Comment rééduquer les enseignants pour qu’ils accèdent enfin aux vérités des sciences cognitives ? Les 13 et 14 novembre, quelques centaines de responsables des Espe et cadres du système éducatif planchent, à la demande de la direction de l’enseignement scolaire (Dgesco), sur cette question. D’un côté il y a des chercheurs avides de transmettre ce qu’ils détiennent de savoir établi. De l’autre la machine éducative et sa formation. La toile de fond c’est l’échec du système éducatif à former tous les élèves. Comment faire en sorte que les savoirs des premiers touchent les seconds ? Et cela suffira-t-il à modifier les mécanismes sociaux qui excluent de la formation une partie importante des élèves ? C’est tout l’enjeu du séminaire organisé par la Dgesco qui a deux jours pour remporter des paris aussi osés.
« Comment les sciences cognitives peuvent elles irriguer le système éducatif ? » La question est posée par Florence Robine à l’ouverture du séminaire « Sciences cognitives et éducation » organisé par la Dgesco les 13 et 14 novembre. Dans le cadre douillet du Collège de FRance, la Dgesco a invité trois cents responsables de formation et cadres de l’éducation avec la volonté d’agir sur les outils de formation des enseignants. Mettre en contact ces responsables avec les chercheurs est visiblement une étape importante pour F. Robine.
« Il y a une nécessité absolue d’actualiser les apports des praticiens et de s’appuyer sur les avancées des sciences cognitives particulièrement dans la compréhension des mécanismes d’apprentissage », explique F Robine. « Cela doit nous apporter une réduction du poids des déterminisme sociaux dans l’échec scolaire ». La Dgesco réfléchit à l’intégration des savoirs des sciences cognitives dans le tronc commun de formation des enseignants.
Stanislas Dehaene, professeur au collège de France et animateur du séminaire, intervient pour mettre l’accent sur quelques points acquis des travaux sur el cerveau pour l’apprentissage de la lecture. D’abord l’importance du décodage qui est indispensable. L’importance du vocabulaire que connait l’enfant pour l’apprentissage de la lecture et par suite l’importance des livre sdans l’environnement familial de l’enfant. Il souligne aussi l’importance du geste d’écriture dans l’apprentissage de la lecture : pour lui il faut continuer à apprendre à écrire manuellement à l’école.
Professeure en sciences de l’éducation à Grenoble, Maryse Bianco se rapproche du monde de la classe en donnant des consignes claires aux enseignants. Il faut un apprentissage explicite de la compréhension : « les enseignants doivent rendre explicite ce qui n’est pas évident pour tout le monde ». Ils doivent s’appuyer sur l’oral pour faire parler les élèves et travailler avec eux les mécanismes de compréhension. Il sdoivent apprendre à justifier et montrer comment ils résolvent les problèmes. Avec S Dehaene ils invitent à écarter tout ce qui parasite cela dans les petites classes comme le travail sur les apports culturels des textes.
Johannes Ziegler, (laboratoire de sciences cognitives université d’Aix Marseille) intervient pour montrer l’importance d’une détection précoce des difficultés de l’enfant. Michèle Mazeau, médecin de rééducation, invite aussi à repérer précocement les dys. « On reconnait un dys quand le renforcement pédagogique ne fonctionne pas ». Dans ce cas il faut envoyer l’enfant à un spécialiste à même de faire une bonne analyse de la difficulté. Le symptôme, par exemple des difficultés graves de calcul, peut venir de difficultés très différentes. Elle souligne l’importance de biens éparer els taches dans les travaux donnés aux dys. Il faut simplifier le travail en séparant nettement les tâches. Quand on sollicite plusieurs fonctions cognitives comme écouter et prendre des notes, ce n’est efficace que si une d’elle est automatisée ce qui n’est pas forcément le cas pour tous les élèves.
Mélanie Strauss, médecin neurologue, rappelle l’importance du sommeil dans les mécanismes de mémorisation. C’est pendant le sommeil que le cerveau se remémore la journée et inscrit les savoirs. La sieste, le sommeil sont indispensables pour apprendre et elle démontre en expliquant le fonctionnement cérébral en fonction des différents types de sommeil. Une des difficultés des enseignants c’est que les adolescents ne dorment plus assez (ils ont besoin de 8,5 à 9,5 h par jour). Ils ont donc plus de mal à rester attentifs et à mémoriser. Elle recommande de retarder l’heure d’entrée en cours le matin. Un pas que beaucoup d’écoles américaines ont franchi. Mélanie Strauss montre aussi que le jeu vidéo peut aider à améliorer les troubles attentionnels. Ils améliorent la vision, l’attention multitâche.
La fin de la journée va approcher la question de la formation des enseignants. Michel Fayol, professeur à l’université de Clermont-Ferrand, appelle à revoir la formation des enseignants en s’inspirant de celle des médecins. Il faut dès la première année les faire travailler sur des cas et des problèmes plutôt que les abreuver de cours magistraux. Mais cela nécessite de revoir la durée de la formation et l’organisation du va et vient avec le terrain. « Mettre des savoirs à la disposition des enseignants ne suffit pas. Le problème c(est de savoir que faire de ces connaissances », souligne-t-il.
C’est aussi cette question qu’aborde Stanislas Dehaene. Il invite au dialogue entre praticiens et scientifiques, « un dialogue organisé et mené dans le respect des professionnalités ». Il invite à des conférences de consensus. La seconde journée du séminaire porte justement sur l’intégration des apports des neurosciences dans la formation des enseignants.
L’École française a un problème majeur celui des inégalités sociales à l’École. La question qui se dégage de ce séminaire c’est de savoir dans quelle mesure la réflexion sur les mécanismes d’apprentissage apporte une réponse à une problématique sociale. Quelle est la part des mécanismes sociaux dans l’exclusion scolaire à l’intérieur et à l’extérieur de l’École et celle des modes d’apprentissage ? Où se situent les priorités ? Pour le ministère, la lutte contre les inégalités sociales se fait d’abord sur le terrain intellectuel.
François Jarraud
Sur le site du Café
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