2019 : L'année des ruptures 

"On ne va pas s'arrêter de gouverner". Pour JM Blanquer, le 6 janvier sur RTL, rien ne doit arrêter la transformation de l'Ecole entreprise. C'est que 2018, qui nous a paru si tumultueuse, n'en a marqué que les premiers coups. 2019 doit voir la mise en oeuvre des transformations structurelles. Ainsi s'installerait une rupture libérale pour l'Ecole française. Mais 2019 est menacé d'une autre rupture : celle du gouvernement avec l'opinion publique et celle du monde enseignant avec son ministre. L'élan réformateur va t-il se briser ou se durcir en 2019 ?

 

2018 l'année de la communication

 

 Pour tous les observateurs de l'Ecole, la première année d'exercice du ministre Blanquer a été marquée par la multiplication des rapports. Rappelons nous leur valse en 2018 : la mission Cyrulnik sur la maternelle, le rapport Mathiot sur le lycée, celui d'A Bergé et B Descamps sur les parents, le rapport Laborde Brisson sur le métier d'enseignant, le rapport Calvez - Marcon sur la voie professionnelle, la mission Mathiot Azema sur l'éducation prioritaire, le rapport Taylor Manès sur les langues, le texte de V. Bazin Malgras  et C. Rilhac sur les directeurs d'école, ceux de B Studer et C Morin Desailly sur le numérique, celui de R Juanico et M Tamarelle-Verhaeghe sur l'évaluation ... Autant de textes qui ont soulevé des polémiques et alimenté les médias. Cela alors qu'au même moment les rapports d'information réalisés par l'Inspection générale étaient discrètement mis sous le boisseau par le cabinet de JM Blanquer. Un peu comme si la majorité de ces rapports , qui ont rarement été matérialisés en décisions, avait pour seul but d'amuser l'opinion.

 

Car 2018 a aussi été l'année des mesures flattant l'opinion. La plus réussie est la loi interdisant le portable  qui, en fait, en autorise l'usage. Le ministre a largement détricoté le travail de ses prédécesseurs.  Ainsi pour les rythmes scolaires, où il récupère au passage quelques centaines de millions. Puis il annule des éléments de la réforme du collège. Il promet une dictée quotidienne, déjà instituée depuis 2002... Et il communique sur la lecture et l'écriture avec des "recommandations" et un "livre orange" qui sèment le doute sur les capacités des enseignants mais flattent les conservateurs. Grâce à eux le ministre promet "100% de réussite" en CP et fabrique des évaluations en ce sens... Dans la foulée, JM Blanquer fait rédiger en précipitation de nouveaux programmes pour l'école, le collège et le lycée sans se soucier ni de leur appropriation par les enseignants ni même de la mise en place de nouveaux manuels.

 

Si 2018 a surtout été l'année de la communication médiatique du ministre, on a quand même vu se mettre en place des bases réelles de sa politique. D'abord avec les dédoublements de Cp et Ce1 réalisés sans aucun investissement, grâce à des suppressions de postes dans le second gré et des fermetures de classes dans le premier.

 

Cette mesure sert de paravent au changement politique majeur qu'impulse le gouvernement : les suppressions de postes. Le budget 2018 affichait une stabilité apparente du nombre de postes. Le budget 2019, malgré des artifices de présentation, présente un solde négatif (2650 suppressions de postes). On revient à la politique menée avant 2012, celle des économies sur l'éducation.

 

2019, l'année des 3 réformes

 

Mais les vraies ruptures sont annoncées pour 2019 avec trois réformes importantes qui vont changer la donne éducative. Ces réformes ont été présentées par le premier ministre en aout 2018 puis précisées par JM Blanquer en conseil des ministres en octobre dernier.

 

La plus importante est la future "gestion humaine de proximité". Liée à la réforme de l'allocation des moyens que le ministère prépare, elle devrait permettre le développement de la contractualisation des emplois et la multiplication des postes à profil dérogeant aux règles des mutations. Il s'agit de donner à l'échelon local la responsabilité du recrutement. Et de lui laisser la responsabilité d'ajuster l'évolution des postes à la baisse budgétaire que le gouvernement a annoncé. La même responsabilisation locale est prévue pour les AVS dont l'attribution échappera au secteur médical (MDPH) pour passer à l'éducation nationale.

