AUTORITE PARENTALE, LE REGARD D'UN JUGE
Isabelle Lardon
Marc FRICOTEAUX, vice président chargé du tribunal pour enfants d'Angers, a apporté son regard de juge qui doit traiter à la fois la protection de l’enfance et le droit de la famille. Entre répression et éducation, ce professionnel de la justice ne choisit pas, mais applique les deux. Il condamne pour protéger et il joue de pédagogie vis-à-vis des familles et des enfants concernés par des mesures judiciaires.Ce sont des situations de paroxysme qui arrivent à la justice mais dans le quotidien des éducateurs, dans les structures scolaires, on retrouve des situations similaires. Cette conférence a été très appréciée, sans doute du fait des situations concrètes abordées, des illustrations nombreuses et des réponses sans détour aux questions de la salle.
DéfinirMarc Fricoteaux veut d'abord poser une définition de l’autorité parentale.
La loi du 4 mars 2002 a remanié un article du Code civil :"L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant ». Elle appartient au père et à la mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.
Entre laxisme et manque de repères d'un côté, et autorité brutale de l'autre dans l’exercice de cette fonction, il y a de nombreux cas de figure où l'autorité parentale est mise à mal : dans des cas graves lorsqu’il y a conflit entre les parents, parents délinquant ou en cas d'agression sexuelle, mais aussi dans certains cas moins graves :- Lorsque les valeurs éducatives sont transmises de façon trop autoritaire et que l’enfant est sous contrôle constamment. Au moindre défaut de surveillance, il en « profite »
- lorsque l'adulte n'arrive pas à changer de registre, par exemple passer du jeu à l'autorité. C'est parfois difficile à assumer car le parent ne sait pas se positionner. Il partage une activité avec son enfant, il est sur le même plan que celui-ci et d’un seul coup, parce qu’il est l’heure d’aller se coucher par exemple, il doit imposer une contrainte et assumer une responsabilité d’adulte.
- Certains parents appliquent les bonnes règles mais avec tant d'angoisse que celle-ci transparaît. Ils savent quoi faire mais ont besoin d'être rassurés dans leur rôle de parents. Parfois aussi, ils affirment une règle sans en être convaincus…
Pour que l’autorité parentale s’exerce, il faut respecter une certaine cohérence dans les règles à l’intérieur de la famille. Pour que l'enfant s'y retrouve, le père et la mère doivent fournir d’une part, des réponses réfléchies et non pas changeantes ; d’autre part, ces réponse doivent être communes. Sinon, l'enfant joue de cette ambiguïté et il a vite fait de s’engouffrer dans la brèche du désaccord. Néanmoins, il n'y a pas de modèle unique qui fonctionne. Tous les modèles éducatifs peuvent échouer…
AppréhenderEntre enfant en danger et enfant dangereux, entre enfant en souffrance et enfant qui fait souffrir autrui, il faut voir les signes d'alerte : des relations difficiles avec ses pairs, un comportement tyrannique avec sa mère (à qui il donne des coups de pied par exemple). L’enfant a besoin qu’on s’intéresse à lui, il va tout faire pour être vu, même si c’est à travers des « bêtises » quand il est petit. Quand un signe apparaît et que les parents ne veulent pas le voir, quand ils banalisent un comportement déviant, l'enfant va de plus en plus loin dans la transgression. Tout le débat de l'éducation est entre surveiller et faire confiance. Eduquer c'est aller vers l'autonomie. Cela demande aux parents de pouvoir réinterroger les règles sans les remettre en cause sans arrêt et trouver une zone d'équilibre entre leur capacité d'écoute et l’expression de leur fermeté. C’est un « métier » difficile que celui de parents…
C’est souvent l’école qui pointe les difficultés comportementales des élèves et quand elle le signifie aux parents, ceux-ci le ressentent comme une agression personnelle, comme si on leur disait : « Vous êtes de mauvais parents ». L'école doit aussi faire appel à d'autres professionnels, travailleurs sociaux, parce qu'elle n'a pas à connaître tous les avatars d'une situation familiale. Elle a seulement besoin de savoir certaines choses qui lui permettront de mieux comprendre les conséquences sur le comportement de l'enfant ou sur ses résultats scolaires.
C'est de plus en plus tôt qu'on sollicite le juge pour dire à des parents qu'ils doivent affirmer leur autorité (avant, c'était pour des ados, maintenant pour des enfants de 7-8 ans). Traiter la question précocement ne signifie pas croire à un déterminisme et soutenir l'idée que chaque enfant perturbé est un futur délinquant (référence au rapport de l'INSERM).
Alors, quand les parents n’y arrivent pas, quand la protection d’un enfant n’est pas assurée, le juge est amené à intervenir par une mesure d'AEMO. Quand une mesure est mise en place, le juge explique la loi, montre ce qui ne va pas et ce qui peut être amélioré. Quand la mesure s'arrête, le juge pointe ce qui a avancé et ce qui reste à faire.
RelativiserL’approche de Marc Fricoteaux est tout en nuances.
Même si les parents sont délinquants et si leurs attitudes sont parfaitement condamnables, il s'agit de ne pas les disqualifier en tant que parents, de travailler à maintenir des liens familiaux et à restaurer cette autorité.
Même s’ils ne savent pas se positionner comme parents, s’ils sont débordés par leurs enfants, il faut les aider à prendre, reprendre leur place et faire attention à ne pas renforcer leur situation de fragilité.
