Le Figaro, qui a fait campagne contre la Commission
Thélot, est déçu : « un rapport prudent
où l’on amende plutôt que l’on réforme. Au
lieu de la confier à un atelier de haute couture, on a
déposé l’école dans une boutique de
retoucheur » affirme l’éditorialiste du Figaro sous le
titre « occasion manquée ».
Les associations de parents d’élèves saluent le
rapport. La PEEP y retrouve nombre de ses revendications. La
FCPE est plus ferme : » La FCPE estime que les recommandations
majeures du rapport de la Commission Thélot constituent
une base de travail novatrice et courageuse de nature à
faire évoluer le système éducatif dans
l’intérêt de chaque jeune… Dans une
belle unanimité, les tenants de l’immobilisme venant
de tout bord s’insurgent et s’indignent…Ceux
qui assimilent le socle commun à un SMIC culturel pour le
dénigrer oublient que le SMIC est une conquête
sociale ! Il faut défendre le principe d’une base de
connaissances garanti à tous ».
Du côté des syndicats, l’accueil est prudent
ou hostile. Le SNES dénonce « une conception
réductrice des savoirs » et « conteste
l’essentiel ». La FSU prédit de « grosses
colères » à l’idée d’augmenter le temps de
travail des enseignants pour assurer le suivi des
élèves. Le SGEN, « partage le principe des 8
programmes d’action exprimés dans le rapport de la
commission Thélot. Mais les intentions affichées ne
sont pas toujours suffisantes.. Le Sgen-CFDT se félicite
de la mise en avant du principe d’un socle commun dans le cadre
de la scolarité obligatoire. Mais le contenu de ce socle
ne doit pas être étriqué.. L’ambition de
mener tous les élèves à la réussite
passe nécessairement par une reconnaissance
institutionnelle des tâches de l’enseignant et leur
inscription dans le service (travail en équipe, relation
avec les parents, suivi individualisé). Mais cette prise
en compte doit concerner les enseignants du premier et du second
degré et ne doit aucunement alourdir le service des
enseignants ».
Communiqué FCPE
http://www.fcpe.asso.fr/article.aspx?id=385
Communiqué SGEN
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article638.html
Article du Monde
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-382634,0.html
Les tribunes du Café
Claude Lelièvre : Le rapport Thélot met à
jour ce qu’il n’est pas permis d’ignorer
La Commission Thélot a osé fonder son rapport sur
ce que les autres rapports précédents avaient
seulement évoqué ( sous les espèces
d’un « minimum culturel commun » dans le
rapport du Collège de France de 1985 signé Pierre
Bourdieu, d’un « socle commun de connaissances et de
compétences » à assurer à la fin du
collège dans le rapport de Conseil national des programmes
de 1994 signé Luc Ferry et dans celui de 1999 sur le
collège signé François Dubet ) : la
nécessité de la maîtrise par tous d’un
« socle commun de connaissances, de compétences et
de règles de comportements » à la fin de la
scolarité obligatoire.
Et la Commission Thélot a inscrit
précisément cela dans le cadre de la
scolarité obligatoire, en inscrivant le « socle des
indispensables » dans le tempo de trois cycles enjambant
les types d’établissements scolaires actuels (qui
restent en place tels qu’ils existent actuellement ), afin
d’assurer une continuité maximale et une scansion de
progression contrôlée quant à la
maîtrise effective par tous de ce qui est «
indispensable » pour s’insérer dans la
société au XXI° siècle et être
prêt à « apprendre tout au long de la vie
».
Elle s’est même risquée à donner des
indications ( qui ne sont pas à proprement parler des
propositions ) pour éclairer les choix à faire. Et
cela avec un double souci : ne pas confondre « les
indispensables » à maîtriser avec une simple
réduction des programmes en cours : il s’agit dans
le même temps où est repris la règle
fondatrice de l’école obligatoire de Jules Ferry (
« ne pas embrasser, sur les matières qu’elle
touche, tout ce qu’il est possible de savoir ; mais bien
apprendre ce qu’il n’est pas permis d’ignorer
» ), de mettre parallèlement à jour «
ce qu’il n’est pas permis d’ignorer » au
XXI° siècle ( d’où les indications qui
inscrivent l’informatique, l’anglais
international’’, des notions d’économie
et de droit dans le socle même des indispensables, lequel
est le noyau prioritaire des « enseignements communs
fondamentaux » ).