 

La réforme de la formation des enseignants est prévue pour 2020 mais elle pourrait être accélérée en fonction de la situation budgétaire. Sous prétexte d'une formation plus professionnalisante, le vrai enjeu est de transformer les fonctionnaires stagiaires (futurs professeurs) en simples étudiants. Le ministère remplirait ainsi son objectif de 25 000 suppressions de postes prévu par le plan gouvernemental. Cette "solution" a déjà été utilisée sous Sarkozy. L'urgence budgétaire, qui résulte des mesures prises en décembre, pourrait accélérer le calendrier. A terme on peut même imaginer la dissociation de la réussite au concours avec le recrutement, à l'image de ce qui se passe dans les pays anglo saxons.

 

La troisième réforme est la réforme territoriale. Là aussi il s'agit de changer le cadre de la gestion de façon à faire des économies d'échelle sur les emplois.

 

Ces trois réformes fondamentales dessinent une éducation moins nationale. Elle augmentera le niveau d'autonomie de chaque niveau (établissement, rectorat), mettant les établissements en concurrence et les rectorats dans un dialogue de gestion au mieux disant.

 

Cette évolution s'accompagnera de nouveaux outils d'évaluation. Déjà se profile dans le projet de loi Blanquer la mise en place d'évaluations d'établissement, avec l'aide des usagers. La publication de leurs résultats facilitera leur mise en concurrence. L'évaluation de chaque enseignant deviendrait possible avec les outils d'évaluation mis en place à l'école et au collège. Pour aller au bout il faudrait changer le mode de gestion des écoles pour les arrimer aux collèges. Il semble que ce projet vienne d'être lancé sérieusement avec l'annonce "d'écoles du socle".

 

Des projets en échec ?

 

Toute cette belle mécanique, lancée comme un train fou depuis 2018, est pourtant maintenant en danger. D'abord par la crise gouvernementale. Le gouvernement essaie d'échapper au gel de ses réformes avec le "grand débat" mais c'est bien ce que demande l'opinion publique. Et il n'est pas exclus qu'il y soit acculé.

 

Les mesures prises pour répondre au mouvement des gilets jaunes imposent de nouvelles coupes budgétaires qui vont fragiliser davantage les réformes engagées. Ainsi il apparait clairement, jusque dans l'argumentation ministérielle, que la réforme du lycée, et celle, totalement bâclée , du lycée professionnel, a pour principale finalité de supprimer des milliers de postes. La rentrée 2019 n'est possible dans le second degré que si au moins 5000 postes sont disponibles pour compenser les 2650 suppressions de postes et la montée démographique.

 

Mais la politique ministérielle est elle aussi maintenant ouvertement contestée. JM Blanquer a beau répéter partout que ses réformes sont attendues et soutenues par les enseignants et les lycéens, la réalité ne peut plus être cachée. Les syndicats ont rejeté très massivement les réformes et les nouveaux programmes. Les lycéens ont montré dans la rue et sans ambiguité ce qu'ils pensent de la réforme des lycées. Les enseignants s'y mettent aussi directement avec #pasdevagues et maintenant Les stylos rouges. Et leurs revendications portent contre les mesures Blanquer.

 

Ils sont particulièrement choqués des tentatives pour les faire taire. De #pasdevagues à l'article 1 de la loi Blanquer, la tentative ministérielle pour imposer un "devoir de réserve" qui s'apparente à l'obéissance aveugle est contestée. On voit les stylos rouges apparaitre à la télévision à visage découvert et sur Twitter des enseignants dénoncer la politique ministérielle ouvertement.

 

Globalement l'année 2018 pour JM Blanquer se termine sur un équilibre très précaire. Le point de rupture est atteint. Ses réformes sont contestées dans la rue. Malgré ses énormes efforts, et son talent médiatique, sa cote de popularité a nettement baissé. Surtout le pourcentage de français qui le jugent négativement a beaucoup progressé. 2019 verra sa politique s'accélérer ou se briser. Et ce ne sera pas seulement une conséquence de la crise gouvernementale.

 

François Jarraud

 

Blanquer affiche son programme

E Philippe le 2 aout

Loi Blanquer

Formation des enseignants

Les enseignants las des réformes

Censure rue de Grenelle

 

 

 

  

Par fjarraud , le lundi 07 janvier 2019.

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