Marc FRICOTEAUX, vice président chargé du tribunal pour enfants d'Angers, a apporté son regard de juge qui doit traiter à la fois la protection de l’enfance et le droit de la famille. Entre répression et éducation, ce professionnel de la justice ne choisit pas, mais applique les deux. Il condamne pour protéger et il joue de pédagogie vis-à-vis des familles et des enfants concernés par des mesures judiciaires.Ce sont des situations de paroxysme qui arrivent à la justice mais dans le quotidien des éducateurs, dans les structures scolaires, on retrouve des situations similaires. Cette conférence a été très appréciée, sans doute du fait des situations concrètes abordées, des illustrations nombreuses et des réponses sans détour aux questions de la salle.
DéfinirMarc Fricoteaux veut d'abord poser une définition de l’autorité parentale.
La loi du 4 mars 2002 a remanié un article du Code civil :"L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant ». Elle appartient au père et à la mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.
Entre laxisme et manque de repères d'un côté, et autorité brutale de l'autre dans l’exercice de cette fonction, il y a de nombreux cas de figure où l'autorité parentale est mise à mal : dans des cas graves lorsqu’il y a conflit entre les parents, parents délinquant ou en cas d'agression sexuelle, mais aussi dans certains cas moins graves :- Lorsque les valeurs éducatives sont transmises de façon trop autoritaire et que l’enfant est sous contrôle constamment. Au moindre défaut de surveillance, il en « profite »
- lorsque l'adulte n'arrive pas à changer de registre, par exemple passer du jeu à l'autorité. C'est parfois difficile à assumer car le parent ne sait pas se positionner. Il partage une activité avec son enfant, il est sur le même plan que celui-ci et d’un seul coup, parce qu’il est l’heure d’aller se coucher par exemple, il doit imposer une contrainte et assumer une responsabilité d’adulte.
- Certains parents appliquent les bonnes règles mais avec tant d'angoisse que celle-ci transparaît. Ils savent quoi faire mais ont besoin d'être rassurés dans leur rôle de parents. Parfois aussi, ils affirment une règle sans en être convaincus…
Pour que l’autorité parentale s’exerce, il faut respecter une certaine cohérence dans les règles à l’intérieur de la famille. Pour que l'enfant s'y retrouve, le père et la mère doivent fournir d’une part, des réponses réfléchies et non pas changeantes ; d’autre part, ces réponse doivent être communes. Sinon, l'enfant joue de cette ambiguïté et il a vite fait de s’engouffrer dans la brèche du désaccord. Néanmoins, il n'y a pas de modèle unique qui fonctionne. Tous les modèles éducatifs peuvent échouer…
AppréhenderEntre enfant en danger et enfant dangereux, entre enfant en souffrance et enfant qui fait souffrir autrui, il faut voir les signes d'alerte : des relations difficiles avec ses pairs, un comportement tyrannique avec sa mère (à qui il donne des coups de pied par exemple). L’enfant a besoin qu’on s’intéresse à lui, il va tout faire pour être vu, même si c’est à travers des « bêtises » quand il est petit. Quand un signe apparaît et que les parents ne veulent pas le voir, quand ils banalisent un comportement déviant, l'enfant va de plus en plus loin dans la transgression. Tout le débat de l'éducation est entre surveiller et faire confiance. Eduquer c'est aller vers l'autonomie. Cela demande aux parents de pouvoir réinterroger les règles sans les remettre en cause sans arrêt et trouver une zone d'équilibre entre leur capacité d'écoute et l’expression de leur fermeté. C’est un « métier » difficile que celui de parents…
C’est souvent l’école qui pointe les difficultés comportementales des élèves et quand elle le signifie aux parents, ceux-ci le ressentent comme une agression personnelle, comme si on leur disait : « Vous êtes de mauvais parents ». L'école doit aussi faire appel à d'autres professionnels, travailleurs sociaux, parce qu'elle n'a pas à connaître tous les avatars d'une situation familiale. Elle a seulement besoin de savoir certaines choses qui lui permettront de mieux comprendre les conséquences sur le comportement de l'enfant ou sur ses résultats scolaires.
C'est de plus en plus tôt qu'on sollicite le juge pour dire à des parents qu'ils doivent affirmer leur autorité (avant, c'était pour des ados, maintenant pour des enfants de 7-8 ans). Traiter la question précocement ne signifie pas croire à un déterminisme et soutenir l'idée que chaque enfant perturbé est un futur délinquant (référence au rapport de l'INSERM).
Alors, quand les parents n’y arrivent pas, quand la protection d’un enfant n’est pas assurée, le juge est amené à intervenir par une mesure d'AEMO. Quand une mesure est mise en place, le juge explique la loi, montre ce qui ne va pas et ce qui peut être amélioré. Quand la mesure s'arrête, le juge pointe ce qui a avancé et ce qui reste à faire.
RelativiserL’approche de Marc Fricoteaux est tout en nuances.
Même si les parents sont délinquants et si leurs attitudes sont parfaitement condamnables, il s'agit de ne pas les disqualifier en tant que parents, de travailler à maintenir des liens familiaux et à restaurer cette autorité.
Même s’ils ne savent pas se positionner comme parents, s’ils sont débordés par leurs enfants, il faut les aider à prendre, reprendre leur place et faire attention à ne pas renforcer leur situation de fragilité.
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Par ppicard3 , le dimanche 15 juin 2008.