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Entretien avec Olivier TaDuc, scénariste-dessinateur « Le principal n’est pas d’être uniquement bon en dessin, il faut également aimer raconter des histoires. » – Entretien avec Olivier TaDuc |
– Vous avez présenté au 29e festival de la bande dessinée d’Angoulême les brouillons, croquis et planches de l’album « Entre deux rives », cinquième album de la série CHINAMAN sur laquelle vous continuez de travailler puisque vous prévoyez au minimum une quinzaine d’ albums.
Pouvez-vous nous dire quelles sont les étapes de la réalisation de cet album ?
Page 5 (=> Voir le scénario de cette page)
Etape 1 : prédécoupage
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Etape 2 : découpage
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Etape 3 : encrage
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Etape 4 : couleur |
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L’idée
La série Chinaman vient du fait que j’adore à la fois les westerns, en films et en BD, et les films d’arts martiaux, que j’ai d’ailleurs découverts à l’époque de mes études. J’avais envie de marier les deux univers, il faut dire que je suis moi-même d’origine asiatique.
Je me suis souvenu qu’au dix-neuvième siècle, à l’époque de la ruée vers l’or, il y avait eu une forte immigration chinoise en Californie. A l’occasion d’un voyage à San-Francisco je suis allé visiter le musée chinois à Chinatown où j’ai trouvé toute la documentation sur la vie de ces immigrants.
Ma femme Chantal, qui est professeur d’anglais, m’a aidé à exploiter ces documents qui fournissent la base, que j’ai voulue réaliste, aux scénarios des albums, même si ces derniers ne sont que des œuvres de fiction(nous sommes dans l’aventure).
Nous avons imaginé un Chinois, Chen, que les officiers du service d’immigration ont rebaptisé « Chinaman » , comme ils le faisaient pour la plupart des Chinois, parce que cela leur était plus facile à prononcer.
Nous avons proposé à Serge Le Tendre de se joindre à nous pour mener à bien ce projet.
Le scénario
Pour écrire l’histoire d’un album, nous nous réunissons, mon scénariste Serge Le Tendre, ma femme et moi-même, autour d’une table et nous commençons à lancer des idées qui serviront ou non à l’élaboration du récit. Puis petit à petit , la trame de l’histoire se construit, plus ou moins facilement, jusqu’à ce que nous soyons satisfaits, et surtout que nous soyons tous les trois d’accord. Cette étape dure généralement 3 à 4 jours.
Serge repart ensuite avec ce travail et commence le découpage du scénario en séquences ; il imagine chaque page (nous avons opté pour le format classique d’un album de BD , c’est à dire un album en couleurs de 46 pages, avec 8 à 10 cases en moyenne par page).
Pour chaque page, il indique le nombre de cases, précise ce qu’elles contiennent et propose le texte des bulles. Lorsqu’il a fait ainsi une dizaine de pages, il me les apporte. Nous retravaillons ce scénario si nous le jugeons nécessaire, il se peut que nous décidions de rajouter, ou au contraire de supprimer une case, voire de réécrire totalement des pages, notamment pour les séquences d’action.
Ensuite nous commençons à découper ce scénario à l’aide de petits croquis très schématiques afin de placer les cases, de déterminer leur taille et leur orientation ainsi que les principales masses (personnages, décors….).
Une fois ce travail fini (en général nous découpons une dizaine de pages dans la foulée), Serge regagne ses foyers (il habite Rennes, moi la région parisienne) et me laisse seul face à ma table à dessin.
=> Voir le scénario de la page 5
Première ébauche des planches
Je commence à ébaucher les planches que nous avons ainsi conçues; j’en fais un brouillon assez précis, avec personnages et décors, en prenant soin de laisser certaines cases sans décor pour ne pas surcharger la page, et de laisser la place pour les bulles.(étape 2)
Cette étape, qui me prend en général entre 2 à 3 heures, nous permet de vérifier que le texte s’adapte bien à l’image, le cas échéant Serge me fait une nouvelle proposition que je valide une dernière fois.
La page définitive
Je prends une feuille de papier, relativement épaisse, deux fois plus grande que la dimension finale de la planche, sur laquelle je trace les cases et exécute le dessin définitif, au crayon tout d’abord et ensuite à l’encre de chine avec une plume ou un pinceau. J’obtiens ainsi, au bout de trois à cinq jours, une page en noir et blanc.(Étape 3)
J’envoie alors les planches à l’éditeur, afin qu’il fasse imprimer, pour chaque planche, le dessin sur un film transparent et sur une feuille de papier exactement du même format( le format de publication), le même dessin de la page mais avec un trait gris à la place du trait noir. C’est ce qu’on appelle un « gris » ou un « bleu ».
La coloriste Céline Puthier applique les couleurs sur ce « gris » avec de la gouache ou des encres, et superpose le film au trait noir afin de récupérer le trait de contour (étape 4).
Je tire une photocopie de chaque planche, sur laquelle j’inscris toutes les indications nécessaires : zones d’ombre, le temps qu’il fait, si nous nous trouvons le jour ou la nuit….
– Vous travaillez avec une coloriste, alors que vous aimez beaucoup vous-même colorer vos planches : pourquoi ?
C’est une question de temps. Les délais imposés par les éditeurs sont trop courts pour que je puisse moi-même mettre mon travail en couleur. Mais il m’arrive de faire la couleur pour certains dessins, notamment les couvertures.
Mais je n’exclus pas de mettre un jour mes albums en couleur et éventuellement d’en faire un en couleurs directes (c’est-à-dire de poser la couleur directement sur l’original et non plus sur le gris).
– Comment êtes-vous venu à la BD ?
J’ai toujours aimé dessiner. J’ai commencé tout petit. Je faisais des BD, mais je ne pensais pas du tout en faire mon métier car c’était plutôt un passe-temps.
C’est venu beaucoup plus tard.
J’ai commencé des études de médecine, que j’ai rapidement abandonnées ou plutôt elles m’ont abandonné, alors j’ai décidé de me lancer dans l’aventure de la bande dessinée et ça a marché. J’envisage fort bien de faire ce métier tout au long de ma vie.
– Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui seraient attirés par la BD ?
Le principal n’est pas d’être uniquement bon en dessin, il faut également aimer raconter des histoires : dans une BD, le dessin est au service du récit. Il faut surtout être passionné, mais cela ne s’apprend pas !
Propos recueillis par Caroline d’Atabekian et Jacques Julien