Ce ne sont que des indications, parce que la Commission
considère que la détermination de ce socle est une
question éminemment politique qui relève en
dernière analyse de la représentation nationale (
qui devrait fixer en quelque sorte un « cahier des charges
», devant être précisé et « mis
en musique » par une « Haute autorité
indépendante » ). Logique avec elle-même, la
Commission ( qui n’avait, à ses propres yeux, ni la
légitimité ni la compétence pour le faire )
ne prétend pas avoir déjà résolu la
question de la définition du « socle commun »
; mais elle a voulu ne pas en rester aux déclarations de
principes et s’est risquée avec courage ( et
peut-être témérité ) à
énoncer quelques indications qu’il faut prendre pour
ce qu’elles sont, ni plus ni moins.
Claude Lelièvre
Claude Lelièvre, membre de la Commission Thélot,
est l’auteur de « La scolarité obligatoire : pour
quoi faire ? » paru chez Retz en février
2004.
L’AFEF : Le parti pris intenable des dissidents de la
commission
Sur fond de publication officielle du rapport Thélot, les
dissidents, après avoir quitté les travaux de la
commission Thélot avec grand bruit, en profitent pour
rameuter leurs troupes autour d’un colloque anti-IUFM.
Entrée sécurisée pour limiter le
débat aux partisans d’un retour à
l’âge d’or « d’une bonne
instruction de base » garantie par le « niveau de
savoir disciplinaire indispensable des enseignants ».
Pourtant ces mêmes dissidents ont eu l’occasion de
faire valoir leur point de vue au sein de la commission, ce qui
n’a pas été le cas des associations de
spécialistes. S’ils n’ont pas réussi,
ne doivent-ils pas en tirer courtoisement la conclusion que leur
parti pris n’est pas tenable dans notre
société ?
Le rapport Thélot fait la part belle aux «
fondamentaux » ; mais, vouloir fixer un socle commun
minimum que l’on peut garantir à tous les
élèves est-il plus utopique que de fixer des
programmes pléthoriques dont seuls les happy few peuvent
profiter ? L’hypocrisie est facile : si tous les enfants de
la République ont droit à l’instruction et
à l’éducation, peut-on encore croire que le
seul empilement de connaissances permettra aux enseignants de
tenir leur classe et de faire progresser tous leurs
élèves ? Peut-on à la fois développer
un discours sécuritaire et autoritariste, et penser que
cette autorité ne passera que par les contenus
d’enseignement ?
Les associations de spécialistes, qui n’ont pas
été consultées en tant que telles dans le
Débat National sur l’école, ne peuvent pas
rester insensibles devant ces tentatives régressives de
saper les efforts entrepris pour professionnaliser le
métier d’enseignant. Pour maîtriser la langue
et la littérature, les enseignants de français sont
bien convaincus que les élèves ont besoin de
professeurs dotés de connaissances universitaires solides,
mais aussi de compétences didactiques et
pédagogiques que les IUFM leur permettent de
développer dans la formation initiale.
Certes, il ne faut pas nous voiler la face : les IUFM ont connu
des errements. Certes, ils ont besoin d’évoluer pour
faire mieux face aux besoins des jeunes collègues, les
premiers à en relever les dysfonctionnements. Mais ne
soyons pas trop pessimistes, les améliorations sont non
seulement nécessaires, mais possibles. Passer d’une
vocation, d’un métier à une profession
suppose une réflexion sur les pratiques, qui peut se mener
dans différentes instances : les associations comme la
nôtre offrent un cadre moins institutionnel pour un espace
de débat qu’il serait dommage de
négliger.
