P Picard
Il y avait du beau monde. Des élus, des chefs de projets, des chargés de mission, des pilotes, des inspecteurs.
Du beau monde à la tribune, capable d’analyser ce qui dysfonctionne, de synthétiser les objectifs, de tracer les pistes.
Une salle pleine, attentive et riche de sa diversité : une instit de maternelle devenue adjointe à la ville après vingt ans de combat acharné contre cette misère sociale dont le flux ne fait que monter, comme une houle inexorable que la richesse et l’intelligence concrète de l’engagement des soutiers de terrain ne parvient plus à endiguer ; un syndicaliste-expert en analyse de projet agacé par les conversations ethnocentrées des enseignants, une agent de développement social sommé par sa communauté de commune de faire reculer la xénophobie, des élus fiers de ce qu’ils ont mis en place, des élus fatigués de ne pas se sentir assez soutenus, un thésard expert en développement de l’enfant, une responsable de centre social soucieuse de ne pas faire disparaître la richesse de l’humain dans la technocratie des dispositifs…
Un accueil impeccable de la ville, soucieuse de mettre à disposition tout ce que la douceur angevine pouvait apporter pour arrondir les angles d’un dossier aussi lourd.
Et malgré tout de l’insatisfaction quand le politiquement correct masque les limites du » il faut que « , ou du ressentiment quand une parole met en cause à la serpe ce qu’on aimerait voir développer. » Il faut passer de la présomption d’incompétence à la présomption de confiance » synthétisa un rapporteur. Dit autrement, Claude Thélot abonda : » Ce n’est pas la pensée du système qui compte, c’est son fonctionnement, au plus près du terrain « .
Et c’est bien ce qui fait mal : comment faire du consensus dans une société chaque jour plus inégalitaire ? Comment faire ensemble sans, à la fois et dans un mouvement paradoxal, donner à chacun, là où il est, la légitimité de son action, et tout à la fois l’interroger sur la manière dont, là où il est, il peut contribuer malgré lui, à renforcer ces inégalités qu’il dit vouloir combattre ?
En d’autres lieux, d’autres auraient dit : » Est-il possible, aujourd’hui, en France, de faire de la politique ? « . Malgré les frustrations et les envies, gageons qu’aucun des participants du Forum de Saumur n’est reparti avec moins d’envie de se remonter les manches pour convaincre son entourage de s’y mettre un peu plus.
Et c’est bien l’essentiel.