Internet c’est magique. C’est vraiment le cas sur « Magicmaths », le site de Thérèse Eveilleau. Professeur en IUFM, T. Eveilleau met en ligne et en images interactives des tours de magie pour mieux enseigner les mathématiques au primaire. Comme si le jeu c’était sérieux.
FJ- L’informatique et les maths, c’est déjà une longue histoire. Dans le cas de « Magicmaths » ça s’est passé comment ?
TE- L’informatique au service des maths est précieuse : le temps passé à créer des animations est compensé par l’efficacité en cours et surtout par l’intérêt suscité. J’ai pu le constater de nombreuses fois.
Aussi ai-je essayé de récapituler d’abord pour mon plaisir et pourquoi pas pour celui des autres les différentes activités qui se sont révélées très motivantes. Et puis l’idée de créer des petits tours de magie en ligne m’a séduite et beaucoup amusée. Cela démystifie certains résultats soi-disant extraordinaires ou miraculeux… En cours cela marche bien, alors pourquoi pas de façon interactive en ligne ? La mise en ligne s’est faite petit à petit, et s’est étoffée grâce aux encouragements continus des internautes : petits et grands, collégiens, lycéens, profs et parents.
FJ- Pour un site de maths, votre web est original. Il ne propose pas de cours, pas de théories, encore moins d’exercices.
TE- S’il s’agit de cours magistraux ou frontaux… effectivement ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu réaliser ici. Ce site n’est ni un cours en ligne, ni une réserve d’exercices. Pour cela il existe de nombreux livres bien réalisés qui permettent de couvrir les programmes de chaque année. On peut les lire, les feuilleter, griffonner, tourner les pages et c’est bien. Les différentes façons de procéder sont utiles et complémentaires.
J’ai choisi des thèmes particuliers pour lesquels l’animation et l’interactivité sont une plus-value. Dans les situations ou activités proposées, chacun agit, découvre, émet des hypothèses, les teste, les remet en question et enfin valide ou corrige. Le site repose sur une idée de l’apprentissage qui est d’abord basée sur l’activité. La théorie vient ensuite.
Par exemple, prenons la page http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/jeux_mat/textes/oiseaux.htm . On commence par l’activité du pavage : recouvrir complètement une surface donnée avec un motif donné. On joue sans doute, mais on manipule des objets mathématiques : algorithmes, rotations et translations. Enfin quand le pavage est complet, la danse des oiseaux permet une analyse plus fine des rotations des oiseaux autour des centres de rotations.
Cette activité permet à l’élève d’expérimenter les transformations ; il y prend plaisir. Je suis toujours étonnée par la ténacité des élèves dans cette activité. Ensuite, on a envie d’inventer un motif. J’ai été très étonnée de voir des CE2 ou CM1 aller d’eux-mêmes au paragraphe secret de fabrication du gabarit pour créer leur motif personnel.
Enfin si on veut aller plus loin, au lycée on peut se demander pourquoi ça marche ? Une analyse mathématique plus délicate est proposée au paragraphe suivant. Mais elle ne vient qu’après l’expérimentation. D’autres pages présentent une étude plus poussée des pavages.
Ainsi, le site propose cinq rubriques qui évoluent régulièrement.
Maths et magie :
-des petits tours de magie : des calculs sont proposés ; un petit tour est effectué… il s’agit d’essayer de deviner comment ça marche et, pour les plus grands, pourquoi ! Tout est mathématique.
-des jeux à stratégie ; des puzzles numériques ou non ; des carrés magiques avec un peu de théorie pour les plus grands. La plupart des activités sont autovalidantes et quelques unes sont chronométrées.
Histoire : Calendriers, mesures, journée de 24 heures, histoires… pour tous.
Trucs maths : plutôt à partir du collège, mais certaines rubriques sur les opérations anciennes et à la règle, sur la magie du calcul sont accessibles dès l’école primaire.
Paradoxes : de quoi se creuser les méninges… pour les plus grands si l’on veut tout comprendre.
Délices pour une morale de la rigueur : en maths il ne faut jamais se fier aux apparences ; à chaque fois une vérification interactive et rigoureuse est proposée.
FJ- Généralement les maths ne sont pas associées au jeu. Quelle peut être sa place dans l’enseignement des maths ? Le jeu n’est-il pas en opposition avec le souci d’effort et de rigueur ?
TE- Pas d’effort dans le jeu ? Un joueur d’échec, me semble-t-il, réfléchit beaucoup. Tout dépend de la définition du jeu. Je préfère parler d’activité ludique, d’enjeu et de but à atteindre en mathématiques. Il y a alors des règles du jeu et il faut les appliquer correctement. C’est là qu’est la rigueur des mathématiques. On n’a pas le droit de tricher.
Je vais prendre deux exemples
– Un exemple numérique : le jeu du lièvre et de la tortue ( http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/jeux_mat/textes/course.htm ). Il s’agit d’une course vers un nombre donné. Pour le cycle 3, je recommande de choisir une course à 20 avec un pas maximal de 2. Les élèves alors réfléchissent, conjecturent, essaient, vérifient, corrigent eux-mêmes leurs erreurs et enfin arrivent à trouver une stratégie pour gagner. J’ai été très étonnée par la motivation, la concentration, la persévérance et la capacité à raisonner et argumenter des jeunes élèves pratiquant ce jeu. Guidés par le maître ils s’écoutent entre eux, confrontent leurs résultats, acceptent leurs erreurs et continuent à chercher.