Viviane YOUX
Présidente de l’Association des Enseignants de
Français
L’AFEF
http://www.afef.org/index.htm
Enseignants et chercheurs
Chavagnes, Thélot et la pédopsychiatre
» Que peuvent-ils vouloir ces ingrats qui ne semblent pas
connaître leur chance ? Enfants trop gâtés,
adolescents sans limites et sans repères, voilà le
leitmotiv repris par les médias. Et s’ils voulaient
simplement qu’on leur apprenne à se servir de tout ce
qu’on a mis à leur disposition, alors que les adultes
pensaient, eux, qu’il leur appartenait d’en trouver seuls le mode
d’emploi ? Quatre ans pour se construire, n’est-ce pas un
défi que le collège pourrait relever ? » Dans
Libération, Nicole Catheline, pédopsychiatre, s’en
prend à la nostalgie passéiste ambiante. « Les
années-collège correspondent à
l’arrivée de la puberté et l’entrée dans
l’adolescence. Il est donc logique que le collège
écope des turbulences inhérentes à cette
période faite d’affirmation de soi et de recherche
identitaire. Modifier, simplifier le contenu des programmes
n’apportera pas de solution. Recourir à l’autorité,
à la parole muselée, non plus. Cela fait des
années que nous le disons… Ce n’est pas à
l’Education nationale de prendre en charge cet aspect, diront les
plus sceptiques ou les plus conservateurs, c’est le rôle
des parents. Pourquoi se renvoyer ainsi la balle alors que,
précisément, les adolescents n’aiment rien tant que
confronter les opinions des adultes qui les entourent ?
L’organisation actuelle du collège recèle tous les
ingrédients pour faire de ces années-collège
un lieu fécond pour le développement des
adolescents. Au plan du cadre scolaire, la diversité des
matières et des enseignants, les heures de vie de classe,
les itinéraires de découverte sont autant de points
forts. Il est dommage de ne pas les utiliser pour faciliter
l’émergence d’une capacité propre à
l’adolescence : le développement de la pensée
abstraite et de la pensée réflexive. »
Article de Libération
http://www.liberation.fr/page.php?Article=247115
Dubet plaide pour le rapport Thélot
« Imaginons que demain, par une sorte de miracle, les
élèves des grandes écoles soient exactement
à l’image de la société française,
que les filles, les enfants d’ouvriers, d’employés,
d’immigrés y soient proportionnellement aussi
présents qu’ils le sont dans l’ensemble de la
société. Cette école serait sans doute
beaucoup plus juste qu’elle ne l’est aujourd’hui, le pur
mérite des individus serait reconnu, les
inégalités sociales neutralisées et
l’arbitrage scolaire, parfaitement impartial. Rien ne nous invite
à abandonner cet idéal. Mais cette école de
rêve serait-elle parfaitement juste ? Elle ne serait
meilleure que dans la mesure où les vaincus de cette
sélection parfaitement équitable ne seraient pas
abandonnés, relégués, humiliés et
dépourvus de toutes ressources ». Dans
Libération, le sociologue François Dubet soutient
la réflexion menée par la commission Thélot.
« Il ne faut pas se poser le problème de la justice
scolaire uniquement du point de vue des «vainqueurs»,
mais aussi de celui des «vaincus», des plus faibles,
des plus fragiles et peut-être des moins bons. C’est
là le véritable sens d’une culture commune, celui
d’une exigence de justice consistant à garantir aux plus
faibles des élèves ce à quoi ils ont droit
pour mener une vie personnelle, civique, sociale, acceptable,
pour faire que leur scolarité ne ferme pas bien plus de
portes qu’elle ne leur en ouvre ». D’où la
définition du « socle commun de connaissances »
demandé par la commission. Pour F. Dubet, « les
résistances qui se manifestent aujourd’hui sont aussi
d’une tout autre nature car elles rejettent le principe
même d’une culture commune au nom de l’excellence, de la
grande culture et du droit de chaque élève de se
préparer à l’Ecole polytechnique dès la
classe de CP… Au fond, il y a là l’acceptation
d’une sorte de darwinisme scolaire dans lequel l’immense
majorité des élèves, confrontés aux
ambitions les plus hautes, ne seront définis que par leurs
lacunes, leurs faiblesses… Le débat sur la culture
commune n’oppose pas les «républicains» aux
«pédagogues»… Il oppose l’incantation
méritocratique considérant que l’école juste
est un vaste mécanisme de distillation fractionnée
dans lequel l’excellence exigée de tous conduit
pratiquement à la relégation du plus grand nombre
(surtout des plus pauvres et des plus démunis) à
ceux qui considèrent que si l’école doit, bien
sûr, hiérarchiser les compétences et le
mérite, cela ne peut se faire au prix du
«massacre» des plus faibles. Ce sont là les
véritables termes de l’alternative et celle-ci est lourde
de conséquences car elle conduit, soit à accepter
que l’école ne soit en fait que le lieu d’une concurrence
brutale dans laquelle chacun vient chercher les diplômes
qui garantissent une position sociale honorable, soit à
considérer que ce jeu inévitable et peut-être
nécessaire doit être neutralisé durant la
scolarité obligatoire ».
