Olivier Rimbault, voix vivante du latin
J’ai 38 ans, je suis capésien et n’ai fait mes études de lettres classiques que par amour du latin et du grec, sans réfléchir à la suite. Le suite, ce fut l’enseignement en collège où je n’ai jamais enseigné que le latin. Après l’avoir fait pendant 10 ans selon les programmes en vigueur (d’abord avec les textes adaptés, ensuite avec les textes authentiques), j’ai épuisé mon imagination pour rendre mon enseignement attractif et en même temps exigeant en termes de compétence linguistique. Tout y est passé : les jeux en tous genres pour étudier la civilisation, le voyage en Provence romaine, les chasses aux trésors dans les sites locaux, les échanges en latin par e-mail avec des Américains ou des Suisses allemands, etc, etc. Chaque fois bien sûr, en demandant aux élèves d’être les acteurs des projets. Mais au bout de 10 ans, c’est mon échec à envoyer plus de latinistes au lycée qui m’a décidé à tout revoir. Et j’ai alors composé le numéro de téléphone, trouvé sur internet, de l’un des deux responsables des conventions de « latin vivant », entendez de latin parlé, qui se tiennent chaque été en France – comme d’autres dans toute l’Europe et dans tout le continent américain – et dont on ne m’avait jamais parlé.
Ce fut pour moi une découverte et un tournant dans mon enseignement. C’était il y a un an et demi, je ne peux donc pas donner un témoignage encore décisif. Mais je peux dire d’ores et déjà que ce fut pour moi un nouveau souffle inespéré et je ne reviendrais pour rien au monde en arrière. J’ai découvert d’abord un réseau de collègues du monde entier qui ont bien plus d’expérience que moi et qui prouvent, même s’ils sont une minorité ignorée, enviée ou méprisée, que le latin n’est jamais devenu une langue morte ou même « ancienne ». J’ai adopté le cours utilisé par la plupart de ces collègues et mis au point par un vieux professeur danois, le prof.Orberg, que je tiens pour l’abbé Lhomond du XXème siècle. Ce cours permet en effet d’enseigner le latin sans jamais passer par la langue française et des analyses grammaticales systématiques, comme le font très naturellement nos collègues de langues « vivantes ». Il mise tout sur une lecture cursive progressive qui permet aux élèves vraiment doués pour le latin d’accéder sans peine au bout des années de collège à une compréhension sans dictionnaire et ad verbum de textes authentiques. J’ajoute à ce cours des activités ludiques et interactives de toutes sortes (utilisation de transparents, de diapositives, de cassettes audio, correspondance en latin toute l’année, etc) qui lui donnent toute son efficacité, si tout cela est conduit en parlant latin presque systématiquement.
Parler latin demande certes au professeur autant de travail qu’à l’élève. Mais il suffit de se mettre à écrire en latin quotidiennement pour comprendre que ce n’est pas hors de portée et que c’est même le moyen le plus naturel pour un professeur de se perfectionner et de faire vivre sa matière. Au bout d’un an de travail solitaire, je pouvais parfaitement échanger et plaisanter au téléphone avec un collègue italien ou croate, en latin. La méthode classique enseigne le latin uniquement comme une langue culturelle alors qu’il peut être aussi un moyen de communication. La communication n’est qu’un moyen : la fin reste surtout la lecture des textes anciens. Mais apprend-on à lire Shakespeare dès la 6ème ?
La méthode Orberg et la méthode qu’un professeur de l’université de Pau, Claude Fiévet, appelle audio-orale sont deux méthodes distinctes donc, mais parfaitement complémentaires. Dois-je préciser qu’elles sont contraires à l’esprit et aux détails de nos programmes officiels ? Ceux qui voudraient se lancer dans l’aventure doivent en informer leur inspecteur. Le mien m’a demandé d’évaluer l’expérience avec l’INRP par exemple. Il serait encore plus intéressant pour l’inspection générale que plusieurs professeurs s’unissent et fassent cette évaluation de concert, prouvant ainsi que nous pouvons faire nous-mêmes de nouvelles propositions pour sortir notre discipline de l’ornière où elle se trouve… depuis longtemps. Je pense même que c’est une question de vie ou de mort pour la matière, et pour certains d’entre nous une occasion de retrouver le dynamisme, l’espérance et tout simplement la joie d’enseigner une langue internationale unique au monde par son ancienneté et sa richesse culturelle !
Pour commander en France les livres de la méthode Orberg et avoir un aperçu par internet : http://www.lingua-latina.dk
Un site complet sur cette double méthode pédagogique fait par un collègue italien :
http://space.tin.it/scuola/strocc/index.html
Olivier Rimbault – Olivarius Rimbault
Cursus electronicus : olivier.rimbault@wanadoo.fr
http://www.frenchcom.com/moissac/latinus/index_l.htm
http://digilander.iol.it/Marziale/Grex/pinakes/0027.html