Colloque "Les politiques locales d'éducation" Poitiers 7 et 8 juin 2005 

Dominique Glasman (université de Savoie) : Impliquer les acteurs dans ce qui les regarde ?

 

Contractuel implique partenarial, mais partenarial n'implique pas contractualisation financière.

Il s'agit d'impliquer les acteurs dans ce qui les regarde, dans une démarche de confrontation et de rencontres, qui construisent des arènes, des scènes dans lesquelles les acteurs se rencontrent. Le centre de gravité du traitement de certaines questions semblent se déplacer. Les dispositifs contribuent à créer de nouvelles normes. Ils contribuent à préparer la voie à la décentralisation, et leur philosophie ne se limite pas au champ de l'éducation (mais aussi du social ou du logement).



Quelles sont les pratiques qui vont dans le sens de la décentralisation ?

On peut toujours se demander qui entraîne l'autre, de la décentralisation ou du contrat. La décentralisation ouvre certes des espaces, mais il faut progressivement apprendre à les remplir en construisant des espaces publics de débat, même si ce sont des espaces limités à certains acteurs. Tout le monde n'est pas convié à la table du débat, surtout les habitants ou les usagers.

Dominique GlasmanOn se met d'accord pour échanger, mais on est plutôt dans la mise en place d'actions que de réflexion sur l'éducation. Mais ce préalable eut-il été possible, tant les acteurs étaient différents. Parfois, il faut commencer par suspendre le débat pour apprendre à vivre ensemble.
On se construit progressivement des compétences partagées dans l'élaboration de diagnostics, certes parfois de façon insuffisante, mais en permettant à de nouveaux acteurs interface de se frotter aux questions éducatives : cadres territoriaux, militants associatifs, mouvements d'éducation populaire. Un nouveau métier apparaît : le coordonnateur, passeur, médiateur entre entités distinctes.

Philosophie, pratiques et acquis, ces dispositifs contribuent à la décentralisation. Se prend progressivement un tournant de politique territorialisée (mises en œuvre localement sous la houlette de l'Etat central) à des politiques éducatives territoriales (les pouvoirs locaux ont de larges marges d'initiatives, non seulement dans le financement scolaire, mais aussi dans la maîtrise du champ éducatif). Les directeurs à l'éducation des grandes villes sont les premiers à revendiquer leur place dans la définition des politiques éducatives.

Le Contrat Educatif Local concernait le péri-scolaire, avec des limites qui sont en train d'être dépassées par la " veille éducative ", démarche qui vise à récupérer les jeunes en décrochage ou démobilisation scolaire, avant qu'ils ne deviennent des sources de danger pour la sécurité publique, ou des chômeurs dans l'espace local. Cela leur donne de la légitimité pour prétendre intervenir dans l'espace scolaire.



Un exemple...

Un élu, responsable d'une communauté de commune en Rhône-Alpes, dit : "Une collectivité locale ne peut pas ne pas avoir de politique éducative sur son territoire. Elle n'a pu le faire tant que l'Education nationale le rendait impossible. Les collectivités locales ne peuvent plus être seulement financeurs des actions mises en œuvre par l'Education Nationale seule."



Des incertitudes

Il faut encore se battre pour imposer cette légitimité d'une politique éducative territoriale. C'est toujours à reconstruire. Le Conseil national des villes, en 2004, mettait en cause la prétention de l'Ecole à tout vouloir régenter, elle qui n'a pas si bien réussi tout ce qu'elle avait pour ambition de réussir seule. Elle demande qu'une place soit faite aux élus locaux pour garantir ses droits.
Cela repose encore souvent sur des personnes : que l'IA mute, et on passe de "voyons ce qu'on peut faire" à "ça ne vous regarde pas". Ca change beaucoup de choses pour les acteurs locaux.

La norme : Les acteurs locaux reconstruisent l'idée de norme, la retravaillent, l'interrogent pour prendre du recul sur les valeurs qui fondent nos actions. J'étais de ceux qui se sont fortement interrogés sur le risque de dilution des normes par les contrats locaux. Pourtant, je ne connais pas un contrat éducatif local qui ne se réfère à ces normes. C'est rassurant sur la dimension de la norme (ouverture à la diversité, égalité) et prouve que ceux qui les signent portent en eux l'histoire commune des valeurs, même si certains mots reflètent aussi la tentation du politiquement correct ou sont là parce qu'ils sont nécessaires pour faire valider les projets par les instances qui distribuent les subsides.
Mais ce qui est important dans la notion de "diagnostic partagé", ce n'est pas forcément qu'on pense vraiment la même chose sur le fond, c'est qu'on ait fait un pas pour penser qu'on a quelque chose à faire ensemble.

Le temps : Le risque, souligné par nombre d'observateurs, est que les dispositifs enferment les actions publiques dans le court terme. C'est possible, ça ne me semble pas fatal. Parfois, on prend le contrat comme effet d'aubaine, mais en ayant des objectifs plus lointains.

Les usagers : La participation semble favorisée par les contrats. Mais en fait, on se rend compte que les dispositifs partenariaux et contractuels concernent peu les habitants, et surtout ceux des catégories les plus populaires. On peut se demander si, par exemple, la question des rythmes de l'enfant, ne serait pas prise en compte différemment si ces publics y étaient davantage entendus.

On se demande pourquoi ils ne participent pas, mais se demande-t-on pourquoi ils devraient participer, tant souvent la place qu'on leur fait est si impossible à prendre ? Pour autant, faut-il abandonner les dispositifs sous prétexte qu'ils ne sont pas toujours aussi opérationnels qu'on le souhaiterait ? Nous sommes dans une étape, ne la brûlons pas.

 

Notes : P. Picard

 

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Par ppicard3 , le .

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