Article de Libération
http://www.liberation.fr/page.php?Article=246847
C. Lelièvre : Changer notre vision de
l’école
« Quand Giscard, à l’époque, évoquait ce
«savoir minimal», on l’accusait déjà de
niveler par le bas! Résultat: on s’est contenté de
raisonner en termes de structures (collège unique), de
quantités, d’objectifs chiffrés (80% au bac). Pas
de contenus ». Dans L’Express du 11 octobre, l’historien
Claude Lelièvre revient sur la recommandation phare de la
commission Thélot : l’exigence d’un « socle commun de
connaissances ». « Dans notre tradition élitiste, seule
l’exigence maximale est définie, jamais l’essentiel. On
dit: voilà ce qui devrait être maîtrisé
au bac, et tout le reste en découle, de haut en bas. C’est
politiquement plus facile: on n’est jamais accusé de
rabaisser le niveau, de sacrifier telle ou telle discipline. Mais
les enseignants, eux, ne peuvent pas faire le programme. Donc ils
l’adaptent, chacun dans leur coin. C’est la pire des
solutions ».
Article de L’Express
http://www.lexpress.fr/info/france/dossier/educationnation/dossier.asp?ida=429808
Dubet : Le socle commun pour une école plus
juste
Le rapport Thélot demande la maîtrise par tous d’un
socle commun de connaissances indispensables. Pour
François Dubet (Bordeaux II) c’est la garantie d’une
école plus juste. « Puisque l’école produit
fatalement des inégalités, celles-ci seront
d’autant plus « justes » qu’elles
n’affecteront pas le sort des plus faibles. Dans le monde
du travail, on a inventé le Smic : le plus mal payé
des salariés a au moins droit à cela. Je crois que
l’école doit garantir au plus mauvais des
élèves ce à quoi il a droit pour mener une
vie sociale normale, et que l’on pourrait appeler la
« culture commune » : qu’il sache
évidemment lire, écrire, compter, qu’il ait
appris à se servir d’un ordinateur et qu’il
parle un peu d’anglais parce qu’il en faut pour
vivre… C’est pour cela que je défends
vigoureusement le collège unique, dont l’objectif
majeur est de divulguer cette culture commune dans une classe
d’âge. Ensuite, que la diversité des
compétences et des talents opère ! ».
Article de 20 Minutes
http://www.20minutes.fr/journal/impr_article.php?ida=32424
Mouvements et syndicats
La Ligue de l’Enseignement, la FCPE et Education & Devenir
signent une plateforme pour l’Ecole
« Les récentes annonces et mesures ministérielles
concernant le système éducatif ne peuvent que
susciter de légitimes inquiétudes quant au contenu
de la future loi d’orientation sur l’École.
L’association Éducation et Devenir, la FCPE et la
Ligue de l’enseignement décident de poursuivre la
mobilisation de l’opinion publique.. « Pour
l’École que nous voulons » ». Les trois
organisations publient dix fiches thématiques qui posent
des principes pour la future loi d’orientation et doivent
susciter la réflexion et le débat chez les
enseignants. Une analyse qui se résume en 10 principes qui
dessinent le contour d’une Ecole de la République
rénovée. Nous en extrayons 7 points : «
– Seule une modification profonde des approches
éducatives et des relations entre adultes et jeunes peut
faire vivre les valeurs que l’École a pour mission
de transmettre : solidarité, démocratie, entraide,
coopération, respect mutuel, engagement,
responsabilité, capacité à l’analyse
critique…en un mot la laïcité;
– Les méthodes d’apprentissage conduisent les
élèves à être actifs pour
s’approprier efficacement les connaissances ; en ce sens,
les élèves sont au centre du système
éducatif.
– L’éducation et la formation initiales permettent
à chacun d’acquérir des bases solides (au
moins niveau CAP-BEP pour tous, niveau bac pour au moins 80
%)
– L’École accueille tous les enfants et les jeunes
tels qu’ils sont aujourd’hui, sans discriminations,
dans la diversité de leurs conditions, de leurs cultures,
sans nostalgie des élèves mythifiés
d’hier.