– Exemple des patrons du cube :
http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/jeux_mat/textes/dominocube.htm Il montre comment à partir d’un seul patron du cube on peut les trouver tous. Ce qui est visé ici est la procédure logique utilisée : souci de rigueur dans la méthode.
Bien sûr « le jeu » est choisi en fonction d’un objectif précis. S’il est bien choisi, je crois qu’il favorise l’effort et la concentration de par la motivation qu’il crée. On ne peut pas tout résoudre ainsi, mais quand c’est possible ce serait dommage de s’en priver.
FJ- Comment intégrez-vous l’utilisation du site dans la formation des élèves maîtres ? Cela modifie-t-il leurs pratiques en classe ?
TE- Je n’utilise pas de la même façon mon site en PE1 et en PE2 ou en formation professionnelle. J’ai un ordinateur dans ma salle et je peux utiliser un vidéoprojecteur ou une grande télé (nettement moins bien…).
En PE1, pour la préparation au concours, j’illustre mon cours par des animations : tracés de courbes, figures géométriques dynamiques. Nombre d’entre elles ne sont pas dans mon site puisque associées à des exercices particuliers pour le concours. J’exploite également quelques tours de magie : il s’agit d’abord de conjecturer et d’essayer de retrouver les procédures qui permettent au ‘magicien’ de trouver le résultat… puis de faire les mises en équation et de les résoudre pour expliquer l’astuce. J’utilise évidemment la partie Trucs maths.
Quelques autres exemples :
– Les solides de Platon, je les fais trouver et construire rapidement en utilisant du matériel adapté type polydron : polygones emboîtables en plastique. Ensuite on fait une analyse plus fine, et je termine cette fois par la page http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/truc_mat/textes/platon.htm . Selon ses envies personnelles, chacun peut exploiter les jeux. http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/jeux_mat/textes/dominocube.htm ou
http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/jeux_mat/textes/triominoctaedre.htm
– Exemples de courbes
http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/truc_mat/textes/cylindre.htm
Cette page me permet d’illustrer dynamiquement l’évolution du volume d’un cylindre en fonction du diamètre ou de la hauteur.
– Le nombre d’or est un thème que nous travaillons plus ou moins selon les groupes en géométrie ou en algèbre. La page http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/truc_mat/textes/rectangle_dor.htm permettent à chacun d’étudier ce qui l’intéresse : histoire, constructions, animations, démos… Le nombre impressionnant de courriers venant des lycéens sur ce thème est assez révélateur de l’intérêt porté au nombre d’or.
– Les clés de détection d’erreur (numéros des billets) sont cette fois un point de départ pour montrer l’intérêt de la numération décimale (opérations sur les très grands nombres infaisables avec une calculette) et les critères de divisibilité. Ici une vérification des résultats est proposée à chaque fois de façon interactive.
http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/truc_mat/textes/cles.htm
En PE2, nous travaillons sur les programmes et essayons dans la mesure du possible d’utiliser des situations où l’enfant est en activité. Chacun avec sa sensibilité choisira sa façon d’enseigner. Mais j’essaie de privilégier l’apprentissage par la résolution de problèmes. Le mieux est que les PE2 vivent eux-mêmes les situations qu’ils proposeront.
En formation continue : donner des exemples prêts à l’emploi est aussi un bon moyen de convaincre, alors je n’hésite pas à utiliser certaines animations et à les faire expérimenter.
Un exemple d’étude :
– L’addition, j’ai constaté que les tables étaient peu apprises… Je trouve cela dommage. Plusieurs activités peuvent faire comprendre certaines propriétés de l’addition. Par exemple, avec le puzzle permettant de reconstituer la table, http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/jeux_mat/textes/tab_addit.htm on peut confronter les différentes stratégies utilisées implicitement par les élèves de cycle 2 : consécutivité des nombres, diagonales de 8 par exemple… ainsi on mettra en évidence des propriétés intéressantes.
La page http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/jeux_mat/textes/bubble+.htm permet de faire calculer mentalement et rapidement de petites additions.
La page http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/jeux_mat/textes/france.htm est une autre façon de faire du calcul mental additif, tout en découvrant les départements de la France.
La règle à calcul additive (intermédiaire avant la connaissance des tables) est intéressante à plusieurs niveaux… http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/truc_mat/textes/addition.htm pour le maître : on étudie pourquoi ça marche ? (Thalès…) et pour l’élève (d’ailleurs elle peut être construite par les plus grands pour les plus petits). Elle est très facile d’utilisation et c’est mieux qu’une calculette car l’association : 7+8 =15 ou 8+7=15 correspond à une représentation sur la droite numérique. J’ai construit le même principe pour la multiplication avec la table de Matiiassevitch
Les soustractions magiques
http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau/pages/truc_mat/textes/kaprekar.htm amènent les élèves à faire de nombreuses soustractions (entraînement).
Opérations anciennes… magie du calcul… Ces situations sont souvent un point de départ pour un travail et une réflexion plus approfondie autour de l’apprentissage des maths à l’école.
Je pense qu’après avoir réfléchi sur les compétences mises en oeuvre au cours d’activités motivantes, les formés repartent avec une autre image des mathématiques et de leur enseignement. A chacun alors de compléter ses recherches, car le nombre d’heures de formation en mathématiques est assez restreint malheureusement.
Entretien : François Jarraud
http://perso.wanadoo.fr/therese.eveilleau
Contacter Thérèse Eveilleau : therese.eveilleau@wanadoo.fr