Comment
lever le scepticisme ambiant et permettre le succès de tous à l’école ?
C’est sur cette question que l’association « A gauche en Europe », fondée par
D. Strauss Kahn et M. Rocard, a organisé le 11 septembre un colloque à
Paris, en présence de nombreux chercheurs en sciences de l’éducation. A
l’origine de cette rencontre il y a probablement trois faits : la fracture
entre le PS et les enseignants telle que les élections de 2002 l’ont
révélée, les mauvais résultats de l’enquête internationale PISA et l’horizon
ouvert par la récente étude de Thomas Piketty qui lie à nouveau la question
des moyens et celle de l’efficacité scolaire. Distribuée au colloque, une
étude d’Eric Maurin et Marc Gurgand fait le point sur les inégalités à
l’école. Rappelant que depuis les années 90 le système éducatif s’essouffle,
ils rappellent que les politiques menées jusque là pour démocratiser l’école
n’ont pas atteint leurs objectifs. Ainsi le classement d’un établissement en
ZEP est sans effet sur les résultats scolaires des élèves. Pour eux c’est
que les dispositifs sont mal mis en oeuvre. Ils oublient par exemple que les
inégalités se creusent dès le plus jeune âge, les familles défavorisées
offrant des conditions matérielles et culturelles très inférieures à leurs
enfants. Aussi, « c’est notre modèle de société tout entier qu’il faut
interroger » pour remédier aux inégalités. Lors des débats, Marie
Duru-Bellat montre l’importance de définir un socle de culture commune,
accessible à tous, ce qui implique une réforme de programmes qui sont
d’ailleurs déjà largement adaptés par les professeurs. Pour Agnès Van Zanten
la ghettoïsation dont sont victimes certains établissements est un important
facteur d’inégalités. Pour la casser il faudrait, au-delà des moyens, une
coordination des acteurs locaux (chef d’établissement, académie, élus
locaux, associations etc.) qu’il est trop rare de rencontrer. T. Piketty
établit qu’un effort de moyens sur les ZEP aurait un effet important sur la
réussite scolaire. Dominique Strauss-Kahn conclue avec un programme qu’il
résume ainsi : « concentrer les moyens publics sur ceux qui en ont besoin,
agir à tous les niveaux du système éducatif de la petite enfance à
l’université, veiller à ce que les enseignants gagnent à ces réformes…. Ce
que je propose, c’est non pas d’étendre le nombre de ZEP et d’enfants aidés
mais de permettre au système d’évoluer par approfondissement et
accroissement de l’effort sur les zones où se concentrent réellement les
difficultés. L’idéal consisterait à faire en sorte que le label ZEP ne soit
plus stigmatisant, mais devienne au contraire un signe de dynamisme. Pour
réaliser cet objectif, il faut s’en donner les moyens, il faut « ajouter un
deuxième étage à la fusée », et permettre à certaines ZEP de bénéficier d’un
dispositif supplémentaire que l’on pourrait par exemple concevoir sur le
modèle des EAZ britanniques. Il s’agirait d’un dispositif d’éducation
compensatoire, beaucoup plus concentré géographiquement que les 800 ZEP qui
totalisent aujourd’hui 20% des élèves. » Il propose de réduire l’effectif
des classes en ZEP à un maximum de 18 élèves ce qui diminuerait de 40%
l’écart de performances avec les jeunes hors-zep d’après Piketty. Autre
proposition : la création d' »instituteurs volants » chargés de donner du
temps pédagogique supplémentaire aux enfants en difficulté d’apprentissage
de la lecture et de l’écriture. L’augmentation des moyens apparaît à nouveau
comme une solution fiable à la crise de l’Ecole.
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