– Les projets des établissements scolaires
intègrent les projets éducatifs territoriaux (REP,
ZEP, CEL, volets éducatifs des contrats de ville…)
réunissant État, collectivités territoriales
et mouvements d’éducation populaire.
– l’École donne aux parents les moyens
d’être des partenaires à part entière
du système éducatif.
– L’adaptation du système au plan des pratiques
pédagogiques, des structures et du fonctionnement suppose
de réfléchir à une plus grande autonomie des
établissements. »
http://education.devenir.free.fr/plateforme.htm
CFDT : Le rapport Thélot, choix historique
» Le rapport Thélot nous met devant un choix historique
: l’école est enfin invitée à prendre toute
sa place dans une formation tout au long de la vie conçue
comme une éducation et un apprentissage permanents ».
Dans Libération, Annie Thomas, secrétaire nationale
de la CFDT, et Vincent Merle (Cnam) voient dans le rapport
Thélot » une occasion historique… En
débloquant les parcours, en permettant à chacun de
se situer dans une dynamique d’apprentissage tout au long de sa
vie, c’est la société que l’on débloque..
c’est la République que l’on vivifie ». Ils
défendent l’idée du « socle commun » de connaissances
: « L’associer à un abaissement des exigences, c’est
méconnaître son véritable enjeu, qui est au
contraire de faire du rapport aux savoirs le centre des parcours,
et de reconnaître dans le savoir la condition de base de
l’insertion sociale ».
Article de Libération
http://www.liberation.fr/page.php?Article=245976
L’Agiem contre le rapport Thélot
Association d’enseignants de l’école maternelle, l’Agiem
fait part de ses craintes devant le rapport Thélot.
« Que signifient la proposition de scolarité obligatoire
à 5 ans et la place donnée à la Grande
section dans le cycle 1 ? Le silence sur les liens de la Grande
section avec la Moyenne section et la Petite section ne nous
semble pas de nature à calmer les inquiétudes de
nos militants, acteurs d’une école maternelle de
qualité. Le risque est grand de déstructurer
l’Ecole Maternelle qui a largement fait ses preuves et sert de
modèle à beaucoup de pays. Décapiter l’Ecole
maternelle de sa Grande section conduirait inéluctablement
la Petite et la Moyenne section à changer de nature et de
statut… La proposition faite nous semble une très
mauvaise solution pour les enfants, pour les familles et pour
l’Ecole ».
L’Agiem
http://www.agiem.fr
Pagestec en accord avec des propositions Thélot
« L’association Pagestec pense que le technologie à sa
place dans les orientations proposeés ». Faisant
allusion à la place reconnue aux TIC, parmi les
disciplines fondamentales par la commission Thélot,
Pagestec, qui regroupe des centaines de professeurs de
technologie, estime que ceux-ci ont » su faire entrer l’outil
dans l’école de la république. La Technologie est
la discipline porteuse de cette réussite et on ne peut lui
retirer les fruits de son travail ». Pagestec relaie la
campagne « Carton jaune » qui demande une refonte des nouveaux
programmes.
Pagestec
http://www.pagestec.org/
Les parents
L’Unapel achève le front commun des parents en faveur
du rapport Thélot
« Nous apprécions la démarche, le débat
public qui s’est déroulé et qui a permis à
la Nation d’exprimer sa sensibilité, le rapport qui
reflète cette sensibilité et les idées dont
le gouvernement ne peut que tenir compte ». Le
président de l’Unapel, l’association des parents
d’élèves du privé, rejoint la FCPE et de la
PEEP dans un jugement favorable au rapport Thélot.
L’Unapel soutient l’idée du socle commun de
connaissances.
