P Picard
Claude Thélot, présentation des conclusions du Débat national pour l’Ecole
Le débat sur l’Ecole que nous venons d’organiser vient de se clore, et il va entrer dans une nouvelle étape avec la nouvelle loi d’orientation pour l’Ecole. Elle aura la même ambition que celle de 1989 : refonder nos ambitions pour les 15 ans à venir. Beaucoup des améliorations viendront des comportements, des têtes, parfois déformées par de l’ancienneté, de la fatigue… Et de temps en temps, les têtes doivent changer. L’Etat, dans son ensemble, et le système éducatif, vont changer la moitié de leurs têtes dans les années à venir. Il faut réembaucher des gens, mieux les recruter justement pour ce qu’on veut qu’ils fassent. Il faut penser ce renouvellement en fonction des ambitions qu’on a.
Nous avons mis, avec le Grand Débat, le processus dans le bon sens : à partir du diagnostic, il va être possible de mettre les moyens en cohérence avec les objectifs.
Certaines de conclusions du débat paraîtront banales, mais le tout est de voir ce qu’on va faire de ces paroles, en engageant les actions.
Quatre lignes de force
Je présenterai quatre lignes de force du débat :
– Une école organisée autour de la réussite de tous les élèves. L’Ecole n’est pas organisée autour de cette ambition des savoirs maîtrisés par l’élève, et dont le système s’assure. Dans l’organisation du système, cette manière d’évaluer et de définir les cadres d’action entraînerait une révolution. La réussite de chaque enfant ne lui est pas uniquement propre, elle est contenue dans ce qu’on veut que chaque élève maîtrise comme » culture commune « . C’est ce socle commun qu’il nous faut définir précisément, et nous assurer des moyens de le garantir à chacun. Les diplômes ont de la valeur, mais ne garantissent pas le socle de connaissance de son titulaire.
– Une partie minoritaire de nos concitoyens veut que l’école ne fasse qu’instruire, une autre veut qu’elle s’occupe de tout. Mais la grande majorité veut qu’on trace des frontières claires : ni tout faire à la place des parents, ni se contenter d’instruire sans éduquer. L’Ecole ne doit pas se substituer aux parents, mais elle doit aussi éduquer.
– L’école ne peut pas réussir seule, d’où l’idée des partenariats avec les parents ou d’autres intervenants.
– L’Ecole s’est éloignée du pays réel. On la comprend moins. La légitimité de ses règles et de ses procédures sont plus lointains pour le public. Les programmes sont plus difficiles à saisir. Retrouver une forme d’école de la Nation, c’est le meilleur moyen de motiver et travailler efficacement
Le débat a refusé toute forme nouvelle de décentralisation, et est très hésitant sur l’élargissement des marges d’autonomie des établissements. Le système doit rester national.
Sur la discrimination positive, chacun se demande ce qu’est l’égalité. Il ne faut pas qu’il y ait de divergences trop grandes dans les moyens donnés aux écoles, dans les méthodes d’enseignements, les programmes. Mais en même temps, une part d’entre nous sait que l’égalité n’est pas uniformité, qu’il faut faire différent pour être équitable. Cette tension n’est pas résolue et il appartiendra à la politique de la résoudre.
Quelques réflexions personnelles :
– Tout partenariat ne se vaut pas, il faut évaluer les partenariats à l’aulne des résultats obtenus. Il faudrait définir plus clairement les conditions d’une action efficace, et nul engagement des acteurs ne garantit la pertinence de l’action engagée. Des actions expérimentales efficaces cessent d’être efficaces dès qu’elles ne sont plus expérimentales…
– Il faut axer les projets sur ce que demande le pays : connaissances de base, compétences et règles de comportements pour être un citoyen intégré.
– Attention aux mauvaises simplifications qui laisseraient entendre qu’il existe des réponses simples. Il ne faut pas simplifier à l’excès et garder deux règles pour un fonctionnement efficace : un niveau stratégique (régional pour définir la politique de partenariat, et un niveau de l’action qui soit conçu au plus près du terrain, et pour lequel nos grandes structures nationales sont très peu adaptées.
– Si vous êtes favorables aux différences de traitement, il faut accepter l’idée qu’il y ait des classes de 35 là où ça va bien et de 10 dans les endroits où c’est difficile. Et si vous voulez prôner cette diversité croissante, vous arrivez à une conséquence importante : un renforcement des capacités des structures intermédiaires, des hiérarchies, des animateurs territoriaux, des évaluateurs. Sous le beau mot de diversité, se cachent des risques d’inégalités si ces ressources continuent à être insuffisantes sur le terrain. La force de nos systèmes résident dans la force de nos cadres intermédiaires. Elle est aujourd’hui dramatiquement insuffisante pour garantir que le système ne va pas exploser.
Le débat a été une réussite parce qu’il y a une très forte attente de la population envers son école. C’est bien pourquoi la manière dont fonctionne le système doit être en phase, et lisible, avec ces attentes. Allonger la solarisation obligatoire sans dire le contenu de cet allongement n’a pas de sens. Ce n’est pas la pensée du système qui compte, c’est son fonctionnement, au plus près du terrain. Faire réussir tous les élèves, voilà un vrai projet de fonder notre ambition républicaine