Egalité : Qu'attend l'Education nationale ?
"Ca ne suffit pas les déclarations d'intentions. Je ne comprends pas le silence de l'Education nationale. Il faut qu'il se passe quelque chose". Quelque chose s'est pourtant bien passé, le 18 mai, lors de la Journée Jeunes pour l'Egalité organisée par la région Ile-de-France. Toute l'après midi des dizaines de lycées, venus de lycées professionnels ou de quartiers populaires, slament, dansent, chantent, jouent pour l'égalité entre filles et garçons. L'initiative lancée par Henriette Zoughebi, vice-présidente de la région Ile-de-France, est un succès mais reste boudée par l'Education nationale.
"Y'a des personnes qu'ont des cerveaux d'hommes des cavernes, Ils ont des pensées ternes, ce sont des hommes des tavernes, Ils disent que les femmes sont des machines". Heguel, un lycée de terminale Maintenance (MEI) du lycée Bartholdi à Saint Denis (93) affronte les projecteurs le 18 mai pour slamer devant 400 lycéens réunis pour la journée Jeunes pour l'Egalité. Lui succèdent les élèves de Suger qui partent de la vie d'Angela Davis pour évoquer en chanson, à travers de petites scènes, d'autres grandes figures de l'égalité, accompagnés à la guitare. Toute l'après-midi , l'éducation morale et civique est mise en action à travers l'expression artistique. Les exhibitions sont accompagnées par une exposition de posters sérigraphiés et par la diffusion de magazines réalisés par les lycéens.
Travailler les valeurs avec des artistes en français
"Ca fait deux ans que je participe à Jeunes pour l'égalité", nous dit Christine Gaucher, professeure de français au lycée Parc de Vilgenis de Massy (91). "Je le referai. En lycée professionnel, les classes sont rarement mixtes et les stéréotypes sexués très forts. Le dispositif permet un travail extraordinaire". En première gestion administrations, ses élèves ont longuement travaillé pour réaliser le quatre pages du lycée. Ils ont choisi des thèmes, fait des recherches avec la professeure documentaliste, mis en forme d'articles ce qu'ils voulaient dire, un travail qui entre dans le programme de 1ère pro sous l'angle de la philosophie des Lumières. Jeunes pour l'égalité c'est aussi, après les attentas de janvier et des refus de participer à la minute de silence, une rencontre avec des journalistes sur la liberté d'expression. "C'est uen action qui a du sens et qui est belle", résume C Gaucher.
Les lycéens de 2de pro photographie de Karima Ikène se font remarquer sur scène. Professeure de lettres histoire au lycée Suger de Saint-Denis, K Ikène participe pour la troisième fois à Jeunes pour l'égalité et elle aussi est prête à renouveler l'expérience. "C'ets un travail très important sur les valeurs. En français on a travaillé sur Angela Davis et d'autres auteurs sous l'angle des parcours de personnages et de la construction du héros". Le travail s'est fait avec une comédienne, Anne Sophie Juvénal. "On travaille des compétences de français : lecture, écriture, vocabulaire, diction. Mais c'est aussi l'occasion de montrer que la littérature est un plaisir et de donner le gout de l'écriture et de la lecture. Enfin on fait un travail important sur une valeur comme l'égalité. Les élèves prennent conscience de son importance".
A Saint-Denis, c'est Glee !
Lancé dès 2011 par H Zoughébi, Jeunes pour l'Egalité engage maintenant 28 lycées. Le dispositif prévoit une formation des équipes éducatives, enseignants mais aussi CPE, infirmière, assistante sociale, à l'égalité filles garçons. Il y a ensuite des séances d'échanges avec les élèves sur les stéréotypes de genre, puis des ateliers de mise en pratique sous forme de création graphique, d'écriture de texte ou de réalisation audiovisuelle, ou encore d e théâtre forum. Ces travaux sont mis en valeur lors de la Journée de restitution.
Le 18 mais on se croirait dans Glee, ce feuilleton populaire chez les jeunes et qui véhicule des idées positives sur la vie en société. Les lycées font un vrai show qui les engage. Ils se donnent à voir à leurs camarades et l'émotion est bien là.
Que l'Education nationale s'engage vraiment
"Depuis 2011, des milliers de jeunes ont pu en profiter", souligne H Zoughébi. "Mon attente c'est que les académies s'en emparent". Mais le 18 mai, pas de représentants des académies franciliennes. L'effort important de la région (près de 500 000 euros) sur un thème majeur de la formation civique ne semble pas intéresser l'Education nationale. "Les enseignants me disent qu'ils sont sidérés par les propos tenus par certains jeunes. Mais souvent ils sont désarmés pour répondre. Dans Jeunes pour l'égalité il y a un temps pour former les équipes. On le fait souvent devant une équipe d'un seul lycée. On pourrait le faire devant plus d'enseignants, de CPE, de personnels médico-sociaux. Mais les académies ne relayent pas", explique H Zoughébi. "On travaille les stéréotypes avec les adultes et les jeunes. On s'adresse à eux dans un esprit de dialogue en les invitant à dire leur ressenti, pour construire des idées plus positives au terme d'un travail approfondi.
"Ma conviction c'est que cette inégalité entre filles et garçons est bloquante pour beaucoup d'élèves, filles ou garçons, pour leur orientation", estime H Zoughébi. "Je suis déçue qu'il n'y ait pas plus de répondant du coté Education nationale. Les déclarations d'intention ne suffisent pas. La région est prête à être partenaire si les académies franciliennes veulent s'engager. On peut former les équipes éducatives".
S'adressant aux jeunes, H Zoughébi leur dit : "Je veux qu'à un moment on se rende compte de votre créativité, de vos rêves d'un monde meilleur". Le rêve de voir tous les lycées franciliens engagés réellement dans une démarche d'égalité filles - garçons reste à saisir. Qu'en disent les recteurs ?
François Jarraud
Par fjarraud , le mardi 19 mai 2015.