Quel sera l’impact de l’appel à la grève de la large intersyndicale des lycées professionnels le 27 septembre ? Si l’on en juge par les réformes en cours, il devrait être important. En effet, le gouvernement n’est pas tendre avec le lycée professionnel en lui imposant une réforme qui aura des conséquences négatives pour les enseignants mais aussi pour les élèves et en détournant une partie de son financement au profit de l’apprentissage. Pris en tenaille, l’enseignement professionnel devrait voir moyens et élèves fondre. Il semble que ce soit l’objectif.
Une large intersyndicale
Tous les syndicats , à l’exception du puissant Snetaa FO, appellent les lycées professionnels (LP) à faire grève le 27 septembre. La CGT Éduc’action, le SNUEP-FSU, le SNEP FSU, Sud Éducation, le SNALC, le SNCL FAEN, le SIES justifient le mouvement principalement par la réforme du lycée. « Pour nos organisations syndicales la finalité de la voie professionnelle est de permettre, à la fois une insertion immédiate dans la vie active et des possibilités de poursuite d’études réussie », dit l’appel. « Les grilles horaires élèves proposées vont à l’encontre de ces objectifs, elles vont entraîner des suppressions de postes dans toutes les disciplines. Les « secondes par famille de métiers » censées retarder l’orientation seront également source de suppression de postes en permettant un remplissage optimum des classes. Nos syndicats considèrent aussi que les incertitudes qui subsistent sur les modalités de restructuration de la filière GA sont inacceptables. La volonté d’implantation d’unité de formation en apprentissage dans tous les lycées professionnels, avec la mixité des parcours qui induira, de fait, la mixité des publics menace à terme les conditions de travail et le statut des professeurs de lycée professionnel ».
Une réforme qui réduit la formation générale et professionelle
Si le ministre n’a pas été avare de compliments pour le lycée professionnel (« levier de réussite », « grand atout pour l’avenir du pays »), s’il a joué un rôle positif pour son financement en s’opposant à M Pénicaud sur la taxe d’apprentissage, son projet de réforme du lycée professionnel devrait avoir des conséquences importantes pour les LP.
Deux mesures auront des effets sur les emplois. D’abord le regroupement des secondes pro en familles de métier. Au lieu de 80 secondes différentes il n’en restera plus que 15. Pour le ministre cela permet de rendre « plus lisible » l’orientation. Mais cette mesure permettra surtout de diminuer le nombre de classes différentes et donc des économies de postes non négligeables. Pourtant jusque là les regroupements de spécialités se sont mal passés. En GA , une grosse filière tertiaire, la fusion a été vécue comme une déqualification par les enseignants. Elle a aussi posé problème avec les élèves. Et le ministère, selon le Snuep Fsu, s’apprête à fusionner les bac pros ARCU, commerce et vente.
Pour le moment ne circulent que des projets de grilles horaires, les mesures devant être examinées au CSE du 10 octobre. Mais le projet ministériel prévoit une forte réduction des horaires. L’horaire hebdomadaire est abaissé. Et c’est surtout au détriment de l’enseignement général. Ainsi au lieu de 380 heures de français – histoire-géo et EMC il n’y aura plus que 267 heures (297 avec les enseignements en co intervention). En maths on passe de 181 à 140 heures (ou 171). En langues de 349 à 265. Les périodes de formation en milieu professionnel seront aussi revues mais à la baisse : au lieu de 22 semaines se sera de 18 à 22 semaines.
Tous ces allègement déprofessionnalisent le bac pro sans pour autant le scolariser. On abaisse à la fois le niveau de l’enseignement général, alors qu’il faudrait le relever, et celui de l’enseignement professionnel. Le remplacement en 2de de la spécialité par une vague « découverte professionnelle » ramène le bac pro à deux années de préparation. Il en avait 4 il n’y a pas longtemps et le passage à 3 a déjà posé des problèmes.
Des mesures identiques sont prévues pour les CAP. Si elles sont appliquées à la lettre, elles devraient réduire les emplois fortement. Peut-être de 10%.
Le ministère veut aussi développer l’apprentissage en L.P. L’entourage ministériel, prudent, parle d’accords entre lycée et CFA plutôt que d’une UFA dans chaque lycée professionnel. Il promet aussi que les publics scolaires et apprentis seront dans des classes différentes. On verra bien. Mais dans tous les cas ces rythmes d’études complètement différents vont amener les établissements à poser la question de l’annualisation des services. Or là aussi le ministère sait qu’il y a un gisement d’emplois non négligeable.
Le financement des LP menacé au profit de l’apprentissage
La loi sur « l’avenir professionnel » adoptée cet été par le Parlement, pousse aussi les élèves vers l’apprentissage. Elle impose la publication des taux d’insertion des LP, comme ceux des CFA. Comme si les LP sélectionnaient leurs élèves comme le font les CFA… Mais elle porte une menace plus grave encore pour les LP. Initialement la ministre du travail voulait réserver la taxe d’apprentissage versée par les entreprises aux seuls CFA. Finalement l’intervention de JM Blanquer a permis un compromis. 13% de la taxe pourra aller aux formations professionnelles hors CFA. Avec la loi cette part passe de 23 à 13% et ses bénéficiaires s’élargissent : LP mais aussi enseignement supérieur. On passerait de 639 à 400 millions à partager entre davantage de destinataires. Les LP vont devoir restreindre leurs achats y compris pour les matériaux indispensables à la formation. Ils ne pourront plus compter sur l’aide régionale, les régions étant aussi essorées.
Quel avenir pour les lycéens ?
Mais la réforme aura aussi un impact sur les lycéens professionnels. On ne voit pas trop quelles portes ils pourraient pousser facilement après cette réforme. Comment trouver un emploi après le bac avec une formation encore allégée, notamment sur le plan professionnel ? Comment suivre des études supérieures avec un enseignement général largement amputé ? Tout se passe comme si cette réforme n’avaient comme buts que de récupérer des moyens et de pousser les jeunes vers l’apprentissage.
Aussi la mobilisation du 27 sera importante dans les discussions qui devront aboutir au CSE du 10 octobre. Visiblement les syndicats ne se battront pas sur la loi « avenir professionnel ». Mais ils espèrent le maintien des emplois, des horaires et des spécialités.
Le Snetaa hésite
Le Snetaa FO, seul syndicat qui n’appelle pas à la grève, semble hésiter sur la marche à suivre. S’il n’appelle pas à la grève il exige des garanties qui confirment les critiques des autres organisations. » Le SNETAA-FO vous demande qu’il n’y ait aucune diminution de la DHG par rapport à l’existant », écrit Pascal Vivier, secrétaire général, au directeur de la Dgesco, le 26 septembre. « Nous vous demandons d’abonder en heures professeurs les DGH pour qu’aucun moyen ne soit perdu ».
François Jarraud