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Ouverture officielle du colloque scientifique Ludovia 2010 « Interactions/Interactivités : Enjeux relationnels »

L’intitulé du colloque scientifique pour cette 7ème session de Ludovia a suscité une très large participation de chercheurs venus d’univers très différents. Cette matinée va être consacrée à définir les termes de la réflexion, à comprendre ce que l’on entend par « interactivité » et par « interaction » et ce qui distingue les deux concepts.

Ces interventions s’adressent à un public averti, et c’est une expérience utile aux enseignants que nous sommes que de se retrouver dans le rôle de l’élève un peu perdu, plein de bonne volonté, mais dérouté par l’usage de champs lexicaux qui ne sont pas ceux de son quotidien, de sous-entendus qu’il ne maîtrise pas, de phrases de trois mots qui recouvrent des domaines culturels dont il ne soupçonnait pas l’existence…

Je ne pourrai donc pas faire un rapport fidèle et juste de ce qui a été dit. Mais quelques notions se sont cependant dégagées, qui m’ont permis d’aborder les débats d’un œil averti (et de constater que les définitions n’étaient pas connues de tous, ce qui fait parfois tourner en rond…)

“L’interaction, concept systémique protéiforme”

Philippe DUMAS, chercheur en information et communication, professeur à l’Université de Toulon, nous donne des clés pour aborder la complexité de la notion d’interaction.

Tout d’abord il dresse des champs sémantiques autour des mots interactivité (le plus ancien, 1876), interaction et interagir (plus récents, 1982). En s’appuyant sur la mise en réseau de Facebook, où nous sommes tous des amis en interaction, il attire notre attention sur le champ de la communication – (relation- lien-rapport-interférence), puis nous s’interroge sur la notion de dépendance que peut entraîner la relation – (dépendance- interdépendance), ce qui nous amène à la question du pouvoir et de la symétrie de l’interaction – (influence, manipulation).

L’interaction est un acte volontaire de création de la relation, obligatoirement lié à un acte psychique.

L’interaction a lieu dans un contexte psychologique et psychosocial, elle procède de la systémique, elle est au coeur du réseau. L’interaction est un système complexe ; de cette complexité naît l’émergence (la résultante est supérieure à la somme des composants). Ainsi une page de Facebook est formée de centaines d’interactions entre les composantes. Chaque click renvoie à une relation complexe et multidimensionnelle.

Facebook peut être défini comme un DISTIC : un dispositif sociotechnique d’information et de communication, dont les propriétés sont une interactivité multidimensionnelle compréhensible par un public de 10 à 60 ans de la culture occidentale.

Plus on interagit dans le virtuel, plus on se rapproche du monde réel qui est une interaction totale. On peut se demander alors où se situent les limites entre monde réel et monde virtuel (allusion au film Inception).

Pour décrire l’interaction dans les systèmes d’information et de communication pris dans leur unicité  (ils sont habituellement décrits comme duels), on a besoin d’une nouvelle unité de mesure, que Philippe Dumas nomme l’inforcom, et qui est constitué d’un grain (unité d’information) et d’une onde (unité de communication).

Pour mieux comprendre, voici un extrait d’une communication de Philippe Dumas :

Source : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/06/26/70/PDF/sic_00001578.pdf
La dimension granulaire de l’inforcom

Essentiellement tout ce qui est numérique ou numérisable, quantifiable, rationnel ou rationalisable : bit, donnée, signe, symbole (graphique), chiffre, caractère alphanumérique, texte, image, couleur dans le spectre, son par sa hauteur, sa durée, sa rythmique, …


La dimension ondulatoire de l’inforcom

Tout ce qui est impalpable physiquement, de l’ordre de l’intuitif et des sentiments : la communication non verbale, non codifiée, la parole aussi dans ce qu’elle véhicule au sens de Breton (2003), l’inflexion de la voix, l’ambiguïté, l’imprécision génératrice de créativité, le charisme, le rayonnement, la vibration, le rituel, l’imaginaire, le sentiment du temps, de l’espace …

 

“La communication médiatée : des formes aux actions”

Eleni MITROPOULOU, chercheuse en sémiotique et communication à l’Université de Franche -Conté, va définir l’interaction par rapport à l’interactivité et à la réaction, plus particulièrement dans les médias.