Dépêche AFP
http://actu.voila.fr/Depeche/depeche_emploi_041019102520.6ej3rdnz.html
Au gouvernement…
Thélot : Raffarin applaudit, Fillon
négocie
« Le rapport.. va naturellement peser dans l’élaboration
de la loi, même si le gouvernement reste entièrement
libre par rapport à ce document ». Dans Le Figaro,
François Fillon prend quelques distances par rapport au
rapport de la commission Thélot, particulièrement
pour les propositions qui ont un coût. Il rejette
l’idée d’un statut du lycéen professionnel
rémunéré « n’est-ce pas risquer de voir
les jeunes, en particulier des milieux défavorisés,
s’y engouffrer pour un gain immédiat au détriment
de toute tentative dans les filières
générales ? ». Même distance s’agissant de
la formation des maîtres : » Il faut se poser la
question du temps de formation. La nouvelle loi que j’ai
défendue et fait voter au Parlement permet aux
salariés du privé de se former en partie en dehors
de leur temps de travail en bénéficiant d’une
indemnité. On peut tout à fait s’inspirer de cet
accord interprofessionnel signé par l’ensemble des
syndicats du privé. Actuellement, faire fonctionner un
système de formation pour 800 000 enseignants avec des
remplaçants est beaucoup trop lourd ». Par contre il se
dit favorable à une aide plus ciblée pour les ZEP.
Le premier ministre a été plus positif, affirmant
que le rapport « fonde la nouvelle loi d’orientation sur
l’école » et qu’il s’agit d’une « contribution
centrale ». Surtout il a écarté la vague
passéiste chère à son ministre : » nous
avons tous été des praticiens, nous avons tous
vécu dans l’école. Il faut veiller à
ce que notre réflexion soit tournée sur les quinze
ans à venir et que l’on ne laisse pas nos nostalgies
guider notre pensée ». L’allusion est assez
transparente. J.P. Raffarin a annoncé lui aussi une
réforme de la formation continue des enseignants.
Entretien de F. Fillon
http://www.lefigaro.fr/france/20041013.FIG0208.html
Discours du premier ministre
http://www.premier-ministre.gouv.fr/acteurs/discours_9/discours_monsieur_jean_pierre_51339.html
Thélot mis en question par Fillon ?
« Que recherche François Fillon en ouvrant un nouveau
site Internet dédié à la préparation
et à la mise en œuvre de la loi d’orientation
sur l’Ecole ? » La FCPE voit dans l’ouverture du site
loi.ecole.gouv.fr une manœuvre ministérielle pour
contester la légitimité de la consultation
menée par la commission Thélot. La FCPE a beau jeu
de rappeler que « le site Internet de la commission du
débat sur l’avenir de l’école a
reçu 50 000 messages résultant de la participation
de 15 000 internautes, et ce sur une période
d’environ huit mois. Cela doit sembler insuffisant ou
incomplet au Ministre de l’Education nationale. On
croît rêver ». L’association de parents
d’élèves pose une question : « Les citoyens
ont-ils répondu de travers ? Se sont-ils trompés de
priorité ? »
Communiqué FCPE
http://www.fcpe.asso.fr/article.aspx?id=386
La presse
Le Figaro contre Thélot
« Le «grand débat» fut mené, sans
réel diagnostic, autour de questions fumeuses,
incompréhensibles au commun des Français,
n’autorisant aucun écart ni aucune discussion sur le fond,
avant d’être «synthétisé» dans un
épais volume qui n’avait d’autre utilité que de
permettre d’accoler l’épithète
«démocratique» au rapport qui suivrait. Mais
la ficelle était énorme ». Chaque semaine, Le
Figaro Magazine continue sa campagne contre le rapport
Thélot et pour les « républicains » qui « aspirent
à une école égalitaire et non pas
égalitariste » .
Article du Figaro
http://www.lefigaro.fr/magazine/20041015.MAG0019.html
Le Figaro pour Thélot
Prenant le contre-pied des affirmations du Figaro Magazine,
Alain-Gérard Slama, dans une tribune du Figaro, affirme
que « au sein de la commission, les quelques intellectuels
proches de l’opposition qui ont participé, même par
intermittence, aux séances plénières ont pu
se faire entendre. Des accords substantiels ont pu être
acquis sans difficulté, dans la concertation ». Pour
A.-G. Slama, le rapport Thélot est « un texte qui
représente…, avec une légitimité sans
précédent, une formidable avancée »
Soulignons cet hommage aux enseignants : « c’est en dernier
ressort aux maîtres que reviendra, comme toujours,
l’initiative de développer en chacun l’essentiel,
autrement dit les ressources d’une pensée
autonome ».
Article du Figaro
http://www.lefigaro.fr/debats/20041018.FIG0323.html