Formation des enseignants : Un projet de réforme avec inconnues 

Lancées par le projet de loi Blanquer, les discussions sur la réforme de la formation des enseignants ont commencé durant les vacances avec un projet d'arrêté que le Café pédagogique s'est procuré. Le texte décrit une formation étalée en amont du master et poursuivi trois années après lui avec une part plus importante donnée aux stages de pratiques. Mais le ministère a détaché de cet arrêté tout ce qui concerne le concours et le statut des étudiants formés en master enseignement (MEEF). Derrière la rhétorique sur le retour sur le terrain, les "bonnes pratiques" et le recours à l'innovation, les syndicats craignent la suppression des 25 000 postes de fonctionnaires stagiaires et une formation amputée par de nombreux stages (ou remplacements...) en établissements.

 

Une formation professionnalisante

 

Soumis à un groupe de travail le 22 octobre, le projet d'arrêté "fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation", compte 22 articles, comme le précédent de 2013. Il introduit pour autant des modifications sensibles à la formation des futurs enseignants.

 

La première nouveauté est dans le caractère pratique qui est donné à la formation. Le nouveau master est présenté comme "une formation universitaire professionnalisante" articulant "théorie et pratique autour de stages d'observation ou de pratique accompagnée et de périodes d'alternance". Les stages sont donc mis au centre de la formation et la formation présentée pratiquement comme un apprentissage. La première année les stages représentent 4 à 6 semaines. La seconde année il s'agit de stage en responsabilité. Le stage en responsabilité compte pour 40 crédits sur 60. Le mémoire ne compte plus que pour 10 crédits.

 

Etalée en amont et aval

 

La seconde dans la durée de la formation. L'arrêté décrit aussi une formation commençant en aval du master et poursuivie jusque 3 ans après lui. "En amont du master la formation peut être initiée à travers la spécialisation progressive mise en oeuvre au sein du cycle licence... Après la titularisation, des dispositifs de formation visant la consolidation des compétences professionnelles référencées en annexe peuvent être proposées durant les 3 premières années d'exercice", précise l'article 4.

 

Reprise en main des fonctionnaires

 

Troisième trait, la formation est confiée à des équipe "pluri-catégorielles et pluri-institutionnelles" , c'est à dire comprenant à coté des enseignants chercheurs universitaires, des personnels de l'Education nationale et des membres d'associations. Au moins un tiers des formateurs seront des enseignants exerçant en établissement. Des enseignants de terrain mais soigneusement choisis par la hiérarchie.

 

Quatrième caractère, la formation est nettement dans la main du nouvel employeur, comme le prévoit déjà le projet de loi Blanquer. Ainsi elle s'appuie sur le référentiel de 2013 mais aussi sur "la politique ministérielle", formule qui lui donne une dimension politique mais a au moins l'avantage de la clarté...

 

L'administration souligne sa volonté de redresser la formation pour que les enseignants connaissent mieux leurs devoirs. "Il y a une méconnaissance totale de la part des stagiaires des droits et devoirs des fonctionnaires. Il y a des postures qui ne sont pas raccord avec ce qu'on attend", a expliqué le représentant du ministère.

 

Les contenus de formation s'appuient sur une annexe "Former l'enseignant du XXIème siècle" où l'on retrouve les idées du ministre. Ainsi , l'annexe impose 55% du temps de formation pour le premier degré aux fondamentaux : français, maths et devoirs du focntionnaire. Seulement 20% du temps de formation porte sur les autres disciplines et l'évaluation des apprentissages. 15% sont consacrés à la recherche. Dans le second degré 45% du temps de formation concerne les savoirs disciplinaires et les devoirs du fonctionnaire,  30 à "l'efficacité de l'enseignement" et 15%à la recherche.

 

Quel avenir pour les fonctionnaires stagiaires ?

 

Les syndicats ont réagi sur la formation elle même. La FSU pour en dénoncer le caractère trop peu universitaire, l'Unsa pour souligner la disparition de la formation commune des futurs enseignants.

 

Mais les vraies questions sont ailleurs. Le syndicats n'ont pas manqué de souligner les problèmes posés par l'arrêté et par la démarche ministérielle qui sépare l'arrêté sur les formations du texte sur le concours. Ce dernier ne devrait être soumis aux syndicats qu'à la fin du printemps 2019. L'arrêté sur les formations devrait être publié au JO en janvier 2019 pour application à la rentrée  2019.

 

Le refus du ministère de se positionner sur les dates des concours renvoie directement au maintien du statut de fonctionnaires stagiaires pour les étudiants en master comme nous l'avons expliqué en juin 2018. Actuellement le concours a lieu à la fin de M1 et les étudiants reçus deviennent des fonctionnaires stagiaires rémunérés tout au long de leur année de M2.

 

La nouvelle formation pourrait voir l'épreuve d'admissibilité en fin de licence et l'admission en fin de M2. Cela renvoie à la formation sur deux années décrite dans l'arrêté. On voit mal le gouvernement recruter des fonctionnaires stagiaires en fin de licence : cela reviendrait à créer 25 000 postes. Faire des étudiants préparant le concours des étudiants (éventuellement boursiers) ou des apprentis dégraderait un peu plus les conditions de formation des futurs professeurs, déjà astreints à faire des remplacements en établissement avec leurs stages. Mais cela aurait l'avantage de rendre immédiatement 25 000 postes à Bercy, c'est à dire ce qu'il attend de l'Education nationale.

 

L'autre question non résolue est celle de la formation trois années après l'admission au concours. Les enseignants ont déjà beaucoup de mal pour faire cours et les préparer  va-t-on en plus leur imposer des formations en sus du temps de travail ?

 

Ce simple arrêté pose donc d'importantes questions sur le devenir du statut des enseignants. La prochaine réunion entre ministère et syndicats aura lieu dans deux semaines.

 

F Jarraud

 

Sur les objectifs de la réforme de JM Blanquer

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 07 novembre 2018.

Commentaires

  • Samoko, le 07/11/2018 à 08:15
    Bon sang ! Il n'y en a pas un seul qui en faisant le rapport entre manque de professeurs, classe surchargées et formation trop théorique ne se demande si on pourrait faire le master en alternance ?! C'est trop demandé de vous dire qu'une mécanique 1 semaine en ESPE, 1 semaine en classe satisferait tous les étudiants et une grande majorité de profs ?

    On nous bassine avec les pratiques d'évaluations nouvelles : évaluations par compétences, par projets et évaluations différenciées ; et qu'est-ce qu'on nous demande de faire aujourd'hui ? Un concours académique/national ! Tout bonnement l'inverse ! "Faites ce que je dis, ne faites pas ce que fais !"

    Mais c'est quoi ce paradoxe qui sévit depuis des décennies dans cette éducation nationale ?! Supprimez le concours, proposez un VRAI master professionnalisant où les vrais motivés puissent s'exprimer et les mauvais didacticiens puissent se rendre compte qu'ils ne sont pas faits pour ça ! Et engagez les profs sur leur VÉRITABLE travail ! Pas sur des Pythagore au CRPE notamment !
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