Depuis 30 ans se pose la question de la définition d’un média interactif. En réalité, la plupart des médias suscitent une réaction, et non une interaction. L’interactivité suppose une rupture communicationnelle. Pour qu’il y ait interaction, il faut qu’il y ait dialogue. Dans le rapport homme/machine, on peut opposer l’interactivité interactive, qui nécessite un dialogue et donc une transformation, à l’interactivité non interactive, qui n’est pas dialogique, entraîne au mieux une réaction et non une transformation. Ainsi tous les médias ne sont pas interactifs. Face à un média interactif, la participation est sollicitée, la réciprocité factuelle, on ne peut pas ne pas agir. L’envoi de SMS lors d’une émission de télévision est un exemple de non interaction, l’interactivité du lien est stérile, on observe seulement des traces de réaction.

L’interactivité implique 3 niveaux de tranformation sur le média :

-          Sur la syntaxe multimédia (on doit pouvoir distinguer un avant et un après, modifier par exemple la disposition des objets)

-          Sur l’énoncé multimédia (on doit pouvoir par exemple annoter une image, cliquer pour agrandir, par exemple, fait seulement appel aux fonctions déjà prévues et n’est pas une transformation)

-          Sur l’énonciation multimedia (par une transformation du texte collaborative par exemple)

On se souviendra de cet exposé lors des séances d’utilisation des boîtiers au Barcamp, pendant les tables rondes, et l’on se demandera si les tables rondes interactives étaient bien nommées.

 

“L’interaction médiatée”

Patrick MPONDO-DICKA, enseignant chercheur en sémiotique de l’audiovisuel à l’Université de Toulouse II et président du colloque scientifique, va nous parler du concept d’interaction homme/machine.

Le terme même d’interaction homme/machine pose un problème conceptuel, puisque l’interaction est définie comme une action mutuelle entre deux entités de même nature. Cette expression sous entend une idéologie (celle des cybernéticiens) qui tend à faire de la machine une entité capable d’action. Pour accepter l’expression, il faut donc adopter une autre définition de l’action, c'est-à-dire l’opération d’un agent envisagée dans son déroulement (on s’intéresse au processus sans détermination de l’agent qui le réalise).

On peut parler entre l’homme et la machine soit d’activité, soit d’action. L’activité n’a pas de but précis (tapoter son téléphone portable), elle est imperfective, non délimitée dans le temps ni dans son résultat ; l’action est une mise en relation de la zone identitaire et de la zone proximale, elle est perfective, délimitée dans le temps, elle a un résultat. Nos activités deviennent des actions dès lors que nous leur trouvons un but, et des actes dès lors que ce but est socialement sanctionné.

L’interactivité homme/machine  peut être par exemple la navigation interminable sur le web ou l’appel de la lumière de l’écran de veille, la machine signale qu’elle est toujours prête. C’est un appel au dilettantisme partagé.

L’interaction est une pratique sociale avec des distinctions entre activités synchrones et asynchrones. L’interaction médiatée est en général préférée  à l’interaction directe, elle évite le face à face réel, on y gère mieux l’affect (nous vérifierons pendant les tables rondes que les tweeteurs se déchaînent sur leurs portables, espérant certainement ne partager leurs remarques et questions qu’entre eux et dans un temps légèrement différé, mais posent très peu de questions en direct). Mais on remarque un développement de l’interaction synchrone sur les médias.

L’interaction est affectante et affectée : on projette ses émotions sur la machine, on a un rapport affectif avec elle.

Enfin, l’interaction homme/machine vient troubler la frontière traditionnelle entre zone de présence et d’absence, entre temps synchrone et asynchrone. Nous répondons tous au téléphone portable qui sonne au milieu d’une conversation réelle, délaissant notre interlocuteur.

En conclusion, on peut dire que l’ubiquité est maintenant une valeur cardinale des discours et des usages du numérique. On est ici et là-bas, en double, triple communication. (Les tweeteurs en donneront un exemple frappant, tweetant en écoutant les intervenants réagissant aux tweets reçus de l’extérieur, répondant en SMS sur leur téléphone en cas de coupure du wifi, s’interpelant de façon non verbale d’un siège à l’autre, et prenant des notes pour écrire un blog en différé).

 

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