L’université d’été de Hourtin a commencé pour moi dans un hall d’aéroport devant un guichet vide. Après une heure d’attente passée à dévisager d’éventuels corréligionaires, j’ai fini par supposer que quelques une des personnes qui faisaient face à ce guichet, toujours vide étaient dans le même cas que moi quand j’ai enfin découvert qu’une personne qui paraîssait fort au courant (mais qui était-ce ?) m’a indiqué que la préposée prenait son petit déjeuner et allait venir. A l’allure de ce que l’on pourrait appeler (de profil) un garde du corps, j’ai estimé qu’il s’agissait du chauffeur de car et qu’il valait mieux le suivre, lorsque j’ai vu une cohorte lui emboiter le pas vers un car estampillé correctement.
L’arrivée sur le site d’un grand » raout aoutien » se traduit par la file d’attente. Heureux de me trouver dans la plus courte (et la plus importante, d’après moi : intervenant presse) je me suis vite aperçu que c’était aussi celle de tous ceux qui avaient des problèmes à régler. Ce qui n’était qu’une attente estimée en seconde s’est vite transformé en quelques minutes, voire davantage. Quand enfin arrive mon tour, trente secondes à peine ont suffit, l’informatique refonctionnait à nouveau.
Muni de mes précieux sésames, me voici en route vers les lieux du drame. Premier étape se fondre dans la foule. Pour ce faire rien de plus simple que d’endosser le petit sac à dos généreusement remis par l’organisation. Sa couleur rouge vous rend le plus anonyme possible, comme jadis le bleu de survétement des bidasses débutant formatait le plus rétif des antimilitaristes, une fois le coiffeur passé. Mais ici point de coiffeur, mais une autre épreuve, trouver l’hébergement. Le nom qui figure sur mon papier officiel ne correspond pas : la » résidence du soleil « , quel beau nom, n’était en fait que la » résidence du port « . A mon arrivée à la réception je découvre que j’ai un colocataire absolument inconnu. D’ailleurs je ne le connaîtrai jamais, il est venu se coucher avant moi et est reparti le lendemain sans demander son reste dès l’aube…
Tout est donc en ordre, prêt pour aller au front. Après avoir réussi à décrypter le plan, traversé une rangée de gendarmes, un secrétaire d’Etat arrivait muni de ses motocyclistes de rigueur, je me dirigeais vers le premier débat auquel je voulais assister. Un ami l’anime (notre rédac chef !) et je découvre qu’il y a pléthore d’intervenants. Chacun avec six à sept minutes tente de défendre son propos, sans jamais rien expliquer, ni prouver. L’un deux va même jusqu’à pousser la plaisanterie à dire qu’il n’a rien à dire, et que le temps qui lui est imparti risque d’être beaucoup trop court pour y parvenir, et que, donc, il donne tout de suite la conclusion : rien de nouveau sous le soleil. Mais là survient le pire : comme dans toute manifestation qui associe acteurs de terrains, institutionnels et commerçiaux d’entreprises, il y a toujours à la tribune ou dans la salle quelqu’un qui croit qu’il faut qu’il fasse savoir qu’il est là ou plutôt que le produit, ou le service qu’il vend est le meilleur. Alors il prend la parole, vend sa soupe, ne se préoccupe pas des personnes présentes (qui le lui rendent bien, ils sont tous des habitués).
Aux rituelles questions de la salle répondent les rituelles pirouettes des intervenants, mais l’impression de trouver de nouvelles idées, de vrais questions de débats relève plutôt du hasard, de la chance, ou même de l’erreur. Après avoir traversé plusieurs de ces salles, je me suis aperçu que l’important n’était pas tant les débats que ce qui se passe autour. C’est alors qu’une promenade dans le » village des partenaires » vous amène à vous alourdir très sérieusement de toutes les documentations généreusement données par ces mêmes commerciaux qui venaient de vendre leur produit dans le débat précédent. Quand à découvrir des nouveautés, là encore il faut chercher. Quand soudainement on tombe sur une séance de signatures. Car dans une rencontre comme celle-ci, il faut quelques bonnes signatures d’accord entre des partenaires qui s’engagent avec de beaux discours à des actions qu’ils ne méneront jamais eux-mêmes mais qui, ils en ont sûr, apporteront le bien-être technologique aux personnes pour lesquels ils oeuvrent. Peu importe le résultat du moment que l’annonce a été bien médiatisée, et là ça marche plutôt bien….
Et il y a ces moments magiques. Au sortir de la salle de presse, une de ces véritablement intéressantes personnes (VIP) est enfin disponible, débarassée de ces grappes d’admirateurs qui le captent dès la fin de leur intervention. Savant poête et philosophe, il préfère commencer par un instant de convivialité pour mieux se connaître avant de nous accorder, enfin au calme, le temps de la parole. C’est alors que l’on passe des trois phrases conventionnelles du débat, à la longue explication du sens, au véritable échange au cours duquel une pensée peut enfin se déployer. Ouf ! Votre serviteur tient enfin autre chose que ses » bons clients » habituels, il peut enfin rédiger le compte rendu d’une véritable rencontre et la faire partager à ses lecteurs. Mais bientôt vient l’heure du repas….
Le repas est un moment fort de ces rencontres. Entre foire d’empoigne pour obtenir la place, les mets, le vin et le café, et rencontres inopinées autour d’une tâche d’apéritif sur une robe toute neuve, il arrive que les propos échangés amènent à découvrir de vrais humains avec de vrais intérêts pour les sujets dont traite le colloque.
Quand arrive la fin de la journée, il faut penser, dit le journaliste, aux articles pour le lendemain. La rituelle salle de presse est peuplée d’écran, mais a de trop rares prises de courant pour staisfaire tout ces plumitifs devenus » claviéristes ou plutôt clavistes » qui se ruent sur leur ordinateur portable. Mais là survient la nouvelle difficulté de celui qui veut transmettre son » papier » ou plutôt son » écran « . La borne de réseau sans fil (Wifi) a un fonctionnement nettement trop aléatoire pour ne pas déclencher, l’ire, le rire ou simplement, faire renoncer le plus besogneux d’entre nous.
C’est alors qu’est survenue la catastrophe qui allait couronner cette première journée. Lors d’une manœuvre risquée pour brancher, enfin, la prise de l’ordinateur, le pantalon de votre serviteur a donné un grand signe de faiblesse de son coté le plus délicat, si cher à tous les tailleurs, l’entrejambe. Après réflexion et concertation, sachant que pour le lendemain matin l’article devait être en ligne et le pantalon réparé, le miracle s’est produit. L’amie du rédac chef (c’est pour ça qu’il est rédac chef) disposait dans son bagage du fil et de l’aiguille salvateur. C’est donc vers minuit que les travaux de couture ont commencé, alternant avec les travaux d’écriture. Terminés à l’aube l’université pouvait continuer, avec ses hauts et ses bas. L’essentiel était préservé, mon fond était bon, la couture tenait. Il ne reste plus qu’à présenter avec fierté ce travail de couture à ma conjointe, au retour, en espérant qu’elle n’en profite pas pour me désigner comme le futur responsable reprises et couture de la famille. Quant au rédac chef, imperturbable, il a continué à piloter ces comptes-rendus, animer ces tables rondes, intervenir dans ces débats.
C’est bien beau les universités d’été…
Bruno Devauchelle